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Yvan Neyou (Saint-Étienne), itinéraire contrarié d’un Camerounais
Arrivé dans un relatif anonymat à Saint-Étienne cet été après deux saisons compliquées à Braga, Yvan Neyou n’a pas tardé à marquer les esprits dès son entrée en jeu en finale de Coupe de France face au PSG en juillet. Passé auparavant par Sedan puis Laval, le milieu de terrain camerounais semble bien parti pour s’installer dans la durée au sein d’une équipe qui mise largement sur la jeunesse après plusieurs années de galères.
« On ne pouvait pas s’attendre, directement, à une telle production de sa part. Au niveau du talent qu’il a, ça ne m’a pas étonné. Mais qu’il affiche immédiatement ses qualités, ça m’a étonné. Quand un jeune joueur débute, on ne sait jamais s’il pourra retranscrire tout cela de suite sur le terrain avec l’émotivité et la pression. » Quelques jours seulement après la finale de la Coupe de France perdue face au PSG, Claude Puel ne tarit pas d’éloges sur RMC à propos d’Yvan Neyou. Il faut dire que la nouvelle recrue stéphanoise, lancée à la pause par le technicien des Verts, n’a pas manqué son entrée en matière face aux champions de France.
Depuis ce 24 juillet, tout va très vite pour le natif de Douala (Cameroun). « C’est un joueur revanchard qui était à Clairefontaine, qui faisait partie des meilleurs de sa promotion et qui s’est perdu, dit encore de lui Claude Puel. Il s’est retrouvé en réserve à Braga, où les changements d’entraîneurs ne lui ont pas permis de débuter en équipe première. Je continuais à le suivre lors de ses matchs avec l’équipe B, je le trouvais très intéressant sur un plan technique et en matière d’intelligence de jeu. » Prêté avec option d’achat par le club portugais, le milieu de terrain sait ce qu’il doit faire pour convaincre.
Génération 1997
Christopher Nkunku, Amine Harit, Allan Saint-Maximin, Marcus Thuram, Yvan Neyou. Le Camerounais fait partie de la génération 1997 passée par l’INF Clairefontaine, aux côtés de plusieurs joueurs qui se sont depuis révélés en Ligue 1. Lui aura eu besoin d’un peu plus de temps, pour se faire connaître au sein de l’élite du football tricolore. Entre-temps, il a déjà pas mal voyagé. Après l’INF, il tente sa chance au centre de formation d’Auxerre. Mais ne se voit jamais proposer de passer professionnel, la faute à un gabarit jugé trop frêle. C’est finalement à Sedan, en National, qu’il va faire ses débuts à l’aube de la saison 2016-2017 sous la houlette de Colbert Marlot. « On a perçu très vite son potentiel, il s’agit après de trouver le poste adéquat au gamin », rejoue aujourd’hui le formateur, passé notamment par Lens.
Ce dernier a rapidement décelé un certain talent en devenir chez le jeune homme. « Les qualités pour s’imposer directement en Ligue 1, pas forcément encore à l’époque. Mais il avait déjà des qualités, oui, poursuit-il. Le tout, avec une grande polyvalence. Il jouait à tous les postes du milieu : récupérateur, relayeur, sur un côté, en dix. C’était un garçon qui avait la capacité de s’adapter à plusieurs postes. » Côté style de jeu, Marlot décrit un joueur engagé. Parfois même un peu trop, en atteste sa suspension contre Nice pour accumulation de cartons jaunes. « C’est quelqu’un qui n’a pas peur du contact, et des fois, on a envie de lui dire : « Calme-toi, tu prends trop de cartons. »Il a un impact potentiellement limite, il faut qu’il arrive à le maîtriser. » Pas de quoi freiner la progression d’un garçon « à l’écoute », qui ne disputera au total que dix-sept matchs dans les Ardennes avant de rejoindre la Ligue 2 et Laval au mois de janvier 2017.
« Je ne comprends pas qu’il n’ait jamais joué à Braga. »
Le début d’un parcours sinueux, pour celui qui a alors tout juste vingt ans. Peu utilisé au cours de ses six premiers mois en Mayenne pour cause de blessures, il voit le club être relégué en National à l’issue de la saison et manque donc l’opportunité de faire ses preuves en deuxième division. « Les parcours des joueurs ne sont pas forcément linéaires, il faut du caractère et je pense qu’il en a », appuie, encore, Colbert Marlot. À Laval, Yvan Neyou va toutefois progressivement s’imposer dans l’entrejeu. Lui aussi joueur des Tangos à l’époque, Alban Rousselet se souvient d’un jeune prometteur qui aimait beaucoup rigoler : « C’est un très bon ambianceur dans le vestiaire, le gars qui est toujours de bonne humeur. » Même constat ensuite à Braga, qu’il rejoint à l’été 2018 et où il évolue notamment aux côtés de Denisson Silva au sein de l’équipe réserve. « C’est facile de parler d’Yvan Neyou, c’est un super gars qui discute avec tout le monde », s’exclame le milieu offensif brésilien.
Une aventure lusitanienne de deux ans – prêté à Saint-Étienne, il est encore sous contrat avec Braga –, qui ne va malheureusement pas se passer comme prévu. Intégré à l’équipe réserve (qui évolue en deuxième division portugaise) lors de la saison 2018-2019, Neyou prend peu à peu ses marques. Mais une valse des entraîneurs à la tête du club, lors de l’année suivante, va le priver de la moindre opportunité de jouer avec l’équipe première. « En trois ans avec la réserve de Braga, je n’ai jamais vu un milieu de terrain aussi fort, assure pourtant Denisson Silva. Je ne comprends pas qu’il n’ait pas joué avec l’équipe première, il s’entraînait souvent avec eux, mais il n’a jamais joué un seul match. » L’ancien Lavallois ne dispute donc aucune partie de Liga NOS, et rejoint finalement le Forez au début de l’été sans attirer l’attention. Jusqu’à cette fameuse finale de Coupe de France.
Le chaudron magique
Tout semble alors enfin s’enchaîner pour le Camerounais, qui espère désormais pouvoir faire ses preuves dans la durée. Depuis la reprise du championnat, il a disputé 424 minutes sur 540 possibles avec cinq titularisations en six journées (avant, donc, de manquer la rencontre face aux Aiglons ce week-end). Avec en prime une passe décisive pour Adil Aouchiche contre Nantes, après s’être infiltré dans la surface des Canaris. « À Saint-Étienne, il est dans un bon environnement. Il a Claude Puel qui l’accompagne, et le club mise sur les jeunes, s’enthousiasme Colbert Marlot. Lors de son entrée en finale, il m’a fait plaisir. Avoir de la qualité, c’est bien. Reste qu’il faut être capable de la montrer sur le terrain, il faut qu’il trouve de la régularité et qu’il s’impose à Saint-Étienne. »
Un statut encore loin d’être acquis il y a quelques années, quand le jeune homme écumait les pelouses de National avec Laval. « Le voir s’imposer comme ça à Saint-Étienne est en partie une surprise, je lui souhaite de pouvoir s’installer en Ligue 1 sur le long terme », espère Alban Rousselet. Un bel avenir que certains avaient déjà entrevu, lors de son passage plus que mitigé au Portugal. « Après un match, on était sous la douche et je lui ai dit : « Un jour, je ne sais pas quand, tu joueras dans un grand club. » Et on a rigolé, tous les deux », raconte Denisson Silva. Il n’aura simplement pas pris le chemin le plus court pour y parvenir.
Par Tom Binet
Tous propos recueillis par TB, sauf mention