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Youssef Maziz : « Les n°10 d’aujourd’hui ne sont plus vraiment des n°10 »
À 24 ans, Youssef Maziz a enfin trouvé sa place dans son club formateur, le FC Metz. Dans le sillage d'un Georges Mikautadze en feu, le milieu franco-marocain est persuadé que les Grenats, troisièmes, ont encore les cartes en main pour retrouver la Ligue 1 la saison prochaine. Mais qu'est-ce que le Mazizien a sous son grand chapeau ?
Dans ce coude-à-coude avec les Girondins, le dernier match nul contre le Paris FC (1-1) met-il en péril vos ambitions de montée en Ligue 1 ?
L’objectif reste le même, puisqu’on est toujours à une longueur de Bordeaux (3 points d’écart, NDLR). En revanche, on n’a plus le droit à l’erreur. Il faut pousser pour prendre le maximum de points et attendre une erreur de leur part pour prendre cette deuxième place. On a envie de prolonger au maximum la série de 20 matchs d’invincibilité en restant invaincus jusqu’à la fin de la saison. Mieux : on doit arrêter les matchs nuls et prendre les trois points à chaque fois pour espérer monter à la fin.
Pourquoi Metz réussit ses gros rendez-vous, comme ceux contre Bordeaux (3-0) et à Saint-Étienne (1-3), mais coince face à des équipes plus à sa portée ?
Les faux pas qu’on fait, c’est plus souvent à domicile. Même si c’est toujours un plus d’avoir des supporters qui nous poussent, on a souvent affaire à des équipes qui nous craignent et qui positionnent leur bloc un peu plus bas. Elles reculent, réduisent au maximum les espaces dans leur dos, comme le Paris FC qui a fini le match devant sa surface. C’est compliqué de trouver la faille, il faut être patient. Les formations du haut de tableau, elles, proposent plus de jeu et laissent donc plus d’espace. C’est plus facile, finalement.
C’est ta première saison « pleine » avec ton club formateur, avec 24 matchs disputés dont 18 titularisations, pour 5 buts et 4 passes décisives. Tu t’en satisfais ?
On peut toujours mieux faire, j’aurais aimé être plus régulier sur certains matchs, être plus décisif, que ça soit par des passes ou des buts, mais vivre ce genre d’année ici à Metz, c’est ce que j’ai voulu depuis tout petit. Je me sens bien dans ce groupe, donc je dois continuer sur cette lancée.
Pour toi le numéro 10 qui aime toucher le ballon, est-ce que la Ligue 2 est un championnat qui te permet de t’exprimer comme tu le voudrais ?
Un peu moins que ce que j’ai pu voir en Belgique. (Il était prêté l’an dernier au RFC Seraing en Jupiler Pro League, NDLR.) Là-bas, je pouvais tenter beaucoup de gestes techniques, je m’amusais sur le terrain. Je prends quand même du plaisir ici, mais ce n’est pas le même jeu. Il n’y a pas toujours le temps pour garder le ballon et dribbler, les défenseurs adverses mettent peu de temps avant de monter sur le porteur de balle.
Est-ce que le n°10 a encore sa place dans le foot moderne ?
Je ne suis pas sûr. Quand je regarde les grandes équipes jouer, tout est dans le mouvement. Il y a du rythme dans toutes les passes et les courses faites. C’est impressionnant. Les n°10 d’aujourd’hui ne sont plus vraiment des n°10, on joue plus souvent avec un 6 et deux 8 au milieu de terrain. Même si j’ai les qualités d’un meneur, je préfère aujourd’hui jouer relayeur dans un milieu à trois, descendre pour toucher le ballon, prendre le jeu à mon compte. Le foot d’aujourd’hui, c’est un trio au milieu qui bouge, qui dézone, qui échange ses positions sans arrêt.
C’est dans les grandes lignes ce que proposent le Real Madrid de Carlo Ancelotti ou le Naples de Luciano Spalletti, où les joueurs n’ont pas systématiquement des postes fixes…
Voilà, c’est du mouvement et c’est très compliqué à défendre. Tu ne sais pas qui tu vas trouver dans ta zone : quand il y en a un qui part, il y en a deux autres qui arrivent. C’est ce que j’aime comme jeu. C’est ce qu’on essaye de faire à Metz. Le coach demande aux milieux d’apporter le surnombre, d’être dans la surface adverse pour apporter de la surprise, et on croise certaines équipes qui ont aussi un peu cette idée. Je pense d’ailleurs qu’en Ligue 2, plus que la technique, c’est sur la tactique qu’il faut être rodé. C’est ce qui permet de faire la différence et de jouer le haut de tableau.
Tu n’as pas toujours été milieu offensif : tu as démarré le foot en tant que libéro. Comment t’es-tu retrouvé là ?
Je n’ai aucun souvenir précis là-dessus. J’étais en poussin ou en benjamin, mais j’aimais bien être derrière avec le jeu devant moi. Petit à petit, je suis monté sur le terrain : j’ai commencé n°5 à Thionville, j’ai même intégré la formation messine à ce poste, puis je suis passé progressivement milieu défensif, relayeur, pour me fixer comme meneur lorsque j’étais au club d’Amnéville à 13 ou 14 ans. Le coach me voulait plus proche du but adverse. Peut-être que je finirai attaquant de pointe, on verra bien. (Rires.)
Tu es né à Thionville, à quelque 30 kilomètres de Metz. Dans quel environnement as-tu grandi ?
Mes parents étaient installés à Yutz, juste à côté, puis on a déménagé à Florange. Quand on vient de là-bas, on est dans un milieu ouvrier. Moi, mon père était cariste à l’usine et ma mère femme de ménage. C’est un coin auquel je suis attaché, j’y retourne souvent pour voir la famille. Arrivé au collège, j’ai dû aller à l’école à Metz, donc à force de bouger, je n’ai pas eu vraiment le temps de me faire beaucoup de potes. J’en ai deux très proches, un petit comité restreint. Après, quand tu joues dans un club, tu es amené à faire tellement de rencontres… Ce sont ces copains-là avec qui tu gardes contact.
Ton parcours de footballeur t’a amené à voyager d’Avranches (2018-2019) à Seraing (2021-2022) en passant par Le Mans (2019-2020), chaque fois à travers des prêts… Ces expériences t’ont toutes servi ?
Oui, à chaque fois. Je suis toujours parti avec des objectifs et des buts à atteindre pour progresser et prendre de l’expérience. Après, ça ne se goupille pas toujours comme on le souhaite. Il y a des clubs où j’aurais pu partir en prêt, mais on ne m’a pas laissé y aller ; une autre année (2020-2021), on m’a empêché de partir à la trêve, alors que je n’avais eu que quelques minutes de jeu ; la saison dernière, j’aurais bien aimé pouvoir faire mes preuves en Ligue 1. Je n’en veux à personne, je ne regrette rien, mais j’aurais pu apporter quelque chose. J’ai 24 ans et encore de belles années devant moi.
Ce n’est pas facile de trouver un bon équilibre dans un collectif qui a été relégué. Comment avez-vous trouvé le vôtre ?
Tout le monde s’y est mis, à vrai dire. On a vraiment un super groupe cette année, avec une bonne ambiance. On a un effectif assez réduit, donc tu sais que tu pourras montrer tes qualités, sans avoir besoin qu’il y ait trois ou quatre blessés pour avoir ta chance. Tout le monde rigole ensemble, sans qu’il y ait de clans, personne n’est à l’écart. Ça m’a vraiment surpris et c’est top que ça se passe comme ça. Ça facilite beaucoup de choses et ça se transmet sur le terrain. Quand tu as un bon esprit et une cohésion de groupe, tu as envie de faire les efforts pour le coéquipier. S’il fait une erreur, tu as envie de la rattraper. C’est vraiment le match de Coupe de France contre Raon-l’Étape qui a servi de déclic (le 11 novembre dernier, victoire 2-1, NDLR). On y a mis beaucoup de solidarité pour passer ce tour, et depuis ce n’est pas anodin ce qu’il se passe. Cette série d’invincibilité ne vient pas de nulle part.
Le discours de László Bölöni a finalement trouvé écho ? Il y avait pas mal de doutes l’été dernier à ce propos, à cause de ses 70 ans.
C’est un coach exigeant mais juste. Il a fallu s’adapter au début, parce qu’il y avait toute une équipe dirigeante et un nouveau staff qui arrivaient. Mais une fois qu’on s’est mis en route, la sauce a pris. Je pense que ça se voit sur le terrain.
En tant que franco-marocain, comment as-tu vécu la dernière Coupe du monde ?
C’était un régal d’avoir mes deux pays en demi-finales. La France comptait parmi les favoris, donc c’était attendu de les voir à ce stade-là, alors que pour le Maroc, c’était historique. Ils ont rendu heureux tellement de personnes. Dans tous les cas, j’aurais été content de l’issue du match, même si je suis déçu que les Bleus n’aient pas pu soulever la coupe. Moi, j’ai vécu ça en Espagne, où on était en stage, avec Amine Bassi et tous les coéquipiers.
Une sélection avec les Lions de l’Atlas, c’est le prochain grand objectif personnel ?
J’ai ça dans un coin de ma tête, oui. On va tout faire pour y arriver, parce que c’est un rêve et ce serait une immense fierté.
Propos recueillis par Mathieu Rollinger