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Zurutuza, Basque de fer
Chaînon indispensable du XI de Jagoba Arrasate, David Zurutuza est un OVNI dans la galaxie stéréotypé des footballeurs. Sorte d’Oleguer Presas basque, il n’a jamais caché son amour pour la cause indépendantiste. Portrait d’un mec qui en a.
« Je suis né en France, à Rochefort, un village proche de Bordeaux. Mes grands-parents sont de là-bas et ma mère y était lors de ses dernières semaines de grossesse. Après quelques semaines, mes parents m’ont emmené à Deba, où j’ai grandi jusqu’à mes six ans. Ensuite, je suis allé vivre à Hendaye. Ma mère est française et mon père de Azpeitia. On peut dire que je suis mi-français, mi-espagnol, même si le fait de naître à Rochefort fut plus un accident qu’autre chose. Ma culture, mes expériences et mes amitiés sont basques. Je parle la langue, mais je ne me sens pas français. » David Zurutuza ne s’en cache pas : il se fout bien de sa moitié bleu-blanc-rouge. Son autre demie, espagnole, il s’en serait également bien passé. Lui est basque. Et plutôt fier de l’être. Car au sein du corporatisme des footballeurs, Zurutuza dénote. Natif de Charente-Maritime, le milieu de la Real Sociedad est engagé. Un engagement en faveur de la cause basque qui lui a déjà valu quelques reproches. Pour « Zuru » , sortir du rang n’est pas une fin, c’est l’obligation la plus nécessaire pour faire valoir ce qu’il pense juste.
ETA, Liga et brouhaha
Pour une partie de l’Espagne – essentiellement celle sympathisante du Parti populaire –, David Zurutuza est catalogué comme un soutien du terrorisme. À savoir, défenseur de la cause basque. Loin des clichés footballistiques, Zuru est un militant politique. Prenant part à des manifestations ou affichant ses opinions politiques, il se garde pourtant bien de faire sa promo à un niveau plus médiatique. Ainsi, en 2011, il affiche son soutien aux familles des prisonniers basques. En compagnie de sept de ses coéquipiers de la Real Sociedad – Imanol Agirretxe, Jon Ansotegi, Mikel Gonzalez, Mikel Labaka, Eñaut Zubikarai, Markel Bergara et Mikel Aranburu – il se dit en faveur d’une manifestation pour le rapatriement des prisonniers de l’ETA dans des enceintes carcérales du Pays basque. Pour rappel, en Espagne, nombre des prisonniers du mouvement « Euskadi Ta Askatasuna » (pour « Pays basque et liberté » ) sont emprisonnés loin de leur région, réduisant les visites de leurs proches à portion congrue. Illico, le PP – la droite espagnole – et l’association des victimes du terrorisme demandent l’interdiction de cette marche, la considérant comme un soutien au dit terrorisme. Et catégorisent les huit joueurs comme des activistes.
Ce soutien lève un tollé. Le président de la Real Sociedad, Jokin Aperribay, déclare que la « Real est un société sportive anonyme qui ne doit pas affirmer d’opinion politique » et que l’engagement de ces huit joueurs ne « contribue pas à l’unité du club » . Dans un pays, et de surcroît une région, toujours meurtrie par ses dissensions régionales et identitaires, Zuru a choisi son camp. Pour autant, rien ne fait de lui un militant terroriste. Mais les critiques pleuvent. Ainsi, le collectif des victimes du terrorisme au Pays basque juge « humiliant de voir le cynisme de ces joueurs privilégiés, qui représentent des milliers de Basques chaque week-end et qui sont des exemples pour les futurs générations » . Pis, cette association définit ces huit joueurs comme des soutiens aux « assassins de nos familles, alors que jamais ils ne se sont manifestés publiquement en faveur des victimes » . Depuis, Zuru a gardé son engagement pour lui, ses proches, et surtout sur le pré.
Chouchou d’Anoeta et physique en bois
Au-delà de ses idéaux, David Zurutuza est également – surtout – un très bon milieu de terrain. Au club depuis ses 19 ans, il a auparavant fait ses classes au Legokoak de San Sebastián, club célèbre pour avoir formé Luis Arconada. Enfant du pays, il est adulé par Anoeta. Les « Zuru, Zuru, Zuru » descendant des tribunes lui « donnent une grande joie parce que cela signifie que les gens m’aiment. Je vais essayer de faire de mon mieux pour ne pas les décevoir » . Entendez par ce « essayer » que le bougre est souvent victime de son physique en bois. Des pépins musculaires récurrents qui freinent sans cesse sa progression. Lorsque ses muscles le laissent en paix, il n’est toujours pas à l’abri de gros chocs. Car cet engagement de tous les instants lui a déjà laissé des traces. Comme ce nez cassé en janvier 2012 après un contact « appuyé » avec le central français du Sporting Gijón Gregory. L’an dernier, même topo. Alors que Philippe Montanier en avait fait le pendant d’Illarramendi, il a connu une fin de saison hachée menue par les blessures. Dommage, car à 27 ans, il semble avoir atteint une certaine plénitude footballistique. De là à imaginer un futur en sélection, il reste encore quelques pas. Sauf à considérer que l’équipe du Pays basque ait une chance d’être reconnue par la Fifa.
Par Robin Delorme, à Madrid