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Zlatan Ibrahimovic, énergumène de Malmö

Par Raphael Gaftarnik
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Zlatan Ibrahimovic, énergumène de Malmö

Face à Malmö, le PSG ne s'attend pas à des retrouvailles européennes des plus compliquées sur sa pelouse. En revanche, l'affiche revêt un aspect des plus nostalgiques pour Zlatan Ibrahimović, né dans la cité suédoise, et ancien joueur du club. Une réunion forcément particulière entre l'attaquant caractériel et sa mère patrie.

Le 27 août dernier, à Monaco, le tirage au sort de la Ligue des champions n’a pas fait de cadeau au PSG. Entre le Real Madrid et dans une moindre mesure le Shakhtar Donetsk, les hommes de la capitale ne doivent pas rater leur entame dans la compétition face à deux adversaires au calibre certain. Pourtant, au milieu de ces rencontres à risque, le PSG, ou plutôt Zlatan Ibrahimović, a reçu un clin d’œil. Dernier larron de la poule de quatre, le Malmö FF n’est en effet pas un inconnu pour l’attaquant suédois. Situé sur les terres de son enfance, portant encore la trace des premiers exploits de Zlatan, le club nordique catalyse à lui seul une bonne partie de la genèse du personnage. Un personnage déjà détonnant dans la troisième plus grande cité du pays, entre coups de sang, crises d’égo, et un caractère très éloigné de celui des besogneux suédois. Un personnage qui divisait donc tout autant à l’époque.

Zlatan l’apatride

« Zlatan n’est pas suédois. Il n’est pas bosniaque. Pas croate. Pas brésilien. Zlatan est Zlatan. Il a cassé les stéréotypes. D’ailleurs, s’il avait joué comme un joueur suédois, il serait très ennuyeux. » Ivan Kurtović connaît bien Ibrahimović pour l’avoir entraîné au FK Balkan dès l’âge de 10 ans. Et pour le premier coach à avoir apprivoisé la bête, la synthèse est simple : Zlatan n’a jamais eu les codes de la société suédoise, tant sur le terrain qu’en dehors. Fils d’une mère croate et d’un père bosnien, Zlatan n’y a de toute façon jamais été prédestiné. Installé à Rosengård, situé à 10 minutes de vélo en périphérie de Malmö, le jeune Zlatan y côtoie ceux qui, comme lui, proviennent des Balkans. Et si l’endroit n’est pas un ghetto, mais plutôt un quartier résidentiel sans charme, il dénote dans une ville où le niveau de vie est élevé et les gamins biberonnés à une sauce scandinave sans relief. Lui vit avec sa mère, ses deux frères et sœurs, mais aussi les trois enfants issus de la première relation de sa mère. Une sacrée fratrie et un contexte qui vont forger le caractère si particulier du gamin : « Ici, les pères boivent, les mères regardent la photo et chacun vit dans la violence et la misère parce qu’ils ne peuvent pas faire autre chose. Il y a de la ségrégation à Rosengård. Il y a peu de Suédois ici. Ce sont des familles de 12 enfants, là où les Suédois en ont deux » , poursuit Kurtović.

Finalement placé avec son père suite à une sombre affaire de drogues ramenées au domicile de la famille par sa demi-sœur, Zlatan tente de fuir l’ennui et la pauvreté. Et d’échapper à son nouveau tuteur trop porté sur la bouteille. Voleur de raquettes de ping-pong, spécialisé dans le détroussage de vélos, Zlatan comble également le vide sur le terrain de foot situé près de chez lui. Valentino Laï, ancien gamin du quartier, se souvient d’un style atypique : « Zlatan était toujours dehors à faire des talonnades, des ailes de pigeon ou des retournés. Il adorait tout ce qui était acrobatique. Cela ne faisait pas de lui le meilleur, mais il valait mieux le prendre dans ton équipe si tu ne voulais pas te manger des coups de tête de sa part. » Entre goût du spectacle et caractère de porc, le décor d’une vie est planté.

L’affirmation d’un géant

D’ailleurs, Zlatan marque son attirance pour un football plus sauvage en quittant les têtes blondes qui fréquentent le MBI pour le voisin du FK Balkan de Kurtović. Là-bas, clopes et insultes s’échangent allègrement. Une atmosphère plus en adéquation avec la tête dure d’Ibra. Sanguin et perturbateur inégalé dans tous les établissements scolaires qu’il fréquente à l’époque, Zlatan y fait ses gammes avant d’être repéré en 1995, à 14 ans, par le véritable porte-étendard footballistique de la ville : le Malmö FF. Là-bas pourtant, le petit Ibra est loin d’être un géant. Trop frêle, trop court sur pattes, il se frustre. Et pense même à arrêter le football pour faire carrière sur les docks. Heureusement, un été va tout changer : « À 16 ans, Zlatan a pris de la taille, c’est devenu un monstre. Je lui ai dit :« Waouh, mais qu’est-ce que t’as bouffé ? » Et depuis, il a toujours eu une progression physique constante. Un genre d’Hulk qui devient de plus en plus athlétique à chaque fois » , rappelle Ola Gällstad, assistant du coach.

Devenu ogre, Zlatan se pare même de la confiance surdimensionnée qu’on lui connaît désormais. Tous ou presque rapportent le même comportement : celui d’un homme prêt à rouler sur les autres sans se départir d’un égo sans limite. Yllie Shabanie, ancien coéquipier au FF, se souvient : « Quand il est arrivé dans l’équipe en début de saison, le coach nous a présentés. Tout le monde a dit son prénom et nom et a sorti un truc comme :« je suis super content d’être dans l’équipe avec des partenaires comme vous. » Zlatan, lui, s’est avancé et a dit : « Je suis Zlatan, retenez bien mon visage car je vais devenir le meilleur joueur de foot du monde. » » Rune Smith, poursuit : « Il clashait tout le monde, il rigolait. Il était cool. C’était un cirque à lui tout seul. Il avait une énorme confiance en lui. Il attaquait les autres, il se foutait de leur gueule. C’était un provocateur né. »

Doté de capacités hors norme, mais pas encore buteur prolifique, Zlatan peut d’ailleurs agacer. C’est le cas d’Hasse Mattison, capitaine de l’équipe à l’époque : « Parfois, on a eu des problèmes, mais ce n’était pas personnel. Je défendais l’équipe. Je suis plutot old school. Moi, quand le coach disait :« Allez les gars, on y va, on s’entraîne », j’y allais. Zlatan, lui, ne s’arrêtait pas, il vannait, riait et continuer de parler, il mettait de la musique dans le vestiaire. Il prenait beaucoup de place. En tant que capitaine, j’ai essayé de le recadrer, je lui disais de la fermer. Mais il ne la fermait pas. » Qu’importe que la rigueur suédoise ne colle pas avec l’être humain. Car partout en Europe, d’Arsenal à Rome en passant par Monaco, Ibrahimović est regardé pour son style détonnant. Le chemin le conduira finalement à l’Ajax, et à cette carrière auréolée de titres, de sorties médiatiques uniques et de conflits d’égo. Mais à Malmö, Zlatan a ouvert la voie. Pas aux têtes blondes, mais bien à cette communauté à part du quartier de Rosengård, qui tient en haute estime son porte-étendard. Même si Ivica Kurtović pointe quelques dérives liées au fantasme : « Ils ne voient que le bon côté de Zlatan. Les gamins pensent qu’ils peuvent y arriver sans travail. Beaucoup disent : « Ouais, il a eu de la chance. » Moi, je dis : « Non, il a bossé dur ! » Ils s’oublient eux-mêmes en devenant quelqu’un d’autre. Mais un faux Picasso ne remplacera jamais l’original. » Ibra ne supporterait de toute façon pas une copie, soit-elle en provenance de Malmö.

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Par Raphael Gaftarnik

Tous propos recueillis par Javier Prieto-Santos, à Malmö

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