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Zabaleta, citoyen discret

Par Romain Duchâteau
7 minutes
Zabaleta, citoyen discret

Dans l’effectif constitué à coups de pétrodollars de Manchester City, son nom et sa dégaine détonnent. Arrivé dans l’anonymat en 2008, Pablo Zabaleta figure aujourd’hui comme l’un des tauliers du club. Pas le plus talentueux, pas le plus bandant, mais sans doute le joueur le plus apprécié par les supporters citizens. Excusez du peu.

« Nous ne pouvons pas être tous des héros. Il faut bien qu’il y ait des gens pour attendre sur le trottoir et applaudir à leur passage » . Will Rogers, acteur et scénariste américain du début du XXe siècle, visait visiblement juste. Si Pablo Zabaleta avait décidé d’embrasser une carrière dans le 7e Art, nul doute qu’il se serait contenté de rôles de figurant. Non pas que le costume de héros soit trop large, mais parce qu’il s’en accommoderait bien. Discret, tapi dans l’ombre, pas d’incartades à son actif, irréprochable. Un modèle de professionnalisme, en somme. Bercé par une Argentine qui a pris l’habitude d’idolâtrer ses illustres attaquants (Maradona, Kempes, Batistuta, Messi, etc.), le joueur de l’Albiceleste a très vite appris à marcher loin des lumières. Tout comme à Manchester City où son cortège de stars, emmené par Agüero, Džeko, Silva ou encore Yaya Touré, polarise l’attention. Mais ce serait trop vite oublier que pour élever des hommes au rang de héros, il faut des soldats méconnus chargés d’effectuer les basses besognes dans l’ombre. Un rôle qui sied plutôt pas mal à Zabaleta.

Nez cassé, entailles et blessures à la tête
Aujourd’hui titulaire inamovible à Manchester City, l’Argentin a pourtant connu des débuts tortueux. Débarqué en 2008 pour 8 petits millions d’euros, année du rachat par l’Émirati Sheikh Mansour, il apparaissait comme une énigme. La faute à une dégaine pas franchement sexy et un blase encore inconnu malgré trois belles années à l’Espanyol Barcelone. Les premières prestations ne sont pas catastrophiques mais ne se révèlent guère enthousiasmantes non plus. « Ce qui a joué en sa défaveur quand il est arrivé, c’est qu’il est arrivé en tant que défenseur polyvalent. Il n’avait pas sa place au début, il était trimballé milieu défensif, arrière gauche ou arrière droit, se souvient Chris Slater, consultant à Canal + et supporter inconditionnel de City. Du temps de Mark Hughes et même de Roberto Mancini, on avait un problème au poste d’arrière gauche. Il a souvent joué les dépanneurs à ce poste, mais c’est ce qu’on aime chez lui. Si on lui demande de ramasser les déchets dans le parking, il le fera. Tout comme s’il fallait déboucher les chiottes. Il s’en fout » . Aller au charbon coûte que coûte, c’est justement ce qui va finir par payer.

L’année du titre de City en 2012, le premier depuis 1968, sera celle de l’explosion. Et de la reconnaissance du peuple skyblue. Alors qu’il était loin d’être celui qu’on attendait. « Tout club anglais aime bien s’identifier, se retrouver dans les joueurs. Soit c’est un jeune joueur qui progresse dans les académies puis arrive en équipe première. Soit c’est un joueur qui porte fièrement le club dans son cœur comme Zabaleta » , explique Slater. Une place dans le cœur des supporters pourtant promise à Micah Richards, enfant du club. Annoncé comme un crack, l’Anglais a été freiné par une longue blessure la saison dernière et a trop souvent déçu. Même quand Mancini a recruté Maicon à l’été 2012, Zabaleta a écrasé toute concurrence et a renvoyé le Brésilien en Italie. Son poste de latéral droit, le Citizen est allé le chercher avec les tripes, n’hésitant pas à donner de sa personne. À plusieurs reprises, il a terminé des rencontres avec des sparadraps sur la tête à cause d’un nez cassé, d’entailles ou de saignements à la tête. Petit (1m73) mais costaud, le défenseur ne faiblit jamais face à l’adversité. « J’ai eu le nez cassé à deux reprises et, la dernière fois, j’ai eu des difficultés à respirer d’un côté donc j’ai dû aller voir un spécialiste et il m’a dit que j’ai peut-être besoin de me faire opérer afin de réparer tout ça. J’ai répondu que pour des raisons évidentes, j’allais attendre de finir ma carrière en tant que joueur. Mon record, c’est 21 points de suture en une saison et ma femme s’inquiète toujours pour moi quand je vais sur un duel. Mais je suis un homme marié maintenant donc je n’ai plus à m’inquiéter de mon look ! » , a confié récemment sur le site officiel celui qui compte plus de 200 apparitions sous le maillot de Manchester.

Pilier du vestiaire
Présent dans l’équipe-type de Premier League 2012/2013 et élu joueur Etihad de l’année (plébiscité à 70 % par les fans !), le joueur de 28 piges s’érige actuellement comme le meilleur latéral droit du Royaume. Peut-être pas le plus tranchant offensivement ni le plus compact défensivement, mais le plus complet. Demandez donc à ses adversaires, qui ont dû se le coltiner au marquage individuel. Mais l’enfant de Buenos Aires n’est pas qu’un excellent joueur, c’est aussi surtout un pilier incontournable du vestiaire de City. Celui qui sert de relai entre le club et les supporters. Un lien pas franchement évident depuis que l’effectif a été bâti à coups de pétrodollars. « Il a de réelles valeurs professionnelles, il est toujours là pour encourager ses coéquipiers. Il fait beaucoup d’actions avec les supporters, il se rend très souvent aux réunions de supporters, explique le consultant de la chaîne cryptée. C’est le représentant du club et des supporters, on sent qu’il aime vraiment City. C’est notre lien avec le club et les supporters » . Les entremetteurs, il les a également joués lors de l’altercation entre Mancini et son compatriote Tévez, en décembre. Refusant d’entrer en jeu un soir de Ligue des champions, l’Apache avait plongé City dans la tourmente. Il faudra l’intervention de Zabaleta afin d’aplanir les différends entre les deux hommes pour le résultat bénéfique que l’on connaît : Tévez signe un retour tonitruant et City arrache le titre de champion d’Angleterre.

Alors quand fuite mi-novembre qu’il est déchu de son statut de vice-capitaine par Pellegrini au profit de Touré, la polémique ne traîne pas. « Pablo est un professionnel exemplaire. Il est si influent sur le terrain et dans le vestiaire. Yaya est un joueur de classe mondiale, mais il serait sans doute le premier à reconnaître que sa voix n’a pas le même écho que celle de Pablo » , a révélé une source proche du club à Starsport. La couronne nationale historique des Skyblues, il l’a aussi marquée de son estampille. Si Agüero avait offert le but victorieux au terme d’un final ahurissant (3-2 contre QPR, en mai 2012), son compère, lui, avait ouvert la marque. Et cela, les supporters ne l’oublient pas. À chaque rencontre à l’Etihad Stadium, une bannière « Cœur de lion » en hommage à sa pugnacité reste en permanence accrochée aux côtés de celles de Kompany et du Sheikh. C’est dans cette même enceinte que City, déjà qualifié pour les 8e de finale de C1, affronte ce soir la modeste équipe de Viktoria Plzen pour espérer s’emparer de la première place devant le Bayern Munich. Loin d’une formalité, chaque joute européenne est prise très au sérieux après deux éliminations prématurées en deux ans. « De ce qui s’est passé ces deux dernière saisons en Champions League, je pense que nous avons appris et j’espère qu’on fera mieux, lâchait l’international argentin en septembre dernier. C’est une nouvelle chance pour ce club et cette équipe de faire mieux dans cette compétition » . Même si la Coupe aux grandes oreilles prête plus à l’onirisme qu’autre chose actuellement, City peut toutefois compter sur Zabaleta pour enfiler son costume habituel. Peut-être pas celui de héros, mais de soldat à l’abri des projecteurs.

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