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Zubizarreta : « L’Italie est toujours un rival costaud »

Propos recueillis par Antonio Moschella
7 minutes
Zubizarreta : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>L’Italie est toujours un rival costaud<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ça commence à faire un moment qu'Andoni Zubizarreta, légendaire gardien de but de l’Espagne et du Barça, profite d'avoir du temps pour lui et sa famille, après avoir été remercié par le club catalan lorsqu'il occupait la position de directeur sportif, il y a déjà un an et demi. Et c'est chez lui, ce lundi, qu'il suivra le match entre l’Italie et l’Espagne, en huitième de finale de l’Euro.

Salut Andoni. Alors, tu t’apprêtes à regarder tranquillement à la maison, c’est ça ?À la maison, oui, mais tranquillement, pas du tout ! (rires) Il s’agit d’un huitième de finale contre l’Italie, ce n’est pas n’importe quoi !

Comment vois-tu ce match ?Contre l’Italie, c’est toujours une épreuve de force mentale et de résistance. L’Italie est toujours une équipe costaud, même si en ce moment, ils n’ont pas de stars comme avant. Je crois que même dans leur pire match ils auront deux ou trois opportunités de marquer et de t’éliminer. En général, les Italiens sont des maîtres de la compétition, ils jouent toujours au maximum.

Tu crois donc qu’il n’y a pas de favori sur ce match ?

Les Italiens ont les moyens pour faire leur match, et les Espagnols aussi. Donc, non, il n’y a pas de favori.

Non, je vois plutôt un match équilibré. Ça me rappelle un peu la finale de Ligue des champions 2014-2015 à Berlin, avec le Barça qui était obligé de mener le jeu, de gérer le rythme et le tempo du jeu. L’Italie, avec la philosophie d’Antonio Conte, va faire un match basé sur le pressing et sur la contre-attaque. Les Italiens ont les moyens pour faire leur match, et les Espagnols aussi. Donc, non, il n’y a pas de favori.

Tu t’attends à quel match ?J’aimerais bien voir une Espagne fidèle à son style de jeu. Dans cet Euro, on a vu aussi des transitions plus rapides, mais en général je suis sûr que l’Espagne va jouer, comme toujours, avec sa propre personnalité et bien déterminée à attaquer. Je vois aussi l’Italie faire étalage de son talent au niveau tactique, faire du pressing. Et je suis conscient qu’il ne faut pas sous-estimer les Azzurri car, même dans leur pire moment, ils peuvent réaliser un exploit, surtout dans un match comme ça.

Le point fort de l’Italie c’est, comme toujours, son efficacité défensive. Au-delà du rendement des trois défenseurs, c’est clair que Gigi Buffon est le leader de cette équipe. Est-il le meilleur gardien de l’histoire ?Je n’aime pas dire ça, car dans ma carrière j’ai vu tellement tant de grands joueurs…

Même si je ne peux pas dire que Buffon a été le meilleur gardien de l’histoire, je suis sûr qu’il est désormais une légende

Mais c’est évident que Buffon est une référence dans la catégorie des gardiens. On a clairement vu, contre l’Irlande, que la défense italienne n’était pas la même sans lui dans les cages. Je crois qu’il s’entend très bien avec Barzagli, Bonucci et Chiellini parce qu’ils jouent ensemble à la Juve depuis des années. Buffon donne beaucoup de confiance à ses défenseurs et à toute l’équipe. Je crois aussi que c’est un champion parce qu’il est passé par des moments compliqués, comme par exemple une année en Serie B avec la Juve, et ça lui donne beaucoup d’autorité et de respect. Du coup, même si je ne peux pas dire qu’il a été le meilleur gardien de l’histoire, je suis sûr qu’il est désormais une légende.

C’est l’Italie le pire adversaire possible pour l’Espagne, vu leur vision du foot ?Peut-être, oui, mais aussi l’Espagne peut être le pire adversaire pour l’Italie ! Ce sont les huitièmes de finale de l’Euro, et tout peut se passer.

Et si ça se termine au tirs au but ?Bon, tu sais bien que les penaltys ont toujours été mon point faible (rires), donc c’est mieux que je me taise…

En tant que gardien de but, qui étaient tes modèles quand tu étais jeune ?J’adorais José Ángel Iribar (ancien gardien de l’Athletic Bilbao, ndlr) et aussi Dino Zoff, son jumeau. Ces deux-là étaient les meilleurs gardiens de mon époque, et évidemment je m’inspirais d’eux. Mais après quand je parlais avec Iribar il me disait que Ricardo Zamora (gardien espagnol des années 30, ndlr) était bien meilleur que lui… Tu vois, chacun a ses préférences.

L’Espagne, en revanche, semble avoir un peu de problèmes dans les cages. Iker Casillas n’est plus titulaire, et David de Gea est dans un tourbillon de polémiques qui vont au-delà du foot…Franchement, je préfère ne pas trop m’exprimer sur cette histoire, car dans ma position les opinions peuvent être interprétées et créer des malentendus. Si Del Bosque pense que De Gea doit être le titulaire, fantástico, on va soutenir De Gea jusqu’à la fin.

De toute façon l’Espagne peut compter sur deux grands gardiens.Ça c’est évident. Casillas et De Gea ont la même capacité à gérer la défense, et ils transmettent de la confiance à leur coéquipiers.

Jouer contre l’Italie, j’imagine que ça te rappelle des souvenirs ?Pfff, trop de choses, et pas forcément heureuses pour moi ! Je me rappelle avoir joué deux matchs officiels contre l’Italie. Le premier, c’était lors de l’Euro 1988. Phases de groupes, on perd 1-0 sur un but de Vialli.


Le deuxième, c’est forcement le souvenir le plus triste. C’était à Boston, le 9 juillet 1994…Carrément ! C’étaient les quarts de finale de la Coupe du monde.

Une fois rentrés à l’hôtel, on avait appris que notre rival serait l’Italie, et évidemment ce n’était pas une bonne nouvelle.

Cette année-là, on était une équipe très compacte, en pleine bourre, et on venait de battre 3-0 la Suisse en huitièmes. Mais l’Italie nous attendait sur la même pelouse où elle avait battu le Nigeria, quatre jours auparavant. Je me rappelle qu’on était allés voir ce match au stade et on était partis à la 75e minute, c’est-à-dire avant l’exploit de Roberto Baggio. En sortant du stade, on avait entendu deux fois les cris du public, et une fois rentrés à l’hôtel, on avait appris que notre rival serait l’Italie, et évidemment ce n’était pas une bonne nouvelle.

Revenons un peu sur ce match…C’était un match serré, tendu. On a mal commencé, en encaissant le but de Dino Baggio, après on a égalisé par Caminero, et on pensait pouvoir gagner. On a même eu deux occasions pour marquer le deuxième but, mais à la fin on a été puni par Roberto Baggio. Ça a été un choc pour nous, car les circonstances nous étaient favorables jusqu’à ce moment.

La loi du foot est terrible. Salinas manque une grande occasion et quelques minutes après, Baggio marque le but du 2-1. Est-ce que perdre comme ça a été une punition trop dure pour vous ?Je n’aime pas dire ça. Après avoir passé beaucoup de temps dans ce milieu, je crois que le football est le football. Je m’explique : des fois tu gagnes quand t’as pas trop fait d’efforts et d’autres fois tu perds quand tu méritais de gagner. Dans le foot, il n’y a pas de place pour le mérite, ou pour la justice. Dans le foot, celui qui marque le plus de buts, c’est celui qui gagne, et ce jour-là à Boston, l’Italie a marqué deux buts et l’Espagne un…


L’image la plus connue de ce match est celle de Luis Enrique qui pleure, le nez en sang, après le coup de coude de Tassotti. Comment t’as vécu ce moment du match ?Moi j’étais à l’autre bout du terrain, donc je n’avais pas vu grand-chose. Après, en tant que capitaine de l’équipe, j’avais noté qu’en général, le match était plein de situations tendues, avec beaucoup d’esprit de compétition.

En 2008, un autre Espagne-Italie a changé l’histoire de la Roja. C’était l’Euro 2008, et l’Espagne arrivait en demi-finale dans une compétition, après 44 ans. Est-ce que tu crois que sans cette victoire, l’équipe d’Espagne ne serait pas aussi forte qu’elle l’est aujourd’hui ?

Je ne me demande pas ce qui aurait pu passer si l’Espagne n’avait pas gagné cette séance de tirs au but

Franchement, je crois que dans le foot on passe trop de temps à faire des discours hypothétiques… Je ne me pose pas de questions sur ce qui aurait pu passer si l’Espagne n’avait pas gagné cette séance de tirs au but. La grandeur du foot est dans le défi d’un moment, d’un instant. Il ne faut pas penser, il faut juste gagner.

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