- Ligue 1
- France
- PSG
- Zlatan Ibrahimović
« Zlatan aurait pu devenir professionnel de taekwondo »
Consul honoraire du Japon à Malmö, premier Suédois à participer à des stages de boxe thaï au pays des ladyboys dans les années 70 et ancien catcheur, Leif Almo est la mémoire vivante de la baston à Malmö. Il est aussi le président moustachu et heureux du GAK Enighet. Le club d’arts martiaux où Zlatan a appris à mettre des high kicks.
Est-ce que vous vous rappelez la première fois que vous avez vu Zlatan ?La toute première fois que je l’ai vu, il devait avoir dans les 14 ans. Il jouait au football comme tous les gamins, mais ce que je ne savais pas à l’époque c’est qu’il deviendrait si fort. Son professeur de taekwondo s’appelait Damir Briljević. C’était un Yougoslave comme Zlatan.
À Rosengard, le quartier d’enfance de Zlatan, il y a une très grosse communauté balkanique…(il coupe)Ce qui est intéressant avec ce club, c’est que c’est un très bon moyen d’intégration pour les immigrés. Nous avons 70 % d’immigrés dans notre club. Chez nous, il y a toujours eu des Suédois d’origine étrangère. Quelque part, on permet de créer du lien social. Les Yougoslaves sont très fiers, et question baston ils sont plutôt bons (rires), donc forcément il y avait beaucoup de licenciés issus de l’ex-Yougoslavie. Le GAK n’est pas à proprement parler à Rosengard qui est considéré comme le quartier chaud de la ville. En fait, le vrai coupe-gorge de Malmö, c’est ici qu’il se trouve (Fagerstagatan, Ndlr). Et on est en plein milieu. Si tu veux chercher des problèmes, c’est ici que ça se passe. Si on compare avec certains quartiers chauds français, c’est plutôt tranquille, mais en Suède c’est nous qui avons le taux de criminalité le plus élevé.
Pour Zlatan, le taekwondo, c’était un moyen de se défouler selon vous ?Je ne sais pas. Tout ce que je peux dire c’est que les gens viennent ici pour canaliser leurs nerfs et se contrôler. Dans les arts martiaux, on se salue avant de commencer le combat et on se quitte en montrant là encore son respect à l’adversaire. Le football, c’est différent : les joueurs se foutent sur la gueule sans respect. C’est le seul sport où tu peux voir des mecs se mettre des baffes pendant le match et après. Au taekwondo ou au judo, tout commence et se finit avec cette notion de respect qui fait parfois défaut dans le football. Zlatan n’est pas comme les autres footballeurs. Il peut mettre des coups pendant le match, mais sa rage de vaincre s’éteint au coup de sifflet final. C’est une force tranquille. Il sait canaliser sa frustration. Et j’aime penser que son passage dans notre club y est pour quelque chose.
Il a aussi des gestes qui font penser au taekwondo dans son jeu…C’est vrai. À chaque fois qu’il met un coup de pied bizarre, il dit lui-même que c’est grâce au taekwondo. Il aurait pu devenir un grand professionnel du taekwondo. Il aurait même pu être une top-star. Mais il a arrêté à cause du prix de la cotisation. C’était 70 euros par semestre, et ça devenait trop cher pour lui. Quand on voit ce qu’il est devenu aujourd’hui, on se dit qu’il a bien fait de ne pas continuer chez nous. (rires)
« Lorsqu’il était sur un terrain de football, il ouvrait bien grand sa gueule, mais ici, il la fermait. »
Quand est-ce que vous l’avez vu pour la dernière fois ?Je le vois assez souvent, mais la première fois que je l’ai recroisé c’était en 2004, lors de la remise du prix Pegasus (un prix décerné par la ville de Malmö pour ceux qui ont contribué au rayonnement de la ville hors des frontières suédoises). La première chose qu’il m’a dit en me revoyant c’est : « Il est encore là le gros moustachu ? » Il parlait de Damir.
Vous parlez de football ou de karaté, quand vous vous voyez ?On parle de tout, mais on évite de parler de football. Je crois qu’il aime bien qu’on lui parle d’autre chose que de ballons. Et puis c’est un vrai passionné d’arts martiaux et de sport de combat en général. Il m’a déjà dit qu’il adorait Jackie Chan, Ali et tous ces gens-là, par exemple. Vous savez, ce n’était pas le mec le plus cool du monde quand il était jeune. Lorsqu’il était sur un terrain de football, il ouvrait bien grand sa gueule, mais ici, il la fermait. Aujourd’hui, tout ce que je peux dire, c’est qu’on peut discuter de tout avec lui. Il est très curieux de tout. Je dirais même que c’est quelqu’un de très intelligent.
Qu’est-ce que vous vous dites quand vous le voyez jouer à la télévision ?Je suis fier de lui et de son parcours et je me dis aussi qu’on n’est pas totalement étranger à son succès. Le but qu’il a mis contre l’Italie il y a quelques années, il ne l’aurait pas mis s’il n’était pas passé chez nous par exemple. Le taekwondo est une discipline où l’on utilise le pied 95% du temps. Tout est une question d’appuis et d’équilibre. Si vous ratez un coup de pied, vous devez quand même garder le contrôle. Zlatan, sur un terrain de football, c’est impossible de le faire tomber. Regardez ses appuis au moment de frapper la balle : ils sont extraordinaires ! Pourquoi ? Parce qu’il a entraîné toutes les parties de son pied à la perfection et qu’il a une coordination parfaite. C’est d’ailleurs le seul joueur de football capable de maîtriser les low kicks, high kicks et full kicks. Je pense sincèrement que les arts martiaux lui ont permis de mieux comprendre comment fonctionnait son corps. Il avait vraiment un physique pour réussir dans le taekwondo. Avec sa coordination, ses grands pieds, sa taille et sa souplesse, il aurait pu se faire un nom dans cette discipline.
Zlatan a des carpes koï tatouées dans le dos. Ça représente quoi à votre avis ?C’est vrai ? C’est fantastique ! Ça prouve bien qu’il affectionne la culture asiatique. Ça ne m’étonne pas qu’il se soit fait tatouer ces poissons sur le dos : les carpes koï représentent la force et la persévérance dans la culture asiatique. C’est tout lui. Il y a quelques années, on avait des carpes dans le club. Elles coûtaient plus de 2500 dollars pièce. Elles sont toutes mortes le jour où la femme de ménage a nettoyé leur bassin avec des produits chimiques.
Propos recueillis par Javier Prieto-Santos