- C1
- Finale
- Real Madrid champion
Zidane, entre Guardiola et Di Matteo
Lauréat de la Ligue des champions pour sa première expérience sur un banc, Zinédine Zidane intègre un cercle très fermé. À mi-chemin entre le chef-d’œuvre blaugrana de Guardiola et l’aventure épique des Blues de Di Matteo, le Français s’attaque désormais au plus dur : confirmer.
Lorsque Cristiano Ronaldo prend le contre-pied du portier de l’Atlético, le Madridismo, qu’il soit à San Siro ou devant son poste télé, crie et pleure son bonheur. Les joueurs courent, les supporters s’entrelacent, les dirigeants se congratulent. Zinédine Zidane, lui, se retourne vers la tribune la plus proche et prend dans ses bras sa femme et ses deux derniers fils. Une joie intime, auprès des siens, puis des mots : « J’en avais rêvé quand je suis arrivé, je suis heureux. » Du Zizou dans le texte, bref et vague, pour une mission réussie, la Undécima étant désormais propriété du musée du Bernabéu. Un océan de béatitude, trimbalé de la Plaza de Cibeles jusqu’à l’antre madrilène, qui laisse désormais place à une cruelle interrogation, celle de la confirmation. Car l’exploit de Zidane, cinq mois seulement après son intronisation, n’est pas orphelin : récemment, Pep Guardiola et Roberto Di Matteo ont également soulevé les grandes oreilles pour leur premier exercice sur un banc européen. Et à en croire les destinées opposées du Barcelonais et du Londonien, difficile de prédire l’avenir du Marseillais.
Bianchi : « Il n’a pas pris Eibar »
En 2012, la pelouse munichoise décide du champion européen à la suite d’une séance de tirs au but. Vainqueur grâce à la transformation de Didier Drogba, Chelsea inscrit pour la première fois son nom au palmarès de la Ligue des champions. Roberto Di Matteo, adjoint de Villas-Boas dont il prend la succession par intérim au cœur du mois de mars, devient alors l’entraîneur titré au plus faible nombre de matchs sur le territoire continental. Une prouesse que Zinédine Zidane ne peut égaler, lui, le coach merengue aux deux mois d’expérience en plus. Reste que pour certains, dont Carlos Bianchi, cité par France Football, la comparaison fait sens : « Il a pris une équipe qui était déjà championne d’Europe il y a deux ans. Il n’a pas pris Eibar. Bon, il fallait la faire gagner, cette équipe, mais du moment que les joueurs ont des qualités… N’oublions pas que Di Matteo a mené Chelsea au titre de champion d’Europe. » Loin de dénigrer le succès du Français ou de se muer en pisse-froid, l’Argentin rappelle que le succès ne doit pas griser ni même interdire la moindre critique. Car dans le jeu, ce Real zidanesque renvoie plus au succès de Di Matteo qu’au chef-d’œuvre de Guardiola.
« Le Real Madrid a gagné, alors on ne dira rien, poursuit ce même Bianchi. S’ils avaient perdu, là ça aurait été autre chose… Tactiquement, la seule nouveauté qu’il a apportée depuis qu’il est arrivé est le positionnement de Casemiro devant la défense. On disait de Benítez qu’il était trop défensif, alors qu’il jouait sans demi-défensif. » Le rôle central du Brésilien, lancé par Ancelotti, prêté à Porto, puis relancé par Benítez, relève l’aspect le plus conservateur de Zinédine Zidane. Cette préférence défensive s’explique en grande partie par le manque de consistance du milieu de terrain madridista lors de la première partie de saison, mais indique aussi un retour vers la tradition. Car s’il se réclame de Carlo Ancelotti, la recette du succès de la Undécima de ZZ diffère de celle de la Décima. Une technique défensive qui n’a rien de blasphématoire, Cristiano Ronaldo, Bale et Benzema n’ayant jamais autant défendu. Zidane applique également à la règle la devise officieuse du Real Madrid : gagner n’importe où, face à n’importe qui, de n’importe quelle façon. Paradoxalement, c’est ce qui le rapproche plus de Pep Guardiola.
De Pep à Zinédine, le poids des institutions
Bien que castillan pour l’un et catalan pour l’autre, les microcosmes merengues et blaugrana se ressemblent par leur folie. Deux nébuleuses à la presse envahissante et aux supporters exigeants où l’échec n’est que peu admis – cf. Carlo Ancelotti. Zidane comme Guardiola comprennent l’écosystème des deux monstres de la Liga comme personne. Quand le natif de Santpedor construit ses premiers succès de 2009 au travers du sempiternel 4-3-3 de la Masia et du tiki-taka de ses illustres prédécesseurs Rinus Michels et Johan Cruyff, Zinédine Zidane s’attèle, lui, à remettre de l’ordre dans la tête de ses stars et se fait une obligation de remettre au goût du jour l’une des maximes blanches « luchar hasta el final » – « lutter jusqu’à la fin » , en VF. Une méthode qui sied à la glorieuse histoire du Real Madrid et qui installe une union sacrée autour de son groupe. À l’exception des préceptes tactiques et du mouvement du cuir, Pep et Zinédine sont ainsi de formidables étendards de leurs équipes respectives. Reste désormais au technicien merengue à confirmer dans un club qui a fait de l’instabilité de son banc de touche son dada. En soi, rien que le plus dur.
Par Robin Delorme