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Au Sénégal, Saint-Étienne officialise un partenariat avec Espoirs de Guédiawaye

Par Clément Teraha, à Guédiawaye
8 minutes
Au Sénégal, Saint-Étienne officialise un partenariat avec Espoirs de Guédiawaye

Alors que l’AS Saint-Étienne attend de trouver un repreneur fiable, elle s’active en coulisses pour sa formation et a officialisé ce vendredi un partenariat avec les Espoirs de Guédiawaye, un club de National 2 sénégalaise dans la banlieue de Dakar. Cette collaboration inclut l’exclusivité sur les meilleurs joueurs, ce que regrette Me Moustapha Kamara, un avocat sénégalais, estimant que ce fonctionnement représente un frein sérieux au développement du football local.

C’est l’attroupement autour du stade Ndjareem de Guédiawaye, un quartier populaire de la banlieue de Dakar, au Sénégal. De nombreux enfants, surexcités, sont réunis près de l’enceinte. Ce jeudi 11 novembre 2021, l’atmosphère qui règne dans le quartier n’est pas celle d’une journée banale. La banderole accrochée à l’entrée du stade, souhaitant la bienvenue à l’AS Saint-Étienne et à son président Roland Romeyer, en est le signe. La tenue des dirigeants sénégalais, tous vêtus d’un maillot et d’une casquette à l’effigie du club stéphanois, ne laisse place à aucun doute. C’est bien ici qu’une après-midi de gala est organisée pour fêter l’officialisation du nouveau partenariat entre l’ASSE et les Espoirs de Guédiawaye.

 Dieye est un joueur de couloir, il joue sur la profondeur. Il est technique et vraiment très rapide. Nous allons bientôt découvrir une pépite.

Boubacar Fall, El Hadji Dieye, et après ?

« Aujourd’hui, les cadets, les juniors et les seniors des Espoirs de Guédiawaye affrontent le Guédiawaye FC en amical devant la délégation de Saint-Étienne, nous informe-t-on devant le lieu de l’évènement. Et demain, il y aura l’officialisation du partenariat à l’hôtel Le Radisson de Dakar. » Sur le gazon synthétique, où les gommes noires sont légion, les équipes s’affrontent match après match. Au bord du terrain, les drapeaux de Saint-Étienne flottent près de ceux du club local. Quelques centaines de supporters garnissent les gradins, l’ambiance est à la fête. Seule une averse au beau milieu de l’après-midi coupera un temps les instruments et les chœurs. Elle obligera aussi Gérard Fernandez, le responsable de la cellule du recrutement du centre de formation de l’AS Saint-Étienne, et Ousmane Wade, président des Espoirs de Guédiawaye, à s’installer à l’abri, plus haut dans la tribune.

Le président des Verts Roland Romeyer n’est pas du déplacement. Probablement trop pris par des discussions sur la vente du club en France, il est excusé par Fernandez, qui connaît bien l’Afrique et le Sénégal, puisqu’il était déjà en poste lorsque Saint-Étienne était lié à Yeggo Foot Pro, entre 2006 et 2011. Mais ce partenariat ne s’était pas bien terminé. « La confiance était rompue », confie le recruteur français, malgré de bons débuts, en témoignent les 131 matchs disputés par le défenseur Mouhamadou Dabo sous le maillot vert. Le temps semble venu d’écrire une nouvelle page entre l’ASSE et le pays de la Téranga.

Boubacar Fall chez les Verts

« Ce partenariat est né de circonstances, par l’intermédiaire de deux garçons qu’on a déjà recrutés aux Espoirs de Guédiawaye (le gardien Boubacar Fall, 20 ans, et l’ailier El Hadji Dieye, 19 ans). De là, on a noué des liens avec le président Ousmane Wade. Il a souhaité avoir une relation plus pointue, donc il y a ce partenariat. C’est le début d’une collaboration qui est déjà une réussite, grâce à ces deux signatures de contrat professionnel », résume Gérard Fernandez, au club depuis 1985. Si aucun des deux joueurs n’a encore évolué en Ligue 1, le dirigeant sénégalais Ousmane Wade promet que ça ne saurait tarder, tant leurs qualités sont louables : « Fall est un gardien qui joue bien au pied. Il est grand, athlétique. Il a déjà montré ses qualités en Afrique et il pourra les montrer bientôt en Europe. Dieye est un joueur de couloir, il joue sur la profondeur. Il est technique et vraiment très rapide. Nous allons bientôt découvrir une pépite », lance-t-il, modestement. Concernant Boubacar Fall, Ousmane Wade assure qu’une « dizaine de clubs ont fait des offres », mais que les Espoirs de Guédiawaye ont choisi de travailler avec Saint-Étienne pour « la qualité de sa formation ». Malgré la situation difficile que traversent les Verts en Ligue 1 – actuels 19es du championnat -, le dirigeant sénégalais se réjouit du maintien en poste de l’entraîneur Claude Puel, « un coach qui fait confiance aux jeunes ». D’autres joueurs devraient ainsi débarquer de la banlieue dakaroise, la collaboration incluant « une exclusivité pour permettre à (leurs) espoirs de rallier l’ASSE ».

 C’est dans l’ADN de l’ASSE de former des joueurs. Donc qui que ce soit qui le reprenne, je ne pense pas qu’ils puissent tout révolutionner.

L’espoir d’un partenariat gagnant-gagnant

Les Espoirs de Guédiawaye sont un club de National 2 au Sénégal. Fondé en 2002, ils démarrent en compétition un an plus tard. Après un excellent parcours en division régionale l’an passé, le club a perdu aux tirs au but lors du match d’accession, mais a déposé une réserve pour « fraude ». Finalement, la Ligue de football amateur semble lui avoir donné raison, puisqu’il apparaît dans la poule D de N2 pour la saison 2021-2022 qui démarre bientôt. Pour Gérard Fernandez, la division occupée par l’équipe fanion importe peu : « Dans un partenariat, on ne recherche pas forcément un club pro. Ce qui nous intéresse, c’est le recrutement de jeunes joueurs de talent et la post-formation. Les meilleurs ne sont pas toujours dans un club pro. » Tout comme le fait que le club soit à vendre : « C’est dans l’ADN du club de former des joueurs. Donc qui que ce soit qui le reprenne, je ne pense pas qu’ils puissent tout révolutionner. »

Gérard Fernandez et Ousmane Wade

Au-delà du recrutement, la collaboration entre les deux clubs doit permettre « un transfert de compétence et un renforcement de la culture de la formation » de la France vers le Sénégal, espère le dirigeant du club local. Car pour que le partenariat fonctionne, « il faut que ce soit du gagnant-gagnant, les deux parties doivent s’y retrouver », estime le responsable du recrutement stéphanois. En quoi cela consiste ? « Certains techniciens de Guédiawaye viendront à Saint-Étienne faire des stages, travailler sur la formation. Certains de nos techniciens viendront ici, travailler sur le développement des gamins sénégalais », appuie-t-il.

Si les Espoirs de Guédiawaye sont un club jeune dans le paysage sénégalais, ils entendent gravir les échelons le plus vite possible. « Nous avons l’ambition d’intégrer la ligue professionnelle », glisse Ousmane Wade. Mais cela peut-il se faire si les meilleurs joueurs prennent l’avion, direction le centre sportif Robert-Herbin de Saint-Étienne ? « Cela n’est pas sérieux », juge Me Moustapha Kamara. Cet avocat sénégalais, auteur de l’ouvrage Les Réformes du football au Sénégal, paru le mois dernier, dénonce ce mode de fonctionnement, considérant que « le football local perd par deux fois avec ce type de partenariat ». D’abord, « sur le plan sportif, les talents quittent le pays trop tôt ». Ensuite, « sur le plan financier, il y a un manque à gagner, car il n’y a pas d’indemnités, les garçons partent gratuitement en France. En réalité, les clubs français délocalisent une partie de leur formation, ils y gagnent de bons joueurs et économisent sur les indemnités de formation et sur la fiscalité. »

 On a d’excellents joueurs partout en Europe, mais quelles retombées voyons-nous sur notre football local ? En dehors des académies financées par des hommes d’affaires, regardez l’état des infrastructures.

Au Sénégal, la fuite des talents

Docteur en droit, également auteur des Opérations de transfert des footballeurs professionnels, paru en 2007, Me Moustapha Kamara pratique aujourd’hui son métier d’avocat en France. En 2018, il propose onze idées pour un football sénégalais émergent (FSE) pour une proposition de réforme du football dans le pays qui l’a vu naître. Parmi celles-ci, « l’interdiction de tout transfert de joueurs avant 20 ans ». Selon lui, laisser les meilleurs footballeurs sénégalais se faire les dents dans les championnats locaux permettrait de rehausser le niveau des championnats, notamment professionnels. « Et puis surtout, quand ils partent dès 18 ans, ils sont en équipe réserve en France, au mieux. S’ils avaient joué au plus haut niveau au Sénégal, ils seraient davantage prêts à évoluer en Ligue 1 française. Je souhaite aussi qu’ils partent, car il y a un gap entre le football au Sénégal et en Europe, mais il faut qu’ils soient prêts et surtout que le club formateur soit véritablement indemnisé. »

« C’est sa vision des choses uniquement », regrette Ousmane Wade. Le dirigeant sénégalais se défend et souhaite « aider les joueurs à se prévaloir et sauter le pas ». Il se demande « pourquoi attendre que le jeune ait plus de 20 ans si celui-ci a beaucoup de talent ? » De son côté, Gérard Fernandez calme le jeu. « C’est un phénomène qui touche le football mondial. Saint-Étienne est un club moyen du point de vue économique. On a aussi perdu des joueurs trop tôt. Regardez (William) Saliba et (Wesley) Fofana – transférés à 18 et 19 ans -, si on les avait tous les deux dans notre charnière centrale aujourd’hui, je ne suis pas sûr que nous occuperions cette place au classement. » Toutefois, le responsable du recrutement stéphanois omet de rappeler que ces ventes ont rapporté près de 70 millions d’euros aux Verts.

Phénomène planétaire ou pas, Me Moustapha Kamara garde un goût amer de tous ces partenariats signés entre clubs sénégalais et français. Y compris les plus prolifiques, comme Génération Foot avec Metz, Diambars avec l’OM et Dakar-Sacré-Cœur avec l’OL. « On a d’excellents joueurs partout en Europe, mais quelles retombées voyons-nous sur notre football local ? En dehors des académies financées par des hommes d’affaires, regardez l’état des infrastructures. Maintenant, nous voulons voir du changement », assène-t-il. Pour Saint-Étienne et les Espoirs de Guédiawaye, le projet n’en est qu’aux fondations. Il prendra fin le 31 juillet 2024, « mais le contrat est évidemment renouvelable », rappelle Ousmane Wade. Les joueurs sénégalais n’ont pas fini d’époustoufler les spectateurs de la Ligue 1. Aux dépens des spectateurs du championnat sénégalais.

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Par Clément Teraha, à Guédiawaye

Tous propos recueillis par CT

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