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Zlatan et la Suède, chronique d’un déZamour
Zlatan en équipe nationale, c'est terminé. Sa retraite signe le départ du plus gros râleur de la dernière décennie de la sélection suédoise, mais aussi de celui qui aura sans cesse tenté de la tirer vers le haut. Une histoire de « je t'aime, moi non plus » chronique, débutée il y a 15 ans déjà, face aux îles Féroé. À l'heure du bilan, qu'est-ce que l'on retiendra ? Des buts, bien sûr, et des coups de sang.
Ses coups de gueule, c’est fini. Sa manière de râler sans vraiment le dire sur la faiblesse de ses coéquipiers, c’est fini. Son maillot jaune sur les épaules et la croix juste au-dessus du cœur, c’est fini. L’annonce est tombée en conférence de presse ce mardi après-midi, presque simplement, pour une fois : l’Euro français sera le dernier défi de Zlatan Ibrahimović avec la sélection suédoise, avec comme ultime combat un match de poules face à la Belgique qui sent très fort le K.O technique. Ironie de l’histoire, alors que le bonhomme était ouvertement lancé à la chasse au record de buts de Michel Platini dans la compétition – 9 buts -, cette annonce sera peut-être la seule chose que l’on retiendra de la Suède dans cet Euro. Ça, et son abyssale faiblesse offensive. Comme on dit dans les bouquins, c’est finalement l’histoire d’un homme qui avait commencé par choisir la Bosnie-Herzégovine comme nation d’accueil avant qu’on ne lui en ferme la porte, obligé de se rabattre sur la nationalité du pays qui l’a vu grandir. Et d’en devenir le héros maléfique. Ce méchant auquel on s’attache parce qu’il est plus fort, qu’il voit plus loin, qu’il saute plus haut. De ce chasseur de têtes que l’on aime même quand parfois… il tire du mauvais côté.
Des coups d’éclat et des déclas
On l’avait souvent senti grognon, le Z. Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, c’est d’ailleurs la seconde fois qu’Ibrahimović prend sa retraite internationale. Le premier éclair était tombé en 2008, sur un coup de gueule, après avoir été exclu de l’équipe par Lars Lagerbäck. Le sélectionneur ne lui avait pas pardonné une sortie en boîte deux jours avant un match qualificatif pour l’Euro 2008 et, comme un enfant pris la main dans le bol de bonbons, le joueur de l’Inter avait fait la gueule. Quatre matchs sans jouer avant de revenir sur sa décision de disputer l’Euro 2008, au cours duquel il marquera deux des trois buts de la Suède, éliminée au premier tour. À l’heure de faire le bilan, on retiendra donc cela : plusieurs avertissements pour dire qu’il en avait ras-le-bol, en 2010 et 2012, mais une présence quasi sans failles. On se souviendra aussi de ce retourné acrobatique dantesque un soir de novembre 2012 loin devant Joe Hart, récompensé d’un prix Puskás dans la foulée. Le premier but dans la toute nouvelle Friends Arena, plus grand stade des pays nordiques.
« La pression est sur moi, elle l’a toujours été. Je sais la gérer. J’ai beaucoup de responsabilités. Beaucoup de mes coéquipiers m’ont vu comme leur idole quand ils étaient plus jeunes. Je dois les mettre en confiance » , avait-il affirmé en juin dernier à Téléfoot. Oui, Zlatan s’est souvent vu beau. Mais avec la Suède, il l’aura souvent été. Comme une jeune pulpeuse de 18 ans dans un concours de mini-miss où les chorégraphies sont souvent préparées par les parents, lui aura été le seul Suédois des quinze dernières années à réellement se distinguer au niveau international. Zéro but en cinq matchs de Coupe du monde (2002 et 2006), certes, mais 6 buts en 10 matchs de phases finales d’Euro, et une place dans l’équipe type de la compétition en 2012. Fidèle à sa légende, il aura souvent brillé en qualifications – meilleur buteur des qualifs à la Coupe du monde 2006 – sans parvenir à hisser son pays aux matchs éliminatoires comme d’autres avant lui.
« Finir sur une déception ? Ça… jamais »
L’histoire avait commencé le 31 janvier 2001 face aux îles Féroé, avant d’être remplaçant en 2002, puis associé à Henrik Larsson en 2004, date du début de son règne. Et l’histoire se terminera selon toute vraisemblance le 22 juin 2016, sans aucun titre collectif, même pas une sortie de poules. Pré-sélectionné par Håkan Ericson pour les Jeux olympiques 2016 à Rio, le joueur avait à l’époque décidé « d’attendre l’Euro » pour prendre une décision quant à sa participation. Les idées devaient pourtant être déjà claires à l’époque, mais comme à l’heure de son départ du PSG, il avait laissé durer le suspense. Jusqu’au dernier match, comme pour amplifier l’hommage. Cet après-midi en conférence de presse, le Z l’a réaffirmé : « Ou que j’aille, j’amènerai le drapeau suédois avec moi. Il n’y a donc pas de déception, seulement de la fierté et de la gratitude. » Et d’enchaîner : « Espérons que cet Euro durera le plus longtemps possible pour la Suède. Car finir sur une déception, ça… jamais. » De quoi se mettre une belle pression sur les épaules alors que la Suède n’a toujours pas cadré un tir dans la compétition. La pression du résultat, le maillot jaune et la croix sur le cœur, une dernière fois.
Par Theo Denmat