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Zelazny douillet

Par Jérémie Baron
6 minutes
Zelazny douillet

Sous la houlette de Jean-Louis Garcia, Erwin Zelazny est récemment passé numéro 1 dans la hiérarchie des derniers remparts de l’ESTAC, découvrant dans le même temps l’élite avec brio. Le bout du tunnel pour un mec qui est revenu de loin, en prenant son temps. Et qui aura ce soir l’occasion de prouver à la Beaujoire qu’il n’est plus celui dont on se moque.

En bon numéro 6 de métier qui se respecte, Didier Digard n’est pas trop du genre à aller fanfaronner aux avant-postes pour essayer de se coiffer de la couronne de buteur. Pourtant, au fil d’une carrière honnête, le Normand a souvent réussi à au moins planter le but annuel qui va bien pour garnir les lignes de son CV franco-anglais – avant de connaître une panne en traversant les Pyrénées, il est vrai. Et en 2014, c’est à Nantes qu’il a honoré ce précepte avec l’étiquette d’imposteur. Le 5 janvier de cette année de Coupe du monde, dans le froid d’un 32e de Coupe de France faisant office de reprise, la Digue et son Gym se déplacent à la Beaujoire. Et dès la 8e, le milieu dégaine bien malgré lui. Depuis la ligne médiane, il tente une galette lobée à destination de Jérémy Pied, alors que ce dernier pique dans l’axe. Mais Gabriel Cichero veille, et refoule le Niçois à l’entrée de la surface des Canaris. Fin ? Non : la gonfle rebondit aux onze mètres, s’envole et finit sa course au fond des filets, après avoir feinté réalisateur TV et surtout portier. Le coupable, qui ne va pas tarder à faire le bonheur des zappings, se prénomme Erwin Zelazny, fête alors son unique titularisation de la saison et n’en est pas à son coup d’essai en matière de bévues. Et du côté de la cité des ducs, ce mélodrame – ayant d’ailleurs entraîné une défaite (2-0) – a longtemps été le dernier souvenir que l’on a conservé du garçon.

« M’enfin ?! »

Car dire que Zelazny a joué de malchance sous la liquette jaune et vert relève de l’euphémisme. Au pays du petit beurre, le Franco-Polonais s’est surtout gavé de boulettes en tout genre. Débarqué à la Jonelière en 2004, à l’âge où le monde pro n’est encore qu’un doux rêve, ce Nordiste de naissance passe avec succès les différents stades de la formation nantaise, avant de se voir offrir sa chance au haut niveau : débuts à 19 ans en L2 en mai 2011, première clean-sheet l’été qui suit en Coupe de la Ligue, et un statut de numéro 2 confirmé à vingt ans. Mais les ennuis commencent lors d’un sombre septième tour de Coupe de France sur le terrain du Bouscat, pensionnaire de huitième division, lors duquel Zelazny, un peu trop sûr de lui dans la surface, offre la prolongation aux locaux, n’entraînant toutefois pas l’élimination des siens (victoire 3-1 au bout de la demi-heure supplémentaire).

Bis repetita face à Lens, alors que le gardien enchaîne trois titularisations en championnat au début du printemps 2012 : lors de la deuxième, à Bollaert, le Gaston Lagaffe du 44 fait basculer la rencontre bien malgré lui. Au cours d’une action absurde, Zelazny prend de nouveau ses aises dans ses seize mètres, panique, puis signe finalement la passe décisive du seul but du match pour son adversaire Chaouki Ben Saada. Une saison s’écoule, la gueule d’ange de la génération 1991 prolonge tant bien que mal sur les bords de Loire et gratte ses seules minutes de temps de jeu en Coupe de France ; puis vient, après la remontée du FCN en Ligue 1, ce cauchemar face aux Aiglons. Zelaz’, quinze titularisations entre 2011 et 2014, ne réapparaîtra pas dans l’équipe première de son club formateur.

« Il a eu un parcours un peu difficile à ses débuts, ces erreurs techniques l’ont affecté mentalement, explique Michel Der Zakarian, à la tête de la maison jaune à l’époque à partir de 2012. Pour un jeune gardien, le fait d’avoir fait des erreurs qui ont engendré des défaites… Il a eu du mal à s’en remettre. Il bossait bien à l’entraînement, mais en compétition, il avait des difficultés. Il était bon, compétitif, mais il a eu du mal quand on faisait appel à lui. Il y avait peut-être de l’émotion, de l’appréhension. Il était numéro 2, au départ, mais à un moment donné, il a basculé dans la hiérarchie. Puis il est arrivé en fin de contrat. » Une fin d’aventure amère que l’intéressé, même s’il disait cette semaine sur les ondes de France Bleu Loire Océan garder « un bon souvenir » et « une fierté » de son passage en Loire-Atlantique, va rapidement effacer en prenant à l’intersaison 2015 un virage serré pour s’installer l’espace d’une saison à Rodez, en CFA.

Leadership et pied gauche adroit

« Ça a été un vrai choix de ma part, avec mes conseillers, décrit Zelazny. Ma dernière année était un peu compliquée à Nantes, je souhaitais faire une saison pleine, retrouver du plaisir et des repères. » Malgré un parcours compliqué cette année-là pour le RAF – qui frôle la relégation – et un petit coup de sang lors de la première partie de saison qui ne lui vaudra finalement qu’une petite suspension, le gaucher s’éclate (27 matchs, 9 clean sheets) et est désigné deuxième meilleur portier de la poule au terme de l’exercice. « À Nantes, il avait vingt ans. Tous les jeunes gardiens font des boulettes, c’est un problème de vécu et de confiance, déclare son entraîneur dans l’Aveyron, Laurent Payrelade, ancien Manceau et Lillois. Il fallait avoir du cran pour passer du monde pro au CFA, tout le monde n’aurait pas pu le faire. La mentalité d’un joueur professionnel et la mentalité semi-amateur, parfois ça frotte, dans les relations humaines, l’exigence qu’on peut avoir à l’entraînement. Sa personnalité ne passait parfois pas bien dans l’environnement. Mais il était dans le vrai par rapport à l’exigence qu’il voulait mettre. »

Ce monde pro, sur lequel il n’avait pas encore fait une croix, lui rouvre alors les bras, et c’est sur un contrat avancé par l’ESTAC que celui qui est également président de l’ASPTT Arras appose sa signature, pour officier en tant que suppléant de l’ex-Guingampais Mamadou Samassa. Puis le leadership et le jeu au pied de l’ancien Nantais, déjà loués du côté de Rodez, font leurs preuves : aligné à quatre reprises (dont trois en coupe) en 2016-2017, le natif de Grande-Synthe (59) séduit le staff de Jean-Louis Garcia, à tel point que le gardien devenu technicien en a fait cette saison son numéro un, à la fin du mois de janvier.

« Une saison, c’est très long, et un club a toujours besoin de deux, voire trois bons gardiens. J’ai eu ma chance contre Lille, et j’ai donné le maximum pour pouvoir enchaîner les matchs » , s’est contenté de commenter le nouveau boss des bois troyens. Aligné pour la septième joute consécutive en Ligue 1 le week-end dernier face au PSG (0-2) privé de sa MCN, Zelazny a en tout cas mis tout le monde d’accord en écœurant pendant longtemps Di María et ses potes, avec onze parades en 90 minutes : tout simplement un record depuis le lancement de ce nouvel exercice. « C’est un compétiteur-né, qui dégage une certaine maturité et beaucoup de sérénité. Il n’était peut-être pas précoce, mais il s’est affirmé » , se réjouissait récemment dans les colonnes de L’Équipe son entraîneur dans l’Aube. Sûr que la bouille de Didier Digard, aujourd’hui, a disparu de ses mauvais rêves.

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Par Jérémie Baron

Propos de MDZ et LP recueillis par JB, ceux d'EZ tirés de France Bleu Loire Océan et ceux de JLG tirés de L'Équipe

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