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Zeman reprend la Roma
Il a suffi d’une promotion en Serie A avec Pescara pour que le nom de Zdeněk Zeman se retrouve de nouveau associé à la moitié des clubs de foot que compte l’Italie. Un jour annoncé à l’Inter, l’autre à la Fiorentina ou à la Lazio. C’est finalement la Roma que l’atypique entraîneur a choisie pour poser ses valises et ses cigarettes. Et maintenant ?
Voilà, c’est officiel : Zdeněk Zeman sera l’entraîneur de la Roma, la saison prochaine. Le Tchèque succède ainsi à Luis Enrique, incapable de faire de la Louve cette machine à pratiquer du beau jeu – et à engranger les victoires. Passée la déception de ne pas voir le « Bohème fumant » continuer l’aventure avec la modeste équipe de Pescara dans l’élite, il s’agit plutôt d’une bonne nouvelle. Pour la première fois depuis l’exercice 2004-2005, Zeman retrouve la première division italienne, dans un club qu’il a déjà entraîné, de 1997 à 1999. Le bilan n’avait alors pas été scandaleux : une quatrième place la première année, une cinquième la seconde, avant d’être remplacé par Fabio Capello. Surtout, une relation privilégiée avec un Francesco Totti qui était encore en train de devenir ce qu’il est devenu. Il y a quelques jours, le talisman de l’AS Roma définissait même son ancien entraîneur comme « unique et inimitable » . « L’estime est réciproque » , avait répondu Zeman, qui avait également précisé qu’il ne quitterait Pescara « que pour la Roma » .
8 fois 1000 mètres
Pas la peine de dire que Zeman ne débarque pas dans la Ville Éternelle pour caresser ses futurs joueurs dans le sens du poil, mais bien pour appliquer ses méthodes si particulières. Ses méthodes ? So Foot avait rencontré le chamane à l’été 2010, alors qu’il s’apprêtait à diriger Foggia, en troisième division, le club où il s’était révélé parmi les grands au début des années 90 (le fameux Foggia des miracles, avec Rambaudi et Signori, entre autres). Pendant près d’une heure, il avait détaillé sa façon de voir les choses. En commençant par le 4-3-3 : « Mon module, ça a toujours été le 4-3-3. Je n’ai été influencé par personne. Il s’agit simplement d’une question de géométrie. C’est la meilleure façon d’occuper le terrain, c’est tout. Avec une défense qui joue le hors-jeu, des attaquants qui pressent leurs défenseurs dès qu’ils perdent la balle, et beaucoup de mouvement(s). Vous savez, le football est une explosion de mouvements… Les meilleurs des meilleurs joueurs peuvent garder la balle trois minutes dans un match. Mais les 87 autres minutes, ils ne restent pas là à regarder. Ils doivent se déplacer. Tous ne naissent pas avec un sens inné de la course. Il suffit donc de leur apprendre à courir, voilà… » Puis, Zeman avait allumé une Marlboro Light – à 60 ans passés, il fume encore trois paquets par jour. Or, apprendre à courir avec Zeman, c’est apprendre à souffrir. Alors, en stage de préparation avec son Foggia, le Tchèque demandait à ses gars d’enchaîner les courses (avec une prédilection pour le 8 fois 1000 mètres, ou le 300 mètres en 1 minute précise) pendant deux heures, puis de sauter des haies et de faire de la corde à sauter.
Du spectacle et des buts
La traduction sur le terrain est simple : les ouailles de Zeman partent à l’abordage. D’une façon générale, ses équipes terminent presque toujours meilleure attaque et plus mauvaise défense (le Pescara a, cette année, inscrit 90 buts – meilleure attaque – et encaissé 55 pions – pas la plus mauvaise défense, mais pour indicatif, le Torino, 2e, a encaissé 28 buts). Obtenir des résultats est sans doute la seule chose qu’il ne faut pas demander à celui qu’on appelle le Muet pour sa propension à parler peu. « Les objectifs, ça me fatigue, avait-il expliqué à So Foot. Lorsque je suis arrivé à Lecce, on m’a dit de jouer le maintien. Cela n’a aucun sens. Moi, je ne joue pas pour les présidents, qui sont prêts à évoluer dans des stades vides, si ça peut leur faire économiser quelques problèmes. Je sais que c’est une position qui m’a amené des ennemis, mais je m’en fous. Moi, je joue pour les gens qui viennent au stade. Pour leur bonheur. La défaite n’est pas une humiliation. Jamais. » Le palmarès de Zeman ne dit pas vraiment autre chose : un championnat de Serie C et deux de Serie B. Le tout dans une carrière entamée en 1983 en Sicile, avant de passer par de nombreuses équipes, dont la Lazio, la Roma, Fenerbahçe ou encore le Napoli. Jusqu’à Pescara et la promotion, donc. Reste à savoir si la recette prendra à Rome, et si les vieux briscards accepteront de souffrir comme les jeunots. On ne va pas s’en plaindre, pour l’instant. Au moins, il y aura du spectacle, et des buts. Pour le reste…
Par Lucas Duvernet-Coppola, à Rome.