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Zubi, l’école est finie
Il a dessiné les contours de l'Athletic Bilbao actuel et permis à Messi de compter sur le soutien de Luis Suárez et de Neymar. Après avoir dépensé 368,7 millions d'euros dans des stars et quelques bananes, Andoni Zubizarreta (55 ans) débarque à l'OM pour restructurer un club qui en avait bien besoin. Portrait.
Zubizarreta n’a jamais été remplaçant de sa vie. Mieux, avec 622 matchs de Liga au compteur, l’ancien gardien de but de l’Athletic, du Barça et du FC Valence est encore aujourd’hui le recordman du nombre de rencontres disputées dans le championnat espagnol. L’homme aux 55 726 minutes de Liga a longtemps été, aussi, le joueur espagnol avec le plus de sélections, avant que Casillas et Xavi ne le dépassent. Si Zubi est considéré, à l’image d’Arconada, comme une référence absolue en matière de gardien de but en Espagne, dans l’Hexagone, les carrières des deux Basques se résument bien souvent à leurs erreurs respectives. Et pour cause, leurs boulettes ont pour dénominateur commun la France. Si Arconada s’était troué en finale de l’Euro 84 face aux Bleus, Zubi, lui, s’était ridiculisé à la Beaujoire lors d’un match de Coupe du monde contre le Nigeria. Suite à cette grossière faute de main, le natif de Vitoria raccrocha même les crampons sans se douter qu’il finirait un jour par travailler dans le pays qui précipita sa petite mort.
Le plan Marshall de l’Athletic Bilbao
Avant d’atterrir au pays de ceux qui se targuent d’être à jamais les premiers, le chemin du directeur sportif Zubizarreta aura pourtant été long et difficile. En 2001, il pose ses valises à l’Athletic Bilbao. À l’époque, le club n’est pas bien dans ses basques. Enlisés dans un bourbier sportif et économique, les Leones baignent dans une crise identitaire sans précédent. Pour beaucoup, le modèle de formation 100% basque est obsolète. Zubi fait partie de ceux-là et dessine les contours du plan Dena, une sorte de plan Marshall basque censé redynamiser la politique de formation du club. « À cette époque, je ne m’occupais pas de superviser des pros, mais de faire en sorte que le club ne rate aucun talent dans le Pays basque. Pendant que Valdano (ancien directeur sportif du Real Madrid) voyageait en avion pour négocier des contrats avec des stars, moi je prenais le taxi pour découvrir des nouveaux talents. » À l’époque, Zubi multiplie ainsi les accords de partenariat avec une multitude de clubs amateurs basques et repousse même les frontières de détections de l’Athletic Bilbao jusqu’en France. S’il flexibilise les conditions d’entrée au centre de formation de l’Athletic, Zubi propulse également Ernesto Valverde, l’un de ses anciens coéquipiers au Barça, à la tête de l’équipe première malgré les doutes de ses dirigeants. Victime collatérale du nouveau président élu, il quitte le club qu’il a contribué grandement à moderniser en 2004, sans avoir acheté le moindre joueur professionnel et sans voir grandir non plus les fruits de son travail (Muniain, Javi Martínez, De Marcos, Laporte, etc.).
Des chroniques, des géants, une mini-crise et un philosophe
Alors que Valverde est adoubé par Cruyff himself comme le meilleur coach de la Liga, Zubi, discret, taiseux et peu démonstratif, préfère s’éclipser pendant plusieurs années d’un football professionnel qu’il se contente d’analyser dans des chroniques régulières pour le quotidien El Pais. En parallèle, il s’associe également à Agusti Gasol, père de Pau et Marc pour créer La Triada de Escuelas Deportivas Internacional, une fondation qui propose aux enfants catalans des activités extra-scolaires liées au sport et à la culture. En 2010, le nouveau président du Barça Sandro Rosell le contacte alors pour remplacer l’actuel directeur sportif de Manchester City, son ami et ancien coéquipier Txiki Begiristain. Le Barça, qui vient de tout rafler, veut continuer à surfer sur les succès guardiolesques. Zubi dispose alors de moyens illimités et signe David Villa, Mascherano, Afellay, Fàbregas et Alexis Sánchez pour faire plaisir à Pep. Malgré tout, ce dernier, usé, finit par lui avouer lors de la saison 2012 qu’il ne rempilera pas une année de plus. Le Basque commet alors la première erreur de sa carrière de directeur sportif en annonçant officiellement en cours de saison que Tito Vilanova sera le successeur du philosophe. Ce manque de timing censé rassurer la paroisse blaugrana débouche sur une mini-crise. Dans les coulisses, Pep regrette que Vilanova ait joué à Iznogoud dans son dos et reproche également à Zubizarreta de ne pas lui avoir laissé le soin d’annoncer lui-même son départ. Si la fin de règne de Pep est un calvaire pour Zubi, ce n’est pourtant rien en comparaison de ce qui l’attend.
Punching-ball catalan
Très vite, les problèmes de santé de Vilanova font surface. Pire, le coach barcelonais n’est pas le seul qui doit lutter contre le cancer. Abidal est lui aussi dans le même cas. À l’encontre de toute logique sportive, Zubi décide de garder Vilanova à la tête de l’équipe première pour préserver l’image de marque du Barça, mais, sans surprise, la situation sportive se dégrade aussi vite que la santé de son coach. Lorsque ce dernier renonce finalement à son poste pour se consacrer entièrement à son traitement, le directeur sportif cherche à remettre le club sur les bons rails tout en conservant la philosophie de Pep. Après avoir sondé Bielsa, il enrôle finalement l’un de ses disciples, Tata Martino. Un fail qui en appellera d’autres, notamment au moment de gérer l’après-Víctor Valdés. Si Messi lui reproche d’avoir laissé partir son grand pote Pinto, les dirigeants, eux, lui reprochent d’avoir choisi Ter Stegen plutôt que Courtois. La succession de Xavi s’avère elle aussi être un psychodrame. Alors qu’il a l’opportunité de signer Kroos, Zubizarreta préfère faire marche arrière pour laisser de la place à l’émergent Sergi Roberto. Une promesse d’avenir qui n’est pas du goût de tout le monde dans un club où la patience n’est pas vraiment une qualité première. Malgré tout, Zubi affronte la révolution du club, seul. Et surtout contre tout le monde.
Cette relation « je t’aime moi non plus » particulière, le Basque l’avait déjà expérimentée avec le Barça lorsqu’il était joueur. À l’époque, il rejoint la Catalogne contre sa volonté et se fait siffler par le Camp Nou pour son premier match sous ses nouvelles couleurs. En 1994, il devient même la tête de Turc préférée des Blaugrana après la finale de C1 perdue contre l’AC Milan. En 2004, juste avant son départ du club, le directeur sportif était là encore redevenu le punching-ball idéal de tout un club. Si les socios le pointaient du doigt pour avoir remplacé Abidal par Mathieu et Vermaelen, la presse catalane l’accusait, à tort, d’être le responsable de la mauvaise entente entre Messi et Luis Enrique. Le président Bartomeu n’était pas en reste. Ce dernier lui reprochait en effet d’être à l’origine de la sanction infligée par la FIFA au club alors même qu’il était le supérieur hiérarchique du Basque. Gonflé ? Pas autant que Sandro Rosell, l’ancien président blaugrana qui l’incriminait, lui aussi à tort, d’avoir été à l’origine de toutes les commissions et rétrocommissions qui ont donné naissance à l’affaire Neymar. Malgré toutes ces attaques, Zubi est resté droit dans ses bottes : « Être gardien de but a été pour moi une université de la critique. Ça ne me fait plus rien. » De son expérience à Barcelone, le Basque a su tirer un enseignement qu’il compte aujourd’hui mettre à profit à l’OM : « Dans le travail de directeur sportif, j’ai découvert que je n’étais pas Superman. Commander et imposer, ce n’est pas mon truc. Je préfère proposer, convaincre, offrir des possibilités et des options, affirmait-il juste après avoir été débarqué du Barça. Dans une organisation classique d’entreprises, je serais au-dessus de l’entraîneur et des joueurs, mais dans le football, ce sont les coachs et les footballeurs qui tirent les ficelles. C’est eux que les gens aiment, pas le directeur sportif. »
On the road again
Pour se faire apprécier des Marseillais, Zubizarreta a déjà trouvé la parade : parler de la planète Mars avec Bielsa. Un effet d’annonce bien réfléchi puisqu’en réalité, l’intérêt de l’Espagnol pour l’OM ne date pas d’hier, mais de 2014. À l’époque, Zubi, encore directeur sportif du Barça, déroule ses goûts du moment dans la presse : « J’aime bien regarder les matchs du Bayer Leverkusen et du Borussia Mönchengladbach. Mais j’aime aussi le football que pratique l’OM. Il se passe quelque chose là-bas entre ce public si bouillant et Bielsa. Ça va au-delà du foot. C’est presque un exercice sociologique. » Visiblement, l’Espagnol ne débarque pas en terre inconnue. Fort de son expérience avec les formations basque et catalane, il arrive surtout à Marseille avec pour objectif d’essaimer la région PACA à la recherche des graines de star appelées à être au cœur du projet sportif de la doublette Eyraud-McCourt. Si Zubi sait déjà qu’il ne disposera pas des mêmes moyens financiers que le Barça pour recruter, il se fait déjà une joie à l’idée de découvrir les charmes locaux avec les taxis marseillais.
Par Javier Prieto Santos
Tous propos de Zubizarreta tirés d'El Pais.