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Zubizarreta : « Les succès se construisent étape par étape »
Ancien gardien de l’Athletic Club et du Barça, Andoni Zubizarreta est depuis octobre 2016 le directeur sportif de l’Olympique de Marseille. Avant ce match retour entre Lions et Phocéens, Zubi dresse un premier bilan de son expérience à l’OM. Entretien sans gants.
Bonjour Andoni. Marseille-Bilbao, le club dont vous êtes le directeur sportif face à celui où vous avez joué six saisons. Forcément un match spécial pour vous.Jouer contre des équipes dans lesquelles j’étais joueur ou dirigeant, c’est toujours très spécial. L’Athletic, c’est quelque chose de très ancien et profond. J’y suis arrivé très jeune… J’avais 17 ans quand j’ai intégré l’Athletic. À 19, j’étais dans le groupe réserviste, puis Javier Clemente souhaitait me prendre dans le groupe professionnel au moment où il est devenu entraîneur de l’équipe première, en 1981. Donc oui, c’est une partie de ma vie. J’ai de nombreuses connaissances au sein de l’Athletic, à commencer par le président (Josu Urrutia, ndlr). Je l’ai connu joueur lors de mon retour à l’Athletic en tant que directeur sportif. (De 2001 à 2004, ndlr.) En vrai, je connais à peu près tout le monde là-bas. (Rires.)
En France, quand il y a un Marseille-Bilbao, on pense immédiatement à Marcelo Bielsa.(Il coupe.) Ça peut te paraître ridicule hein, mais en football, Bilbao n’existe pas. Bilbao, c’est la ville. Le nom de l’équipe, c’est l’Athletic, ou l’Athletic Club. C’est un détail, mais un détail très important en réalité. Pour en revenir à Bielsa, c’est un entraîneur qui a laissé une très bonne image aussi bien à Marseille qu’à l’Athletic. Quand je vois les supporters de l’OM, je constate que beaucoup se le rappellent en bien, qu’il était aimé. Au sein de l’Athletic, je dirais qu’il garde aussi cette forme de prestige. Sa relation avec le club était particulière. Bielsa, c’est un type de football, une exigence et une demande singulière.
À l’image du match aller contre l’Athletic, l’OM marche bien en ce moment. Je crois que nous fonctionnons tous selon une dynamique. L’an dernier, nous étions dans le ventre mou jusqu’au mois de novembre, puis nous terminons la saison en cinquième position.
Cette saison, il fallait également gérer l’incorporation massive de nouveaux joueurs, mais nous avions pour objectif de nous situer sur le podium de la Ligue 1. Et aujourd’hui, nous y sommes. Nous sommes toujours en course en Ligue Europa, avec un match aller satisfaisant contre Bilbao, nous avons atteint les quarts de finale de la Coupe de France… Désormais, l’équipe offre du football, des buts, et elle ne lâche jamais le morceau comme elle vient de le prouver à Toulouse. Pour nos fans, je crois que c’est une chose essentielle dans laquelle eux aussi s’identifient. Nous avons le devoir de leur offrir ce spectacle dans leur enceinte, la plus belle de France de mon point de vue.
Vous êtes arrivé à Marseille en octobre 2016. Économiquement, sportivement, vous êtes satisfait du travail accompli depuis ?Globalement, nous sommes contents du déroulement des opérations. Entre l’hiver dernier et celui-ci, nous avons dû gérer au total 54 mouvements de joueurs en lien avec l’Olympique de Marseille. Les arrivées définitives, les sorties définitives, les prêts entrants, les prêts sortants… C’est un gros nombre. De fait, vu la modification de l’effectif et le rapport aux résultats sur le terrain, nous pouvons dire que nous réalisons du bon travail. Ce que nous souhaitons maintenant, c’est maintenir ce cap jusqu’à la fin de saison, en France comme en Europe. Nous avons démarré la saison sportive le 21 juillet, soit huit mois. Cela est aussi à prendre en compte… Petit à petit, nous avançons et nous allons voir jusqu’où cela peut nous amener. Mais il ne faut pas non plus se mettre à rêver : nous possédons des objectifs réalisables et progressifs. À Marseille, les choses vont parfois vite, car la passion est débordante. Pour contrôler cette passion, il faut savoir garder les pieds sur terre, se dire que les succès se construisent étape par étape.
En tant que directeur sportif, votre capacité d’action est-elle plus ou moins importante que dans des clubs comme le Barça ou l’Athletic ? Les projets sont différents, mais le rôle reste le même. Les objectifs, qu’ils soient à court, moyen ou long terme, nécessitent du temps.
Au sein de l’Athletic par exemple, le projet était très clair : s’axer sur le centre de formation, le développement des infrastructures et conserver les idées directrices du projet historique de l’Athletic. À partir de là, tu apportes ton savoir-faire, ton opinion pour améliorer le club. Tu vas alors chercher à appliquer des nouveautés, et les résultats vont éclore ensuite. Pour mon expérience au Barça, je suis arrivé en 2010, au sein d’une équipe qui avait déjà remporté la Coupe du Roi, la Liga, la Ligue des champions. Les joueurs principaux étaient tous des internationaux confirmés, voire même des champions du monde. Le projet, c’était donc de maintenir ce niveau d’excellence. C’était un travail plus quotidien, où il faut vraiment vérifier que tout se passe du mieux possible pour répéter les succès communs. Ces deux projets sont déjà bien différents.
Et l’OM, du coup ? Celui de l’OM consiste à faire le même travail, mais il se passe dans un autre pays, ce qui est une donnée fondamentale à ne pas prendre à la légère. Nous travaillons par exemple sur le projet du nouveau centre d’entraînement et sur le fait de renforcer les liens avec les clubs de banlieue marseillaise pour l’avenir de la formation à l’OM. Nous souhaitons également améliorer l’équipe première, mais aussi densifier notre effectif en qualité.
Un joueur comme Jordan Amavi, arrivé à l’OM l’été dernier, c’est le genre de transfert dont vous êtes pleinement satisfait dans le cadre du projet sportif que vous évoquiez ?Oui. Jordan réalise une excellente saison à Marseille, cela lui fait du bien après avoir été mis en retrait depuis l’Angleterre, ce n’était pas simple…
Ici, il travaille beaucoup et augmente son niveau de jour en jour. Mais en réalité, c’est une dynamique collective, car tout le monde prend du niveau. Regarde Bouna Sarr par exemple, qui aurait pu croire qu’il allait faire partie des meilleurs latéraux de Ligue 1 en début de saison ? Sakai, c’est pareil : je le vois progresser de manière impressionnante. Nous sommes heureux de notre collectif aujourd’hui.
Ce jeudi soir, l’OM sera donc à Bilbao pour le quart de finale retour de C3. En 2016, des incidents avaient éclaté entre supporters marseillais et basques lors du match retour des seizièmes de finale de Ligue Europa à San Mamés. Avez-vous pris des précautions avec les dirigeants de l’Athletic ? Toutes les personnes qui sont en charge d’un match de cette ampleur sont au courant des mesures de sécurité à prendre pour que la réunion prévue soit un match de football. La police est informée, le service de sécurité autour du stade aussi. Finalement, ce match retour doit être une fête du football et rien d’autre. Ce que nous souhaitons tous, c’est profiter d’une grande soirée européenne.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix