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Younès Depardieu : « Si demain Regragui a besoin d’un rein, je lui donne le mien »
Humoriste franco-marocain, Younès Depardieu prépare actuellement son one man show prévu en 2023 au Point Virgule. En attendant de faire son retour sur scène, le fan de football commente toute l'actualité des Lions de l'Atlas pendant cette Coupe du monde sur ses réseaux sociaux. Et entre deux vidéos, il nous a tout simplement confié être prêt à faire Paris-Oujda en vélo si le Maroc venait à toucher le Graal. Aucune vanne.
Le Maroc ne joue pas que pour lui. Comme l’a résumé son sélectionneur Walid Regragui : « On a écrit l’histoire pour l’Afrique ! » Toi aussi, tu as ce ressenti ? C’est trop bizarre ce qui se passe. En temps normal, tu joues pour ton pays. Pour le Maroc, les Lions de l’Atlas devraient se la donner pour les Marocains de Casablanca, de Paris, mais aussi des États-Unis, de Nouvelle-Zélande… Mais là, cette épopée n’est pas que pour le Maroc, mais aussi pour les voisins, décriés ces dernières années : les Algériens, les Congolais, les Sénégalais… toute l’Afrique. Il représente un peu le continent. Comme si une équipe sud-africaine banale avait fait la surprise en fait. Le Maroc a créé de la sympathie, personne ne les attendait à ce niveau-là, ils sont arrivés avec certains joueurs littéralement inconnus au bataillon. Qui connaissait Azzedine Ounahi, sérieux ? En fait, ce Maroc-là, c’est le Leicester de Ranieri champion d’Angleterre. Un pote m’a dit ça récemment, et je le rejoins. On est tous touchés par cette aventure.
Ce n’est pas que le Maroc qui a battu successivement l’Espagne, puis le Portugal et qui va affronter la France. C’est toute la communauté maghrébine, on est d’accord, non ?Ça va au-delà de la communauté maghrébine même. Dans tous les pays, on voit des scènes de liesse et des rassemblements pour fêter les victoires du Maroc. Dernièrement, j’ai vu sur une vidéo que des Américains se joignaient aux Marocains des Statespour célébrer le succès contre le Portugal. On voit rarement des drapeaux du Maroc à Times Square, quand même, non ? Ces derniers jours, on en a jamais vu autant. Et on retrouve ces scènes à Gaza, en Palestine, en Turquie, en Syrie, en Tunisie, au Cameroun… partout ! Jusqu’en Tchétchénie ou dans des pays improbables. Même les Esquimaux qui habitent dans des endroits reculés, ils font la fête ! Je n’ai pas envie d’exagérer – après on va dire que les Arabes exagèrent (rires) -, mais il y a même des pingouins berbères qui sortent le drapeau du Maroc, j’en suis sûr.
Au Qatar, la grande majorité des supporters marocains sont des admirateurs et fans du club Wydad et du Raja, deux rivaux de Casablanca. Comment Regragui a-t-il réussi à fédérer ces deux côtés ? Moi, je suis fan du Raja à fond. Et c’est vrai qu’en temps normal, c’est la guerre avec le Wydad. Mais je vais prendre un exemple plus simple. Je supporte grave le PSG et j’ai un pote marseillais avec lequel on se fait la misère toute l’année. Mais depuis le début du Mondial, c’est comme si on avait la même mère. Il m’a appelé après le match du Portugal complètement alcoolisé, au fin fond d’une station de ski pour me dire « je t’aime ». J’étais trop heureux. Toute ma vie il m’a insulté et là il me dit ça. C’est incroyable. Regragui et le beau parcours du Maroc ont rassemblé tout le monde. Mais bon, faut savoir un truc, si les résultats avaient été mauvais, personne n’aurait réagi comme ça. Avec nous, c’est soit noir, soit blanc. Là, si demain Regragui a besoin d’un rein, je lui donne le mien. Sérieusement. Mais si les résultats n’étaient pas là, ça fait longtemps qu’on aurait craché derrière eux. On est les pires supporters du monde quand on veut l’être. Si on prend 5-0 contre la Croatie d’entrée, ils auraient pris trop cher. Tous les supporters marocains sont entraîneurs, tout le monde a sa composition. D’habitude, on débat H24 et 7j/7. Mais là, on ne peut que la boucler et aller dans la même direction.
Comment tu vois cette équipe ? Dans les rangs de la sélection algérienne, on retrouve beaucoup de Français et des joueurs venant du bled. Au Maroc, il y a beaucoup de doubles nationalités comme des Belges ou des Italiens, ça ajoute une fierté supplémentaire ?L’immigration est totalement différente entre les deux pays. Au Maroc, il y a eu des flux en Italie, en Belgique, en Hollande, au Canada même, et j’en passe. On représente beaucoup de nations au sein même d’une seule sélection. Le Maroc, c’est la diversité. Parce qu’au sein même de cette nation, comme chez les Diables rouges avec le flamand et le français, certains ne comprennent pas l’arabe quand d’autres n’ont pas totalement assimilé le français. Donc ça va parler anglais, espagnol… En fait, le Maroc, c’est international ! Ça doit être galère, mais moi, tant que ça ne parle pas chinois sur le terrain, ça me va ! (Rires.)
À la tête de cette génération, il y a un joueur : Achraf Hakimi. C’est un peu votre Maradona ?Non, notre Maradona joue à Angers et va se battre pour le maintien en Ligue 1 cette année, c’est Boufal. Techniquement, c’est incroyable. Forcément, on a des stars comme Achraf Hakimi et Hakim Ziyech qui sont sur le devant de la scène par leur parcours, leur talent. Mais là, c’est un groupe qui fait le boulot. Difficile de sortir une seule personne. J’ai rarement vu des Marocains aussi heureux à chaque but, aussi souriants et aussi fiers quand un de leurs potes va marquer. Parlons d’Amrabat par exemple. Qui avait pensé qu’il allait balancer un tel niveau dans ce tournoi ? C’est une folie. Mais oui, je dirais que Boufal est le joueur clé pour le moment. Angers galère et va pouvoir renflouer les caisses avec lui et rembourser les constructions de leur stade. Quel joueur rembourse les travaux d’un stade ? C’est fou ?!
C’est un des plus beaux jours de ta vie, cette victoire du Maroc sur le Portugal ?J’en ai peur. J’en ai même très peur. J’ai l’impression que ces dernières semaines deviennent plus belles que le jour de naissance de mon fils. J’ai trop peur que ça dépasse le jour où je suis devenu papa. Mon fils est grave sympa, c’est un bon gars. Il est respectueux, et on s’entend bien. Mais là, c’est trop pour moi. (Rires.)
Si le Maroc gagne la Coupe du monde, tu as assuré que tu feras Paris-Oujda en vélo. C’est plus de 2000 kilomètres, donc environ 100 heures de vélo, soit quinze jours si tu fais sept heures par jour. Il va falloir entamer un programme physique, non ?Sur tout ce que j’ai de plus précieux, je le fais. Mais oui, va falloir se préparer de fou. Ça va aller à la salle de musculation au moins un mois avant. Après, on ne va pas se mentir, un petit mois, ça suffit. Je serais grave fit quand je vais arriver au Maroc, donc pas besoin d’en faire trop avant. (Rires.)
Il ne reste que deux petites marches à franchir. Ça va le faire ?Je veux vraiment que tout le monde se rassemble et que cette soirée soit une fête. Il y a eu des incidents à Bruxelles après Belgique-Maroc par exemple, c’était désolant. J’étais là-bas pour une émission et j’ai vu que ça partait en vrille quand je suis rentré à l’hôtel. C’était n’importe quoi et ça a volé un peu la joie des gens. Là aussi, contre les Bleus, c’est plus qu’un match. Ce sont deux pays fraternels qui s’affrontent, et j’espère que tout va bien se passer. Nous, les Marocains, on était sur les Champs en 2018. On était fiers. Et je suis persuadé que tout le monde fera pareil qu’importe le résultat. Pensons à ça, avant de pronostiquer le vainqueur.
Propos recueillis par Matthieu Darbas