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Zlatko Zahovic, râleur de génie
Révélation de l'Euro 2000 avec sa Slovénie, Zlatko Zahovič a illuminé le début du siècle comme une étoile filante. Avec son pied gauche, ses yeux, ses coups de gueule, son exigence et bien sûr son maillot national trop large pour lui. Retour sur ce mec qui a fait grève contre le niveau du championnat grec...
Yeux globuleux, cheveux au vent, sourire d’un mec qui sait qu’il vient de faire un joli coup, Zlatko Zahovič se dirige vers le point de corner du Mambourg de Charleroi en dodelinant sa tête pour communier avec ses supporters. En ce 13 juin 2000, aux alentours de 21h54, le Slovène vient de planter le troisième but des siens face à la Yougoslavie, le premier match de l’histoire de son pays dans un Euro est à cet instant une totale réussite. Séduisant, l’ancien État fédéré de la Yougoslavie propose un football offensif, agréable à regarder et dont le chef d’orchestre est un génie à bouclettes. Auteur d’un doublé et d’une passe décisive, il est en train de faire déjouer à lui tout seul la Yougoslavie de Mihajlović, Drulović, Mijatović et Jugović… Si les hommes de Boškov réaliseront un véritable exploit en revenant au score en six minutes de temps, le bien est fait : Zahovič éclate complètement et se montre – enfin – à toute l’Europe.
Grève, Molde et théâtre
La suite du tournoi est mitigée : Zahovič inscrit encore un but contre l’Espagne, mais se fait également remarquer en gueulant sur ses partenaires, finalement éliminés avec deux points au compteur. Il faut dire que le natif de Maribor n’en est pas à son coup d’essai. La saison avant l’Euro 2000, Zahovič l’a passée à l’Olympiakos où il s’est mis en grande partie… en grève pour protester contre le faible niveau du championnat grec. « Cette décision ne m’étonne pas spécialement, ça fait partie du personnage, rigole le gardien Yannick Quesnel, son ancien coéquipier à Benfica. C’est son côté exigeant : il s’est retrouvé dans un championnat qu’il pensait d’un bon niveau, puis il a dû être déçu de ce qu’il a pu voir, donc il l’a clamé haut et fort, parce que c’est quelqu’un qui dit ce qu’il pense. Après, c’était pour faire avancer les choses, Zlatko a toujours été comme ça. »
Absent au niveau national, il ne rate cependant pas une rencontre de Ligue des champions, où il s’illustre – au moins un peu – en marquant contre le Real et Molde, une vraie majesté, surtout qu’il sait que les supporters l’adorent. Mais le constat est là : Zahovič est bon, peut-être même trop bon pour ses coéquipiers, d’où les coups de gueule réguliers du Slovène relatés dans la presse. Théâtral, on dit de lui qu’il est capable de s’arrêter net après une passe ratée d’un coéquipier pour pointer quelques secondes du doigt l’endroit exact où il voulait que le ballon arrive. « Moi, je n’ai pas ce souvenir-là, témoigne Quesnel. J’ai plutôt le souvenir d’un joueur qui était très doué techniquement, qui avait un football très simple. Après, c’est vrai qu’il était exigeant parce que son objectif sur le terrain, c’était de ne pas perdre le ballon. Donc c’est vrai qu’il demandait beaucoup à ses partenaires, mais je n’ai jamais eu d’accrochage avec lui et je ne l’ai pas vu en avoir avec d’autres joueurs. »
Des chopes après l’entraînement
Reste qu’il n’est néanmoins pas rare de percevoir la nervosité de ZZ top dans ses différentes rencontres sous le maillot du Vitória Guimarães, Porto, Valence ou Benfica. « Il est un peu comme la plupart des Yougoslaves que j’ai rencontrés, analyse Patrick Asselman, ancien adversaire du Slovène quand il évoluait à Maritimo. Sur le terrain, ils ont un autre caractère qu’en dehors. En match, ils sont très expressifs, parfois agressifs. Mais dès que c’est fini, ils sont vraiment très agréables à rencontrer. » « On a toujours tendance à avoir une image des joueurs sur le terrain qui n’est finalement qu’apparente, ajoute Quesnel. C’est un gars comme un autre, avec ses petits soucis quotidiens, mais également avec une capacité de relativisation importante vu le passé de son pays. Là-bas, certains sont nés avec une kalachnikov à la main… donc ils ont une autre approche du football et de son importance : pour eux, le foot c’est bien, mais c’est pas important à côté des drames qu’ils ont pu connaître. » Froid et caractériel de l’extérieur, Zahovič se révèle en fait charmant en civil, notamment avec Yannick Quesnel, pour qui la relation avec le milieu offensif se transforme presque en de l’amitié. « À l’entraînement, on avait des défis de coups francs ou penaltys tous les deux pour savoir qui allait payer sa petite bière à l’autre… J’ai payé pas mal de tournées, mais je garde le souvenir d’un super mec. »
Exclu de la CM 2002
Sur la pelouse, les sautes d’humeur du fantasque Slovène se répètent néanmoins régulièrement. Trop régulièrement. En 2002, en pleine Coupe du monde asiatique, il est exclu de sa sélection pour avoir insulté son coach après un remplacement. Zlatko Zahovič n’aime pas rester silencieux, personne n’ose dire le contraire. « À Benfica, il y a eu un moment où c’était un peu compliqué au niveau sportif, relate Quesnel. C’est lui qui a mis les pieds dans le plat en premier en disant « Attendez, c’est pas la peine de se voiler la face, de dire des choses dans le dos. Si on a quelque chose à se dire, on le fait en face. » Il a été le premier à dire ce qu’il pensait et les autres ont suivi. Bon, derrière il n’a pas été prolongé parce que le directeur sportif – qui avait les pleins pouvoirs, même sur Trapattoni – a mis au placard ceux qui n’hésitaient pas à dire ce qui n’allait pas. »
« Il était capable de tout »
Loin d’être un mouton, Zlatko se démarque quand même des autres joueurs de la sélection ou de certaines de ses équipes par ses capacités de footballeur. « Il était techniquement super, avec une très bonne capacité d’infiltration, puis il marquait régulièrement » se remémore Asselman. « C’était un putain de sacré joueur, lâche même Quesnel. Moi, je me suis régalé. Il était capable de tout, c’était un gaucher atypique. » Un gaucher qui profite de son excellent Euro pour rejoindre une des équipes les plus en vogue du moment : Valence. Malheureusement pour lui, il ne parvient absolument pas à convaincre Héctor Cúper à qui il reproche par-dessus tout de ne pas lui donner assez de temps de jeu. Auteur de trois pauvres réalisations sur sa saison en Liga, Zahovič va en plus être le premier Valencien à rater son tir au but durant la fameuse séance de la finale de Ligue des champions contre le Bayern Munich. Alors quand Benfica propose de s’emparer du gaillard en l’impliquant dans le transfert de Carlos Marchena en Espagne, les dirigeants du FC Valence n’hésitent pas une seconde. Malgré un talent évident, Zahovič ne connaîtra jamais la réussite dans un tout grand club. « Pourtant, il aurait peut-être pu prétendre à un club vraiment du top, estime Quesnel. Maintenant, je pense que les équipes dans lesquelles il a joué sont quand même pas mal, il a un beau CV. » Après quatre saisons inconstantes au Portugal, Zahovič range définitivement ses crampons en 2005, quand Benfica le met dehors. Deux ans plus tard, il devient directeur sportif de Maribor. Les années ont passé, Zlatko a grossi, mais il a toujours ses boucles, et son fils Luka comme successeur, lui qui évolue à Heerenveen et est considéré comme une grande promesse du football slovène… ou portugais, vu qu’il est né à Guimarães. Mais il ne s’agit pas que les fédérations soient trop insistantes auprès du père, elles risqueraient de le regretter.
Par Émilien Hofman