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Yvon Mvogo : « C’est plus facile de parler quand tout va bien »

Propos recueillis par Andrea Chazy

Si le bateau FC Lorient tangue pas mal depuis le début de la saison, il peut compter sur Yvon Mvogo pour redresser la barre. Le portier international suisse de 29 ans a pris le temps pendant la trêve pour poser un diagnostic sur les failles des Merlus, mais aussi pour raconter ses hauts, ses bas, avant le derby face à Rennes ce dimanche (13h).

Yvon Mvogo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>C’est plus facile de parler quand tout va bien<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Comment expliques-tu les difficultés de Lorient en ce début de saison ? Défensivement, c’est plus dur que d’habitude. On avait plutôt bien commencé face à Paris, Nice et Lille (deux nuls et une victoire face aux Dogues, NDLR), des affiches où l’on était annoncés perdants. Puis, il y a eu Le Havre… Depuis ce match-là, on encaisse beaucoup trop de buts. Tu ne peux pas toujours remonter trois, quatre buts. Même contre Lyon (3-3), où l’on a quand même eu le mérite de mettre fin à cette spirale négative, on aurait tous pu mieux défendre ou être plus décisifs. Moi le premier.

Lorient est la plus mauvaise défense depuis le coup d’envoi du championnat avec 18 buts encaissés après huit journées. D’où vient la faille ? C’est difficile à dire… Je dirais que ça commence par le mental, notre état d’esprit. Il y a des matchs où l’on a pris un but, puis deux et on a totalement lâché derrière. Si on baisse les bras, aucune chance de revenir dans le match. Ce n’est pas ça, un match de foot : il y a toujours moyen de revenir. On n’est pas là à vouloir faire des cadeaux et encaisser 4-5 buts chaque week-end. Après Nantes, on a eu des discussions avec le coach, entre nous, où l’on s’est parlés, redit qu’il ne fallait rien lâcher. Défendre, on sait très bien le faire, donc il faut que l’on retrouve cette confiance défensive.

C’est difficile d’aller s’entraîner tous les jours en sachant pertinemment que peu importe ce que tu vas faire, tu ne vas pas jouer le week-end.

Yvon Mvogo

Quelles sont les consignes de Régis Le Bris te concernant ? Il me demande d’être un leader sur et en dehors du terrain. Je suis d’ailleurs le premier à en avoir conscience, et même si je l’ai été par le passé, je me dois d’être encore plus décisif pour l’équipe afin d’éviter que l’on sombre comme lors de certains matchs précédents.

Comment gère-t-on justement cette forme de solitude du gardien quand rien ne va ? Je suis quelqu’un qui échange beaucoup avec ma mère, ma sœur, mes amis, mes agents… Je suis aussi très religieux, je crois beaucoup en Dieu. Que tout aille bien ou mal dans ma vie, je sais que je peux toujours me confier à lui. Il joue un très gros rôle dans ma force mentale, car j’ai connu des situations dans ma vie de footballeur passée qui n’étaient pas très faciles et j’ai pu garder le cap.

Quels étaient ces moments compliqués ?

Je pense à mon passage à Leipzig qui ne s’est pas passé comme prévu. Je m’attendais à être numéro un à terme, mais ça ne s’est pas fait pour X raisons, notamment parce que le gardien (Péter Gulácsi, NDLR) que je devais remplacer performait… Pareil au PSV, où le coach (Roger Schmidt, NDLR) me l’a un peu fait à l’envers la deuxième année quand il m’a mis de côté sans rien me dire. C’est difficile d’aller s’entraîner tous les jours en sachant pertinemment que peu importe ce que tu vas faire, tu ne vas pas jouer le week-end. Ce sont ces choses-là qui m’ont forgé comme joueur, mais aussi comme homme, qui font de moi quelqu’un de terre à terre. Il faut toujours croire en soi quand la maison brûle, mais ce n’est pas toujours facile de se livrer sur ce genre de sujets. C’est plus facile de parler quand tout va bien.

Un autre moment difficile, c’est ta blessure la saison dernière juste avant le Mondial alors que tu étais performant avec le FC Lorient. Comment dépasse-t-on le fait de louper une Coupe du monde ? Les deux semaines qui ont suivi ma blessure ont été extrêmement compliquées, car dans la foulée, il y avait le rassemblement puis le départ pour Doha. Je savais que je devais y participer, car l’entraîneur des gardiens m’avait annoncé la nouvelle quelques jours avant… En plus, il y avait ce match contre le Cameroun en phase de groupes que Breel (Embolo) et moi, on attendait beaucoup. (Il est né à Yaoundé, NDLR.) J’ai pris un coup derrière la tête, car tout marchait pour moi à ce moment-là. Je me demandais si c’était ma faute, cette blessure, ce que j’aurais pu faire pour l’éviter. C’est mon entourage qui m’a permis de revenir plus fort, sans eux ça aurait été très difficile.

Qu’est-ce que tu as fait pendant ces six mois de blessure, au-delà de travailler à revenir le plus vite possible ? Beaucoup de spécialistes disaient que ma saison était terminée. Moi, je leur disais que non et que je voulais aider l’équipe à atteindre son objectif de la première partie de tableau. Cependant, j’ai pris le temps de faire des choses que je ne peux pas faire habituellement : suivre l’actualité, regarder des documentaires historiques, être au courant de ce qu’il se passe en dehors du foot. C’est important dans ces moments-là de ne pas se couper du monde, des autres, car c’est une période où forcément l’idée que tu pourrais ne plus rejouer de la saison germe dans ta tête. Tu te recroquevilles, tu ne veux plus rien savoir. C’est l’erreur à ne pas faire. Il faut tout faire pour rester ouvert, disponible, continuer à parler à tes proches. Il faut continuer à vivre et te dire : « Bordel, je vis et j’ai envie de revenir encore plus fort. »

Il n’y a pas qu’un Alexis Beka Beka, et pour que ça ne se reproduise pas, il faut être à l’écoute.

Yvon Mvogo

On a vu récemment avec Alexis Beka Beka, à Nice, que la santé mentale chez les footballeurs est un sujet plus que d’actualité. Quelles sont les dispositions que tu as pu prendre dans les moments difficiles ? Déjà, pour Beka Beka, j’espère qu’il va mieux et qu’il est bien entouré. Je suis vraiment soulagé qu’il ne soit pas passé à l’acte. La santé mentale d’un joueur professionnel, c’est un sujet que l’on peut rapidement oublier, car les gens se disent : « Ils sont footballeurs, ils ont une superbe vie, ils gagnent beaucoup d’argent, ils ont finalement ce qu’ils ont toujours voulu avoir… » On reste des êtres humains, avec nos hauts, nos bas, et on broie tous du noir. À mon niveau, ce que j’ai vécu, c’était très, très difficile. Si je n’avais pas pris le temps de parler, de me dévoiler, de dire ce que je ressentais à mes proches, cela aurait donné un flot d’émotions que j’aurais gardé pour moi et qui aurait pu me pousser à faire des choses que je n’aurais jamais soupçonnées avant. Il n’y a pas qu’un Alexis Beka Beka, et pour que ça ne se reproduise pas, il faut être à l’écoute. Des fois, j’ai des problèmes à la maison et pourtant je vais au boulot avec le sourire. Mais ça ne veut pas dire que tout va bien derrière. Quand quelqu’un commence à se livrer ou à parler de ses faiblesses, il ne faut pas prendre ça pour de la rigolade. C’est une force de réussir à s’ouvrir.

Tu évoques souvent ta maman parmi les personnes à qui tu t’ouvres facilement. Comment décrirais-tu ta relation avec elle ? Particulièrement forte. C’est grâce à elle que je suis en vie, elle m’a tout donné. Elle n’a jamais rien lâché, elle a toujours su subvenir à mes besoins. Avec ma sœur, elles comptent énormément pour moi. Ma mère, c’est ma première femme, c’est l’amour de ma vie, je lui dois celui que je suis aujourd’hui… (Il est ému.) Elle a toujours été là pour moi.

C’est avec ta maman et ta sœur qu’à l’âge de 6 ans, tu as déménagé pour la Suisse en provenance de Yaoundé au Cameroun. Tu te souviens du premier jour où tu as mis le pied dans le canton de Fribourg ? 

Il faut savoir qu’à Yaoundé, je suis issu d’une famille qui ne manquait de rien. On a toujours très bien vécu au Cameroun, d’autant plus à Yaoundé qui est une superbe capitale, une superbe ville. Quand j’arrive en Suisse, c’est le changement de décor : ce ne sont pas les mêmes expressions sur les visages, les mêmes expressions corporelles. Au Cameroun, les gens apparaissent toujours joyeux quelle que soit leur situation. Là, limite tu te demandes l’heure, tu as l’impression d’avoir fait quelque chose de mal. (Rires.) C’était un peu bizarre au début, mais avec le temps, je me suis complètement acclimaté. Ma mère travaillait comme caissière dans un supermarché, mon beau-père suisse avait un bon travail et ma grande sœur et moi, on allait à l’école. C’était une famille ordinaire, chacun vaquait à ses occupations et on se retrouvait le soir pour manger tous ensemble.

Il paraît que tu es fan de mangas. Ça vient de ton enfance ? 

J’aimais beaucoup les cartoons quand j’étais petit, je regardais Johnny Bravo, Dexter, des trucs comme ça. Et puis je suis tombé amoureux des mangas en grandissant. Plus largement de la culture japonaise. Il faut absolument que j’aille au Japon un jour pour voir Tokyo, Kyoto, Osaka. Aujourd’hui, j’aime L’Attaque des Titans, Death Note, One Piece, Naruto… Je pourrais citer tellement de bangers. J’adore cette culture japonaise et la culture mangaka.

Te concernant, qu’est-ce que cette double culture helvético-camerounaise nourrit l’homme et le gardien que tu es ? J’ai mon côté camerounais qui est fougueux, dans la joie de vivre, l’énergie positive, de ne jamais vouloir abandonner. Et j’ai ce côté suisse ponctuel, droit dans mes baskets, fiable. J’ai un très bon mix des deux, et j’en profite aussi dans mon rôle de gardien. Cette fougue et cette joie de vivre, je l’ai aux entraînements tout comme la rigueur, la minutie. Je sais où je veux aller et je sais exactement ce que je dois faire pour y arriver.

Ma mère crie à chaque occasion ratée, quand il y a danger… Je n’ose pas imaginer ce qu’elle fait lorsque je joue avec la Suisse ou Lorient !

Yvon Mvogo

Ta maman te parlait de Thomas Nkono quand tu étais petit. Qui sont les exemples et les idoles qui t’ont incité à enfiler les gants ? 

Casillas, Buffon. Nkono, j’étais vraiment très petit quand il jouait, donc je ne vais pas m’inventer une histoire en disant que je l’ai connu. Mais ma mère m’en a beaucoup parlé, me disait qu’on le surnommait « l’Araignée noire » et que c’était le meilleur gardien camerounais. Ma mère est fan de foot depuis petite, et quand il y a des matchs de l’équipe nationale du Cameroun, j’essaye de les voir avec elle. C’est la folie : elle crie à chaque occasion ratée, quand il y a danger… Je n’ose pas imaginer ce qu’elle fait lorsque je joue avec la Suisse ou Lorient ! Elle ne me fait pas de debriefing poussé, mais elle me donne toujours son avis sur ma performance après les matchs, même quand c’est moins bien comme actuellement. Elle reste toujours positive. Après, pour être totalement franc, là encore maintenant, je pense à ce 5-3 à Nantes ou ce 0-3 à la maison face à Montpellier qui fait peut-être encore plus mal car c’était à la maison, devant nos fantastiques supporters. Perdre de cette manière devant eux, ça fait mal.

Après la trêve, il y a un derby contre Rennes. C’est ce genre de match qui peut permettre de réenclencher une dynamique positive ? Oui, car c’est à la maison, c’est un derby contre Rennes. Une très bonne équipe, mais ça va nous donner encore plus de motivation. Après Lyon, on se disait entre nous que cela pouvait être un nouveau départ, un nouvel élan d’être revenu comme ça de 3-1 à 3-3. On espère continuer maintenant avec la réception avec Rennes.

Pour terminer, quel est le moment le plus fou que tu as vécu dans ta carrière ?

Je pensais à la Coupe des Pays-Bas, mon premier titre en tant que titulaire chez les pros, avec le PSV contre l’Ajax lors de ma deuxième saison aux Pays-Bas. Mais il y en a aussi un deuxième, il ne faut pas me détester, chers amis français… mais c’est quand on a battu les Bleus à l’Euro ! (Rires.) Tout le monde nous voyait nous faire laminer. Les médias nous descendaient tous, nous voyaient perdre le match 3 ou 4-0. Au niveau du scénario, c’est la folie même pour les Français. C’était David contre Goliath, et David a gagné ce jour-là.

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Propos recueillis par Andrea Chazy

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