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Zidane, homme de grands rendez-vous
S'il n'a jamais eu les statistiques de Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi, Zinédine Zidane n'en reste pas moins considéré comme l'un des meilleurs joueurs de l'histoire du foot. Parce qu'il était beau à voir jouer, mais aussi parce qu'il choisissait les meilleurs moments pour briller.
17 août 1994 : première sélection contre la République tchèque
L’équipe de France doit se reconstruire après le traumatisme de France-Bulgarie. Pour palier l’absence de Youri Djorkaeff, Aimé Jacquet mise sur le meneur de jeu de Bordeaux afin d’affronter la République tchèque au Parc Lescure. Les Bleus souffrent et sont menés 2-0 lorsque Zidane entre en jeu à la place de Corentin Martins. Au micro, Thierry Roland ne croit pas si bien dire lorsqu’il évoque « le début, peut-être, d’une très belle aventure » . Alors que le numéro 14 rate quelques passes et ne peut révolutionner le jeu des Bleus, qui ne se créent aucune occasion, le vent tourne à cinq minutes du terme. Lancé dans l’axe, Zidane se défait de deux joueurs et balance une frappe du gauche qui trompe Kouba. Deux minutes plus tard, il égalise de la tête sur un corner de Jocelyn Angloma. Un retournement improbable que l’intéressé commente alors avec une simplicité déconcertante face caméra : « Je pense un peu à ma femme qui est enceinte tout juste de deux mois, c’est à elle que je dédis un peu le match, et un peu à ma famille. C’est beau, c’est magnifique en fait. Cela ne m’était jamais arrivé de marquer deux buts dans un seul match, toutes catégories, que ce soit cadets, minimes, espoirs… » Il remettra un doublé un peu plus tard dans sa carrière.
12 juillet 1998 : deux buts en finale de Coupe du monde
Il a été passeur décisif contre l’Afrique du Sud sur l’ouverture du score de son pote Christophe Dugarry. Un corner, tout simplement, coupé de la tête par l’attaquant formé à Bordeaux. À part ça ? Zidane a pris un rouge pour s’être essuyé les crampons sur un « enculé de Saoudien » , dixit ses propos volés dans le documentaire Les Yeux dans les Bleus. Trop peu pour pouvoir prétendre être un homme clé du parcours français. Laurent Blanc admet l’avoir prévenu : « Zizou, si tu veux choisir ton match pour être décisif, il n’y a pas mieux que la finale. » Message reçu, sur deux corners en première période, le meneur de jeu français place sa tête. Suffisant pour lui valoir un statut de héros national, sa tête sur l’Arc de Triomphe et le Ballon d’or à la fin de l’année civile. Comme quoi, le sens du timing cela paie, et bien.
Le chef-d’œuvre de l’Euro 2000
Plus qu’un match, un tournoi où Zidane a été au-dessus, comme pour éloigner les doutes quant à son statut de grand joueur. Et décrédibiliser toutes les théories qui feraient de lui un joueur plus agréable qu’efficace. L’Euro 2000, c’est le moment de grâce de Zidane, décisif contre l’Espagne d’un coup franc sublime, ou contre le Portugal, match au cours duquel il a le cran de frapper le penalty en or pendant la prolongation. Il n’est pas décisif en finale ? Le paradoxe qui confirme la légende, car deux ans plus tôt, il avait sauvé un Mondial discret avec ses deux coups de tête en finale. En fin d’année, le Ballon d’or lui tend les bras, mais deux mauvais gestes en Ligue des champions lui coûtent la première place, attribuée à Luís Figo qu’il avait battu en demi-finale de l’Euro. Les coups de sang en revanche, cela coûte cher.
15 mai 2002, le chef-d’œuvre de Glasgow
Meilleur joueur français du moment, symbole des champions du monde et d’Europe, Zinédine Zidane traîne presque une réputation de loser en clubs. Contrairement à Didier Deschamps, Bixente Lizarazu ou encore Marcel Desailly, lui n’a jamais soulevé la coupe aux grandes oreilles. Pire, il a échoué deux fois en finale avec la Juventus. Son transfert au Real Madrid, où il est le second Galactique après Luís Figo, c’est aussi l’opportunité de conquérir ce dernier Graal. Déjà buteur en demi-finale contre le FC Barcelone, « Zizou » sort à nouveau de sa boîte juste avant la pause de la finale contre le Bayer Leverkusen. Roberto Carlos, servi par l’élégant Solari, déborde à gauche, tente un mélange centre/chandelle. Oublié à l’entrée de la surface, le Français prend le temps de se placer et d’envoyer – lui le droitier – une reprise de volée du gauche. Qui entre simultanément sous la barre et dans les annales du football européen. Où comment étoffer son palmarès et sa légende en un seul geste.
13 juin 2004 : il retourne Beckham et l’Angleterre
Entrée en matière de la France à l’Euro 2004. L’occasion pour Zinédine Zidane et David Beckham, partenaires au Real Madrid, de voir qui est le plus galactique. La première période donne l’avantage à l’Anglais, passeur décisif pour Frank Lampard. En réalité, le meneur de jeu français attend le money time pour la mettre à l’envers au beau gosse anglais. Dans les arrêts de jeu, il enchaîne un coup franc petit filet et un penalty offert par Steven Gerrard et Thierry Henry. Zizou lâche une galette sur la pelouse avant le coup de pied de réparation décisif, mais assume néanmoins son rôle. En quelques minutes, il a renversé l’Angleterre et confirmé qu’au-delà d’un talent hors norme, il a des nerfs d’acier. L’estomac en revanche…
Coupe du monde 2006, la sortie presque parfaite
Avant le début de la compétition, Zidane l’annonce clairement : « Je peux faire sept matchs. » En clair, même s’il prend sa retraite après le Mondial, le meneur de jeu ne vient pas pour faire un tour d’honneur, mais bien pour braquer le trophée. Un an plus tôt, il était encore retraité international depuis l’Euro 2004. Mais il sait trop bien que l’opportunité de jouer une Coupe du monde ne se refuse pas, surtout quand on a la chance de pouvoir décider ou non d’être dans la sélection de Raymond Domenech. Peu en vue au premier tour, suspendu pour le match décisif contre le Togo, Zizou finit son échauffement au meilleur des moments : après le barbecue collectif des Bleus et avant le premier match à élimination directe contre l’Espagne, qui prévoit déjà son « jubilé » . Au final, la Roja se prend un 3-1 avec Zidane comme dernier buteur. Et preuve que le vieux en a encore sous la semelle, il sort l’une de ses plus belles prestations en Bleus contre le Brésil au tour suivant, à tel point que feu Thierry Gilardi s’enflamme et assure « qu’il ne peut pas s’arrêter à ce niveau-là » . Buteur contre le Portugal – et ainsi vainqueur de la revanche contre son coéquipier Luís Figo – il s’offre même le luxe de tenter une panenka en finale contre l’Italie. Qui sait ce qu’il se serait passé s’il n’avait pas enfoncé son crâne dans le thorax de Marco Materazzi ? Zidane a échoué dans sa quête d’une seconde Coupe du monde, mais a réussi à quitter sa peau de footballeur au plus haut. Personne ne pourra lui enlever.
Cela aurait pu être mentionné :
Son but magistral à Séville en huitièmes de finale de la Coupe de l’UEFA 1996, ses deux passes décisives pour Christophe Dugarry contre l’AC Milan en quarts de finale retour de la Coupe de l’UEFA 1996, son premier but avec la Juventus contre l’Inter Milan en octobre 1996, sa prestation à Wembley pour la victoire des Bleus contre l’Angleterre en novembre 1999, sa performance contre l’Ajax Amsterdam en demi-finale de la Champions 1997, son but pour sa dernière à Santiago Bernabéu le 7 mai 2006 contre Villarreal…
Par Nicolas Jucha