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Youri Djorkaeff : « Monaco progresse aussi grâce à Mbappé »
Élevé à Décines, où se trouve le Parc OL, passé par Monaco et Paris, Youri Djorkaeff (49 ans) est l'homme de cette finale de Coupe de la Ligue. En escale à Paris pendant deux jours avant de rejoindre la région lyonnaise, le Snake reçoit au siège de la LFP pour revenir sur sa carrière, balayer l'actualité du PSG et de l'ASM, mais surtout encenser Kylian Mbappé.
Monaco et Paris sont deux clubs dans lesquels vous avez évolué. Quel regard portez-vous sur leur évolution ? Ils sont devenus encore plus européens ! C’est vrai que ce sont deux clubs avec des actionnaires étrangers qui sont arrivés à peu près au même moment, avec des gros moyens, et qui ont donc donné à la Ligue 1 un nouveau statut. Paris s’est démarqué un peu plus rapidement que Monaco. Même s’il ne faut pas oublier que dès son rachat, Monaco a eu un gros attrait pour les joueurs étrangers, avec notamment James Rodríguez et Falcao. Je trouve que ces deux clubs ont été des détonateurs pour le niveau de la Ligue 1 actuel.
Que pensez-vous de l’arrivée de ces investisseurs étrangers ? On a besoin d’investisseurs étrangers.
Si vous voulez des grands joueurs, ça coûte cher, si vous voulez des résultats c’est à long terme, il faut construire les choses, donc il faut des gens puissants pour pouvoir assumer. C’est sûr que des présidents comme Jean-Michel Aulas ou Louis Nicollin, qui sont encore des institutions, il y en aura de moins en moins. Un homme comme Aulas a été un précurseur dans pas mal de choses du football moderne, aujourd’hui on le voit encore avec son nouveau stade qui lui appartient. Les deux peuvent marcher, les deux doivent marcher.
En matière de jeu, qui de Monaco ou de Paris vous séduit le plus ? J’aime bien le jeu de l’AS Monaco basé sur les côtés, avec Mbappé qui donne des solutions en profondeur. Ça joue peut-être plus direct à Monaco qu’au Paris Saint-Germain. On sent qu’au PSG, il y a un système de jeu qui fait qu’on garde le ballon, qu’on le fait circuler. Je trouve qu’à Monaco, il y a plus de verticalité. Il y a eu au PSG des absents qui tiennent le jeu, comme Verratti et Pastore, et leur absence a pesé sur le jeu de l’équipe.
Puisqu’on parle de Kylian Mbappé, vous n’avez pas peur qu’on en fasse un peu trop avec lui à force de vanter ses mérites, et qu’on finisse par le griller ?Je pense qu’aujourd’hui, on vante quelque chose que les gens ont vu. On ne dit pas : « Ouais Mbappé ça va être super dans un an… » Ce qu’il fait est super, donc on commente. Personnellement, je ne pense pas que je surestime Mbappé. Ce que je vois, je l’analyse, ça me plaît beaucoup et je trouve qu’il faut le dire. Son comportement fait qu’il mérite les louanges aussi. Quand on voit une telle maturité, Mbappé doit être un exemple pour tous les jeunes des centres de formation. Après, oui, c’est sûr qu’à un moment donné, il va avoir des passages à vide, c’est obligé, mais c’est pas grave. Moi, ce qui m’intéresse chez lui, c’est comment il est arrivé en équipe de France, comment il se comporte pendant les interviews, comment il est sur le terrain, et comment il fait progresser son équipe, parce que l’AS Monaco progresse aussi grâce à lui.
Cette saison, le PSG a enfin trouvé un adversaire à sa taille. Pensez-vous que l’ASM puisse continuer sur sa lancée encore plusieurs saisons, et qu’elle puisse résister au pillage de ses jeunes talents ?Ça, c’est une très, très bonne question, parce que c’est aussi ma réflexion et mon interrogation à l’approche de cette finale. Est-ce que Monaco va tenir le cap ? Est-ce que Monaco peut tenir le cap financièrement ? Est-ce que c’est aussi la volonté des dirigeants de dire l’année prochaine : « On a l’effectif, on veut le garder. On veut jouer le titre, on veut être champion. » ? Cette saison, leur ambition sportive est arrivée après les résultats. À partir de novembre, décembre, ils ont senti qu’il y avait un coup à jouer, ils l’ont joué à fond, tant mieux. Mais ce qui va être intéressant justement, c’est de voir si l’AS Monaco va profiter de cet appétit naissant. Elle peut en profiter, elle devrait en profiter.
Pour en revenir à votre carrière, vous n’avez passé qu’une seule saison au PSG (1995-1996) et vous avez pourtant fortement marqué les esprits là-bas. Comment vous l’expliquez ?Parce que j’étais très performant sur le terrain, je marquais des buts importants, j’ai gagné la Coupe des coupes avec le PSG ! Mais c’est surtout que j’ai tout donné sur le terrain, j’avais un attachement total pour ce stade, pour ce club. Quand j’évoluais ici, j’étais un supporter, un Parisien, un joueur, j’étais tout.
Si vous aviez un attachement total, pourquoi ne pas être resté une saison de plus, comme le prévoyait votre contrat ?Moi, je voulais rester à vie. J’avais dit à l’époque à Michel Denisot : « Il faut me faire un contrat longue durée et même après une reconversion n’importe où dans le club. » En fin de compte, Canal+ ne savait pas s’il allait rester ou pas. Les dirigeants parisiens ont tardé à me faire une proposition et entre-temps, j’ai toute l’Europe qui est arrivée. Quand ils se sont finalement décidés, il était trop tard, mais mon premier souhait était de rester.
Après Paris, vous partez en Italie, en Allemagne et en Angleterre, il ne vous manquait que l’Espagne pour réaliser le grand chelem des cinq grands championnats européens. Pourquoi n’avoir jamais tenté l’aventure espagnole ? Après Paris, le Barça était intéressé, mais ça ne s’est pas fait, à la place j’ai signé à l’Inter. Et après mes années italiennes, je devais aller au Real Madrid, mais sincèrement, j’étais dans un championnat qui m’avait pris beaucoup, beaucoup d’énergie et il me fallait un peu de vert, donc je suis parti en Allemagne, dans la Forêt-Noire.
Ça fait dix ans et demi que vous avez raccroché les crampons. Avez-vous des regrets aujourd’hui ?
C’est marrant parce que j’ai fait toute ma carrière pour ne pas avoir de regrets. Quand j’ai arrêté ma carrière, j’étais fier de moi, je me disais : « Je n’ai pas de regrets » , et puis en fin de compte, bien sûr qu’on en a. Ceux qui disent qu’ils n’en ont pas disent n’importe quoi. Mon plus grand regret est de ne pas avoir gagné de championnat avec Paris ou avec Monaco.
Après l’Europe, vous décidez de terminer votre carrière aux États-Unis. Vous êtes alors le premier Français à rejoindre la MLS. Depuis, beaucoup ont suivi. Vous considérez-vous comme un créateur de tendance ? (Rires)Je ne sais pas. Sincèrement, j’ai suivi mon instinct. Mais c’est pour ça que j’ai encore aujourd’hui de très bons rapports avec la Ligue américaine, parce que j’ai justement été un petit peu précurseur. Je suis toujours mon instinct, je vais là où je sens que je peux apporter quelque chose, il me faut des challenges. C’était déjà une volonté, mais c’était aussi un challenge personnel et c’était extraordinaire. La preuve, ça fait quinze ans que je vis aux États-Unis.
D’où vous est venue l’envie de jouer et de vivre à New York ?Mon rêve a toujours été de faire une pige à New York, mais en tant que touriste, pas pour jouer. À la fin de mon contrat en Angleterre, on est partis avec ma femme et mes trois enfants. Je me suis dit : « Voilà, moi j’arrête ma carrière, pendant un an on la fait cool, ça fait vingt ans que je suis professionnel, j’ai besoin de faire un break. » Et quand je suis arrivé à New York, Bob Bradley (alors entraîneur du MetroStars New York, ndlr), que je connaissais déjà, m’a dit : « Pourquoi tu viens pas jouer avec nous ? Viens et tu verras, tu ne regretteras pas. » Et j’ai signé là-bas. C’était une vraie joie d’être là. Il y avait Mike McGee, Josy Altidore, Michael Bradley, qui sont aujourd’hui les meilleurs joueurs américains. J’étais entouré de jeunes talentueux, pour moi qui arrivais à trente-huit ans en fin de carrière, c’était super agréable de finir dans ces conditions-là. En plus, j’ai terminé MVP.
Quel est d’après vous le frein principal à la MLS pour espérer un jour concurrencer les championnats européens ? Son gros problème, c’est la formation. Aujourd’hui, si vous laissez le choix à un jeune américain entre signer au Red Bull de New-York ou aller à la Columbia University, il choisit la deuxième option. Pour lui, le diplôme universitaire est plus important qu’une carrière professionnelle. Au basket, il y a un championnat universitaire excellent, au football américain, les étudiants jouent tous les matchs devant 100 000 spectateurs en direct à la télé. Du coup, lorsqu’ils arrivent dans un club pro, ces sportifs sont déjà formés mentalement et sportivement. Le problème du soccer, c’est qu’il n’a pas encore réussi à mettre ça en place.
Vous avez créé il y a quelques années une fondation à New York. Quel est son rôle ? Mon fils jouait dans un petit club à Manhattan et je me suis rendu compte que le football coûte très cher aux États-Unis.
Une licence coûte 1500 dollars minimum pour un gosse, ça réduit le nombre de jeunes qui jouent au football. Je me suis alors dit qu’avec ma connaissance, mon expérience et ma notoriété, je devais faire en sorte que plus de jeunes aient accès à ce sport. En association avec l’Inter Campus, un programme de l’Inter Milan, on a monté un camp qui organise deux fois par semaine des entraînements et en juillet des summer camps. On s’adresse à des enfants qui sont défavorisés, des enfants qui n’ont rien. Ils vont à l’école publique, mais l’école publique ne fait plus de sport.
Il y a deux ans, vous évoquiez la possibilité de passer le diplôme d’entraîneur ou de rejoindre le staff d’une équipe. Y a-t-il du nouveau ? Ça fait deux ans que je travaille à cette réflexion, qui n’en est d’ailleurs plus une. J’ai trouvé ce que je vais faire, et ça ne sera pas sur le terrain, mais dans l’équipe dirigeante d’un club.
Propos recueillis par Maeva Alliche