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- 6e journée
Zwolle est toujours leader. Hélas ?
Malgré une défaite à l'Ajax (1-2), le « petit » PEC Zwolle reste en tête de l'Eredivise. Un mauvais indice pour le foot hollandais, même si cette position flatteuse a une explication logique. Focus sur le club de tous les paradoxes !
Autant le dire : si le PEC est encore sur le podium à la trêve hivernale, il faudra s’inquiéter sérieusement de l’état du championnat néerlandais. Car disons-le tout de suite : Zwolle n’est pas le nouveau Dortmund, le cadeau surprise double champion d’Allemagne 2011 et 2012 au jeu chatoyant, ni le nouveau Montpellier, et son commando killer qui avait fait mordre la poussière au caïd PSG en 2012. La petite ville de Zwolle (à 80 km au nord-ouest d’Amsterdam) abrite un club sans grand génie ni stars, tout juste promu en D1 locale en 2012-2013. Le PEC a même fini 11e lors de cet exercice. Traduction : son leadership traduit d’abord les insuffisances coupables des cadors habituels (Ajax, PSV et surtout Feyenoord). Une mine de plus qui saute à la figure après la première déconfiture des clubs hollandais en tours préliminaires européens : Vitesse, FC Utrecht et Feyenoord trashés en C3 et le PSV viré de C1. Mais le bon positionnement du « petit » PEC ne s’explique pas que par rapport aux débuts moyens des grosses cylindrées du pays. Heureusement…
Le bon départ
D’abord le classement après 6 matchs. Zwolle est en tête avec 13 points, suivi du PSV (12 points), Heerenveen et Ajax (11), puis AZ (10) et Twente (9). Feyenoord n’en a que 7. L’écart entre Zwolle et ses poursuivants n’est pas énorme. Mais la symbolique de numéro 1 s’impose et interpelle. Alors pourquoi cette première place ? Parce que le PEC a gagné ses quatre premières rencontres, notamment le math d’ouverture à dom contre Feyenoord (2-1), alors qu’il avait été dominé et que le but vainqueur de Fernandez a été inscrit à la 92e (l’attaquant transfuge était tricard à Rotterdam : il s’est vengé d’avoir été prêté à Zwolle !). Ensuite, le PEC a enquillé sur trois victoires face à Heerenveen (pas mal), puis le NEC et Cambuur (promu). Mais quand c’est devenu un peu plus dur (1-1 à dom contre Utrecht, puis 1-2 à Amsterdam), Zwolle a montré ses limites. Mais comme les cadors avaient aussi lâché pas mal de points auparavant, la tête du classement leur échut !
C’est d’abord un bon recrutement qui a permis cela. Malgré le départ de l’attaquant Avdić à l’AZ, Zwolle s’est donc fait prêter le bon attaquant Fernandez par Feyenoord. Rotterdam lui a aussi vendu le milieu sud-africain Mokotjo (22 ans). Erreur carabinée ! Le n°6 en pointe basse du midfield de Zwolle (qui joue en 4-3-3) est l’une des véritables révélations de ce début de championnat. Il serait un mix de Matuidi-Tigana-Makélélé (ouf !), un box to box intelligent de 22 ans qui est en train de prendre son envol. Notons aussi l’arrivée de Nijland, élégant ailier gauche costaud (24 ans, 1m87) qui crée aussi au milieu, et prêté par le PSV. Autre erreur : Eindhoven flotte dangereusement au milieu en ce début de saison ! Tant mieux pour Zwolle… Enfin, le gardien belge Kevin Begois (31 ans), arrivé de Den Bosch assure et rassure. Un gros bémol annonciateur peut-être du rétrogradage à moyen terme du PEC : le départ de son sorcier offensif, Youness Mokhtar, parti in extremis au FC Twente à la toute fin du mercato. Son rayonnement offensif sur tout le front de l’attaque et ses dribbles ravageurs avaient aussi hissé son équipe vers le haut.
Un beau collectif, malgré tout
Et puis il y a les fondamentaux du foot que Zwolle a parfaitement respecté. Un état d’esprit et une solidarité du tous pour tous exemplaires, d’abord. Sans être une équipe défensive, tout le monde bosse au pressing et à la récup et défend de façon très cohérente. Avoir vu la mort en face l’an passé après une première partie de championnat calamiteuse avec la relégation en vue a inspiré un sentiment de « plus jamais ça » à un groupe très désireux cette année d’assurer un max en début de championnat, en engrangeant un paquet de noisettes en prévision de l’hiver… À domicile, mais aussi à l’extérieur en nombre plus restreint, le PEC peut compter sur un vrai public chaleureux qui pousse les siens à se transcender. Une ambiance à l’anglaise, qui compte forcément dans les matchs à la maison. À la fin des rencontres, les joueurs vont toujours longuement saluer leur public : la communion existe vraiment.
Et le jeu ? C’est là que ça devient intéressant. Cet été, Ron Jans a succédé au duo Langeler et Stam (partis respectivement renforcer la formation du PSV et de l’Ajax). Or, Jans est un ancien attaquant. Du coup, sa philosophie offensive naturelle est le meilleur garant des résultats et du maintien en position favorable du club en Eredivisie. Combien de petites équipes misent leur survie avec une approche résolument défensive ? Avec Ron Jans, on touche à l’essence même du football hollandais : même sans stars, on sait bâtir des équipes intelligentes tactiquement, avec un vrai fonds de jeu sur lequel on se repose dans n’importe quelles circonstances. Voilà pourquoi Zwolle a vaincu Feyenoord, s’est repris face à Utrecht (1-1) et n’a pas été ridicule à l’Ajax. Le PEC est d’abord parfaitement vertébré : Begois (gardien), Lachman (Golgoth axial en défense qui se porte vers l’avant), Mokotjo (n°6 et box to box) et enfin le milieu offensif Jesper Drost posent le cadre. Vient ensuite une organisation tournante hyper intelligente au milieu : le milieu international polonais Klich et l’ailier Nijland secondent Mokotjo à la création. Tous coulissent et gravitent intelligemment autour du porteur interchangeable. La belle mécanique se complète de défenseurs latéraux typiquement hollandais, avec les offensifs Achenteh à gauche et Van Polen à droite. Point noir : l’avant-centre Fred Benson (hollando-ghanéen, 28 ans) au déchet trop important, seulement un but en six rencontres. Si plus efficace hier à l’ArenA, Benson aurait pu donner le point du nul face à l’Ajax…
Zwolle, symptôme d’un foot malade ?
Alors ? Est-ce que la surprise Zwolle peut durer ? Oui. Malgré le coup d’arrêt à Amsterdam, le PEC offre pour l’instant beaucoup des garanties tactiques nécessaires pour se maintenir dans le haut du classement. Avec 14 buts pour et 6 contre, 4 victoires pour un nul et une défaite, il offre un profil d’équipe du Big Four local. Qui plus est, le facteur de plus en plus important de la moyenne d’âge le situe dans la bonne tranche avec pas mal de joueurs autour de 25 ans. On rappelle que le pillage du foot hollandais force les clubs à aligner des équipes très (trop ?) jeunes, manquant de vice, de métier et d’expérience. C’est d’ailleurs le cas de la mômerie du PSV, talentueuse mais insuffisamment encadrée de tauliers véritables.
Alors, oui encore, le PEC peut durer d’autant plus que Ajax (C1), Feyenoord et l’AZ (C3) vont débuter leurs aventures européennes et y laisseront forcément de la gomme. Au PEC d’en profiter. Tout comme le FC Twente, pas mal du tout en ce début de saison. On en reparlera… La bulle Zwolle a peut-être éclaté, hier, à Amsterdam, mais sa place de leader pousse quand même le foot hollandais à la réflexion : comment ce petit club promu l’an passé, sans grands moyens et sans stars, fait la nique aux grosses cylindrées ? Les premiers résultats européens des trois clubs néerlandais nous diront si, en plus de la place de leader du « petit » Zwolle, le foot des Tulipes est vraiment malade…
PS : la Coupe du monde 2022 n’aura pas lieu au Qatar
par Chérif Ghemmour