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Zebda : « On achetait des maillots aux jeunes du quartier »
Zebda est le groupe français le plus programmé sur scène cet été. Sans langue de bois, Hakim Amokrane, l’un des chanteurs de la formation, rappelle le manque de moyens des petits clubs, adresse un mot à Michel Platini et se remémore le célèbre Toulouse/Naples de 1986.
Benoît Hamon souhaite un cap des salaires pour les joueurs de football, et toi ?
Il y a un cap des salaires pour les joueurs de basket en NBA, ça se fait en baseball, en hockey sur glace. Par décence, pourquoi pas. Mais il faudrait qu’il y ait aussi un cap des salaires pour les patrons.
Tu parles de décence. Ces sommes sont indécentes ?
Je ne vais pas reprocher à un Samir Nasri, à un Ben Arfa ou à un Benzema de prendre des milliers d’euros par semaine alors qu’au-dessus d’eux, ça brasse beaucoup plus d’argent. Le problème se situe plus en amont. Il y a trop peu de redistribution vers le monde amateur, où les clubs de quartier galèrent pour acheter un jeu de maillots. Nous avons fait nous-même des collaborations avec les jeunes du Football Club des Ysards, à Toulouse, pour leur acheter des maillots. Il serait plus sain que cet argent redescende vers ces petites structures. Après, il ne faut pas seulement jouer au football avec l’objectif de devenir professionnel, comme les trois quarts des mômes qui pensent que faire de la musique, c’est être une star. Quand tu joues au ballon, tu le fais pour le plaisir, pour le sport. Parce que ça fait du bien à la tête et au corps. Sain de corps et d’esprit, comme on dit.
Que t’inspire ce brassage d’argent ?
Que c’est une autre planète, un autre monde, un autre gouvernement. Tu as l’impression que c’est un monde à part avec une gouvernance à part tenue par la FIFA et l’UEFA. Que c’est une vraie histoire de business. C’est un vrai monde capitaliste, symbole de la société de consommation dans laquelle nous vivons. C’est celui qui réussit qui va écraser l’autre. Nous, on aspire à un monde où celui qui réussit va aider celui qui galère, par exemple en payant des impôts. Quand tu vois un joueur de foot qui dit : « Je gagne 1 million d’euros, on veut me prendre 70%. » J’ai envie de dire : « Oh, il va te rester 300 000 euros, quand même ! »
Zinedine Zidane accepte de payer ses impôts en France…
Heureusement, parce que Zidane est l’icône du football français. Mais c’est un truc d’éducation, le père de Zidane est maçon, ouvrier. Zizou a grandi dans un quartier. Ça fait du bien qu’il prenne une position comme ça. Et puis c’est rare qu’il donne son avis sur des choses sociales et politiques. Nous, quand on a fait Tomber la chemise, on a payé des impôts dessus et j’étais content d’en payer. Plutôt que d’aller pleurer à Miami, les joueurs feraient mieux de rester là et de payer leurs impôts ici. Au moins, tu peux sortir dans la rue et regarder les gens, ça force le respect. Moi, Zizou, j’ai encore plus de respect pour lui depuis qu’il a dit ça. D’un autre côté, tu as des patrons de club qui disent que les meilleurs footballeurs vont partir à l’étranger. Mais qu’ils partent ! Moi, ça va pas changer ma vie que le meilleur buteur de Ligue 1 marque 15 buts par an, c’est déjà le cas.
Tu parles de l’UEFA. Qu’as-tu à dire à Michel Platini ?
Ce que j’aurais envie de dire à Platini, c’est de regarder réellement le bas de l’échelle. De faire en sorte que le sport soit un atout pour la jeunesse. De revoir le système de formation. Pourquoi les joueurs sont-ils comme ils sont aujourd’hui ? Leur seule éducation, c’est le centre de formation. Il n’y pas d’éducation politique, sereine, pas de parallèle avec l’école, contrairement aux rugbymans. Des tas de joueurs sont dès l’âge de 12 ans dans des centres de formation, loin de leur famille, éloignés des valeurs inculquées par l’école que sont le respect, et ne fréquentent rien d’autre que des footballeurs et des dortoirs.
Faudrait-il créer des structures supplémentaires pour privilégier l’éducation ?
Oui. Et aussi essayer de faire en sorte que les mômes n’assimilent pas tout le temps le football à un statut de star. Que leur formation soit étroitement associée à l’école. Comme pour la musique, le théâtre, etc. Le sport doit avoir le même rôle dans la démocratie que la culture ou l’éducation.
Retour au ballon, il représente quoi pour toi ?
Ça représente l’enfance, la jeunesse, la pratique sportive, le fait d’avoir joué beaucoup, d’avoir beaucoup suivi le foot à la télévision. On n’a pas eu trop le temps d’aller au stade parce qu’on était beaucoup sur la route… Et puis quand tu es en tournée, tu as peur de te faire mal, tu es à l’économie. Là, je suis incapable de jouer au ballon en semaine parce qu’après les séries de concerts, j’ai les jambes qui pèsent 100 tonnes chacune. Mais sinon, on a tous fait du ballon quand on était gosse, dans des clubs, au quartier. On habite à Toulouse, moi, j’ai fait un peu de rugby quand j’étais enfant. Aujourd’hui, on aime bien pratiquer, mais on regarde les matchs avec du recul. Avec l’âge, on suit les rencontres un peu moins tendus, moins énervé si ça gagne ou si ça perd.
Ça te stressait à l’époque ?
J’étais très tendu sur les matchs de foot. Si un club que je supportais perdait, j’étais malade pendant une semaine. Maintenant, je coupe le son, je regarde le score…
Ton équipe de cœur ?
Il y a l’OM. Et puis après, je soutiens les équipes françaises en lice en Coupe d’Europe. Même si c’est le PSG ou Lyon, et même si le président de l’OL est un peu pénible.
Tu n’aimes pas Jean-Michel Aulas ?
Pas du tout même. Le football business à outrance, la mauvaise foi, les trucs tout pourris, là, je n’aime pas ça.
Quelques souvenirs de supporter ?
Il y a la Coupe d’Europe de Marseille, en 1993, puisque l’on était à Marseille ce jour-là. On devait aller à Mâcon regarder le match et jouer dans cette ville le surlendemain, mais nous n’avions pas pu partir de Marseille, car tous nos amis nous disaient : « Comment ? Olympique de Marseille/Milan et toi, tu vas le regarder à Mâcon ! » Nous sommes donc restés à Marseille pour vivre ce moment inoubliable. Et sinon, en tant que môme, c’est Toulouse/Naples en Coupe d’Europe 1986 (Ndlr : 1er tour de la Coupe de l’UEFA), où Maradona rate le penalty. C’était la grande équipe de Toulouse avec Alberto Tarantini, Beto Marcico, Bergero, Stopyra. J’étais au Stadium, j’avais 14 ans, c’était un grand moment.
Le penalty raté de Maradona
En tournée dans toute la France
AlbumSecond tour disponible (Barclay/Universal)
Crédit photo : http://zebda.artiste.universalmusic.fr/
Propos recueillis par Romain Lejeune