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Ziyech, un retour soigné

Par Alexis Billebault
Ziyech, un retour soigné

Passeur face à la Belgique (2-0), buteur contre le Canada (2-1), Hakim Ziyech a tenu un rôle essentiel dans la qualification du Maroc pour les 8es de finale mardi contre l’Espagne. Fâché avec Vahid Halilhodžić et rappelé par Walid Regragui, le joueur de Chelsea semble totalement épanoui au sein de la sélection marocaine.

Le 06/12/2022 à 16h
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Depuis Cotonou, d’où il ne rate pas une miette du parcours des Lions de l’Atlas au Qatar, Abdeslam Ouaddou, l’ancien international marocain (59 sélections), désormais entraîneur du Lotto Popo FC, résume en quelques mots l’impression que lui laisse Hakim Ziyech depuis le début de la Coupe du monde. « Qu’il marque et fasse des passes décisives, en étant un des éléments essentiels du secteur offensif, c’est normal, c’est son rôle. Mais quand je le vois défendre et tacler, des tâches qui ne sont celles qu’il préfère, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est heureux d’être là. Et avec un Ziyech en forme, le Maroc est forcément meilleur. » Cela tombe bien : après avoir tenu en échec la Croatie (0-0), battu la Belgique (2-0), puis le Canada (2-1), le Maroc, ultime représentant du continent africain en 8es de finale, s’apprête à affronter l’Espagne, qui reste un candidat très présentable au titre mondial.

Il y avait un conflit d’égos. Ce n’est pas que Ziyech était ingérable, ni désagréable. Il ne parle pas beaucoup, avait tendance à être davantage avec les Néerlandais, comme Mazraoui et Labyad. Ce n’est pas un mauvais mec, mais avec Vahid, ça ne collait pas.

Conflit ouvert avec Vahid

Considéré comme le meilleur joueur marocain de ces dernières années, Hakim Ziyech aurait pu regarder la Coupe du monde depuis son logement londonien si Vahid Halilhodžić n’avait pas été remplacé par Walid Regragui au mois d’août dernier. L’attaquant de Chelsea et le technicien bosnien étaient en conflit ouvert depuis quelques mois, le second reprochant au premier une attitude trop éloignée des règles de vie en vigueur au sein de la sélection. Les deux hommes ne s’aimaient pas, s’allumaient volontiers par médias interposés, et Ziyech, pourtant sélectionné pour affronter la RD Congo en barrages au mois de mars dernier (1-1, 4-1), avait décliné, répétant qu’il ne remettrait jamais les pieds en sélection tant que Vahid en serait le patron. « N’oublions pas que la fédé marocaine avait recruté Halilhodžić justement pour qu’il instaure une discipline, et que cette qualification, c’est aussi la sienne. Mais Walid Regragui, qui l’a appelé dès sa nomination, a su trouver les mots pour le faire revenir en sélection, ce que les supporters souhaitaient », poursuit Ouaddou. « Je crois tout simplement que les caractères de Ziyech et Halilhodžić n’étaient pas compatibles, intervient un ancien membre du staff technique du Bosnien. Il y avait deux fortes personnalités, deux fortes têtes qui ne se comprenaient pas. Il y avait un conflit d’égos. Ce n’est pas que Ziyech était ingérable, ni désagréable. Il ne parle pas beaucoup, avait tendance à être davantage avec les Néerlandais, comme Mazraoui et Labyad. Ce n’est pas un mauvais mec, mais avec Vahid, ça ne collait pas. Regragui est plus jeune, il maîtrise mieux les codes de la génération actuelle, c’est un binational, comme Ziyech. »

Une marque de confiance

Le nouveau sélectionneur des Lions de l’Atlas, à peine nommé, avait décroché son téléphone pour appeler Ziyech et lui proposer de revenir au sein d’une sélection où il n’était plus apparu depuis juin 2021. « À partir du moment où le coach lui a fait comprendre qu’il avait besoin de lui, que l’équipe avait besoin de lui, c’était gagné. Ziyech aime le Maroc, c’est un joueur qui fonctionne à l’affectif, qui a besoin de se sentir important, aimé », assure Patrice Beaumelle, l’ancien adjoint d’Hervé Renard au Maroc (février 2016-juillet 2019). Au mois de septembre, celui qui passe l’essentiel de son temps sur le banc de touche de Chelsea depuis le remplacement de Thomas Tuchel par Graham Potter avait renoué avec la sélection, à l’occasion des matchs amicaux disputés en Espagne face au Chili (2-0) et au Paraguay (0-0), en rendant deux honnêtes copies.

Walid sait que Ziyech est capable de faire basculer un match à n’importe quel instant, il l’a donc laissé sur le terrain jusqu’au bout. Et le joueur a été sensible à cette marque de confiance…

Le 17 novembre, Ziyech avait inscrit son 18e but en sélection lors de la victoire contre la Géorgie de Willy Sagnol (3-0), en réussissant un lob somptueux. « Là ou Regragui a été très bon, c’est qu’il a su très rapidement le mettre au centre de son dispositif. Par exemple, contre la Croatie (0-0), Ziyech a bien débuté avant de s’éteindre progressivement, remarque Youssouf Hadji, un autre ancien coéquipier de Regragui en sélection. Mais comme Walid sait que Ziyech est capable de faire basculer un match à n’importe quel instant, il l’a laissé sur le terrain jusqu’au bout. Et le joueur a été sensible à cette marque de confiance… » Cela s’est vu face à la Belgique, où Ziyech a délivré une passe décisive à En-Nesyri, et contre le Canada, quand le gaucher a ouvert le score au bout de quatre minutes, d’un nouveau lob.

Hakim en smoking

Cette relation de proximité que l’ancien défenseur de l’AC Ajaccio et de Santander a su nouer avec la star marocaine en quelques semaines profite à toutes les parties concernées. Avec un Ziyech heureux et à qui son coach laisse une évidente marge de liberté, le jeu du Maroc s’en trouve naturellement bonifié. « Ziyech, c’est un artiste, un joueur technique, embraye Ouaddou. Si tu lui donnes des responsabilités, que tu le laisses s’exprimer tout en lui rappelant qu’il y a un système de jeu à respecter, il va te le rendre au centuple. C’est un binational, il vient d’un quartier pas facile, comme pas mal de binationaux. Walid est un binational et lui aussi vient d’une cité. Il y a beaucoup de joueurs qui ont la même histoire, et le coach la connaît bien, puisqu’il l’a vécue d’une certaine manière. Ziyech, c’est un Berbère, comme moi, il a besoin de sentir que tu ne joues pas un rôle avec lui, que tu le comprends. Et chez Regragui, cette proximité, qu’il avait déjà quand il était joueur, est totalement naturelle. »

Quand il était sélectionneur du Maroc, Hervé Renard avait taquiné Ziyech, avec qui les relations n’ont pas toujours été fluides, de venir « en smoking » disputer les matchs des Lions en Afrique. Au Qatar, loin des matchs disputés en plein cagnard sur des pelouses pudiquement qualifiées de « difficiles » , Ziyech, sur des terrains impeccables et contre des pointures du Vieux Continent, se montre beaucoup plus à l’aise. L’Espagne ne pourra pas dire qu’elle n’était pas au courant.

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