Zlatan, Madjer, Kartoffel et autres ailes de pigeon

Cher journal,

C’est avec plaisir que je t’écris aujourd’hui, j’ai presque envie de te dire que tu m’avais manqué, mais personne ne manque à Zlatan. À part Zlatan. Ici, les choses n’ont pas beaucoup changé. Je suis toujours le meilleur joueur du Paris San Germano, et nous sommes toujours la meilleure équipe de Serie 1. Ils ont bien essayé de nous mettre une autre équipe italienne dans les pates, Monaco, mais le soufflé est vite retombé. En même temps, comment veux-tu être crédible quand ton club a un nom de cocktail et que le surnom de ta ville, c’est un pauvre caillou ? Le Rocher, n’importe quoi, pourquoi pas l’Argile ou le Basalte, tant qu’on y est ? Le seul Rocher que Zlatan respecte, c’est celui de Ferrero, point. Bref, Iciciparis est en tête du championnat, pas très étonnant vu le niveau des adversaires. J’ai l’impression que personne ne se renforce, et même que certains sont de plus en plus faibles. Tiens, regarde, Bastia. L’an dernier, 4-0, deux buts de Zlatan. Cette année, 4-0, deux buts de Zlatan. Sauf que cette fois, Zlatan a marqué un but avec une aile de pigeon, comme celle que tu fais dans la cour d’école pour humilier un mec d’une autre classe que tu n’aimes pas. Tiens, d’ailleurs, tu connais la différence entre un pigeon ? Il n’y en a pas : les deux ailes sont pareilles. Sauf qu’il y en a une des deux qui termine dans la lucarne de Landrot. Quel tocard, celui-là. Le « George Clooney français » , qu’ils disent. Laisse-moi rire… Un clown, oui, un Clooney, non.

Ce qui me fait rire, cher journal, c’est qu’il y a encore des mecs qui se touchent quand je fais ce genre de gestes. Ils ont la mémoire courte. Il faut vraiment que je leur ressorte le but que j’avais marqué contre leur équipe nationale toute nase pendant l’Euro 2012 ? Ou celui que j’ai mis au Petit Vélo Drome ? Ou le retourné de 30 mètres contre Joe Hartley cœur à vif ? Pour Zlatan, c’est commun de marquer ce genre de buts. Ce qui n’est pas normal, c’est quand Zlatan marque un plat du pied devant le but vide, comme Benzema. Ah non, merde, Benzema, il les met au-dessus. Bref, mercredi soir, j’ai remis ça. Nous avons joué un match de bienfaisance contre un club belge, Anderlecht, je crois. Il est vraiment temps que ces gars-là soient rachetés par des Qataris. Au moins, ils pourraient acheter des joueurs qui n’ont pas un taf dans la menuiserie pendant la semaine. Parce que Zlatan ne veut pas croire que les mecs que nous avons rencontrés sont des joueurs professionnels. Non mais tu l’as vu l’autre, là, glisser comme une otarie sur le ballon dans la surface ? Il m’a fait de la peine. Sincèrement, on aurait dit Balotelli, sauf que Mario, il fait ça dans la surface adverse, pas dans sa propre surface. Et leur gardien de but, on en parle de leur gardien de but ? Le gars, c’était son anniversaire, il avait déclaré dans la presse : « J’espère que Zlatan va m’épargner. » Il est sérieux, lui ? Zlatan n’épargne personne, sauf Ecuele Manga, Ruffier et Lovren parce qu’ils ont désormais une médaille d’immunité. Au contraire, je trouve que Zlatan a été généreux, puisqu’il lui a soufflé quatre bougies. Sur le troisième but, je lui ai même envoyé une carte postale en livraison express Krönöpöst, à 100 km/h, mais il n’a même pas été capable de la réceptionner.

Ah oui, je ne t’ai pas non plus parlé de notre nouvel entraîneur, l’Or Blanc. Moi, je préfère l’appeler Étoile des Neiges, c’est plus poétique. Notre relation a bien failli très mal tourner dès notre première rencontre. Le premier jour, au centre d’entraînement, il a voulu se présenter en faisant une bise sur le front de chaque joueur parce que « c’est la tradition » . Verratti était tout émoustillé et en a redemandé une autre, mais pas question que qui que ce soit embrasse le front de Zlatan. Du coup, Lolo la touillette a demandé s’il pouvait caresser ma queue de cheval. Autant te dire que le regard que je lui ai lancé a suffi à l’en dissuader. Qu’il aille caresser la crête de Chamakh, plutôt. Tiens, d’ailleurs, j’ai vu que Maroilles avait mis son petit but annuel en août. C’est bon, il est dans sa moyenne : le prochain en mars 2016. Bon, au moins, lui, il a marqué un but, contrairement à Pastore. Sincèrement, je pense que si on remplaçait Javier par Thierry Pastor, personne ne s’en rendrait compte. Et encore, ce serait mieux, car il pourrait nous claquer un petitSur des Musiques Noiresà la mi-temps. Et je ne te parle pas de Lavezzi. On dirait de plus en plus Taz le diable de Tazmanie, qui fait la Taz-toupie quand il court. Par contre, quand il s’agit de gagner un duel face au gardien, là, il n’y a plus personne. Enfin, si, il y a toujours ses beaux tatouages.

Par contre, je dois t’avouer qu’il y en a deux qui me manquent. C’est Gaméreau et Nene. Bah ouais, Zlatan ne peut plus mettre des coups de savate à quelqu’un quand il est énervé. À Barcelone, j’avais Bojan. À Milan, j’avais Cassano, mais j’ai arrêté quand j’ai compris que l’un de mes high-kicks lui avait provoqué un AVC. C’est tellement plus pratique d’avoir des punching-balls pour se défouler. Une fois, j’ai même trouvé un écarteur de narines qui traînait au fond d’un casier, dans le vestiaire, j’ai presque eu un instant nostalgie. Mais cet instant s’est vite évaporé lorsque j’ai repensé à sa dégaine de poulet quand il courait.

Bon, ce n’est pas tout, mais je vais te laisser, cher journal. Ce week-end, nous allons jouer à Saint-Étienne. Je ne vais pas te mentir, j’aurais préféré rester tranquillement à Paris pour me faire une expo ou une brocante. Ou même un showcaze d’Anna Calvi. Mais non. Il faut aller se coltiner un match dans « le Chaudron » . Sincèrement, c’est quoi cette manie de donner des surnoms pourris ? Parce que votre stade, il s’appelle le chaudron, mais je n’ai pas vraiment l’impression que les joueurs aient pris de la potion magique. Esjberg, c’est ça ? Pas mal, les gars. Allez, à bientôt.

Z.

NB : Leonardo suspendu un an, Leonarda expulsée de France… Sale temps pour les gens qui ont des noms de Tortues Ninja. Surveille tes arrières, Donatella Versace. Toi aussi, Raphael Varane.

PS : Une photo souvenir de moi aux côtés de Jordan Ayou. Il n’y a rien à faire : même en prenant la même position, même en dessinant une crête avec un crayon blanc, Zlatan n’aura jamais l’air aussi abruti que lui. Repose en paix, jeune raton laveur qui git désormais sur son crâne.

Ceci est peut-être une fiction. Toute ressemblance avec des faits réels et avérés serait peut-être fortuite.