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Zone de non-droits TV
Alors que SFR a acquis l'année dernière les droits de diffusion de la C1 et de la C3 de 2018 à 2021, l'offre télévisuelle footballistique payante continue de se morceler. Et les téléspectateurs de cracher un débit croissant de billets verts, pour se donner le droit de regarder du foot sur petit écran. Le football, un sport populaire, sauf à la TV.
Il n’y a pas si longtemps, dans une France pas si lointaine, un adolescent boutonneux de treize ans pouvait encore se glisser l’air de rien dans le salon familial, poser son fessier sur le canapé à côté de papa et regarder une compétition qui n’est désormais plus que réservée à une minorité de clients. On pouvait y voir des grands joueurs comme Paolo Maldini, Ryan Giggs, Ronaldinho, Raúl Gonzalez Blanco et John Carew. Et des équipes légendaires comme Liverpool, la Juventus, le Bayern et même le FC Thoune. Mais ça, c’était avant. Depuis 2012, impossible de visionner ne serait ce que le moindre match de C1, à l’exception de la finale, sans sortir le portefeuille. Plus globalement, impossible pour un fou de foot de s’injecter sa dose régulière de Ligue 1, de championnats étrangers et de compétitions européennes sans payer, et de plus en plus cher. Le football gratuit à la télévision est quasi-mort. Les chaînes payantes ont tout dévoré.
Offre éparpillée
Si le phénomène n’est pas nouveau, il prend une ampleur inquiétante. Illustration directe avec le rachat par SFR des droits TV de la C1 et de la C3 pour la période 2018-2021. L’année dernière, la chaîne du groupe Altice ne diffusait que la seule Premier League. Les amateurs de foot étranger, s’ils ne souhaitaient pas payer les 9 puis 35 euros par mois pour souscrire un abonnement à l’opérateur SFR, pouvaient se consoler avec la Liga, la Serie A, la Bundesliga, la C1, la C3 et 7 des 10 matchs de Ligue 1, qui étaient diffusés sur une seule chaîne, beIN Sports. Une offre centralisée qui part en fumée, puisque la Ligue des Champions et l’Europa League, deux compétitions attractives, pour ne pas dire indispensables pour tout mordu de foot qui se respecte, ne seront désormais réservées qu’aux abonnés de SFR Sport, rebaptisée RMC Sport. Le tarif ? 9 euros par mois pour les clients SFR et 19 euros par mois pour les non-abonnés. En parallèle, beIN aurait conservé les droits des championnats italiens, espagnols et allemands et de la majorité des matchs de Ligue 1.
Moralité ? Si, comme tout téléspectateur normalement constitué, vous aimez souffrir devant un Amiens-Angers, rêver devant un Barça-Real et regarder l’OM battre des clubs autrichiens en Ligue Europa, il va falloir payer. Plus cher. Surtout que, jusqu’en 2020, Canal+ garde les droits des matchs de Ligue 1 de vendredi, samedi 17 heures et de dimanche en prime-time à 20h45. Trois rencontres qui constituent souvent les meilleurs affiches de la journée. Si vous n’êtes pas trop nul en maths et que vous n’êtes pas client SFR, vous pouvez faire le calcul de tête : il vous en coûtera 19,90 euros pour un abonnement Canal, 15 pour BeIN, 19 pour RMC Sport. Soit près de 55 euros mensuels. Sans doute de quoi inciter certains gangsters des Internets à replonger dans l’illégalité. En regardant les exploits de leur équipe de cœur via un site de streaming hongrois, bourré de pop-up dont les contenus sont susceptibles de choquer les moins chastes d’entre nous. Soit beaucoup de souffrance et d’efforts, pour se mater un simple OL-Hoffenheim en phase de poules de C1.
Qu’un début
Reste une exception : l’Europa League, dont W9 diffusait jusqu’à la saison dernière un match par journée. Une situation qui devrait perdurer, sur la chaîne du groupe M6 ou sur une autre chaîne en clair : « Sur la télévision gratuite, nous n’avons pas encore tout décidé, mais ce qui est sûr c’est que nous mettrons un match par journée (en clair, ndlr). C’est un engagement auprès de l’UEFA » , a expliqué Nicolas Rotkoff, responsable de l’acquisition des droits sportifs d’Altice. Un maigre lot de consolation. La suite ? À partir de 2020, Canal ne sera plus dans le coup et Mediapro se partagera avec beIN Sports les droits de la Ligue 1, en proposant un abonnement à 25 euros par mois. « Ce n’est pas cher » assure Jaume Roures, le président de la société audiovisuelle espagnole. Ce qui donne envie de soupirer un bon coup. Puis d’éteindre la télé, d’enfiler un maillot délavé et de choper un ballon pour aller au stade avec quelques potes. C’est gratuit, c’est promis.
Par Adrien Candau