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Youcef Atal : « J’ai payé cher mon erreur »

Propos recueillis par Diren Fesli

Condamné pour provocation à la haine, Youcef Atal a quitté Nice pour la Turquie et l’Adana Demirspor de Mario Balotelli afin de refaire parler de lui sur les terrains de football. Entretien sous le soleil avec un garçon marqué par la décision de justice, et par la CAN complètement ratée de l’Algérie.

Youcef Atal : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J’ai payé cher mon erreur<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Comment ça se passe pour toi à Adana ?

J’ai parlé avec beaucoup de monde avant de signer ici, parce que je ne connaissais pas le pays. Après tout ce qu’il m’est arrivé en France, il fallait que je change d’air et que je découvre autre chose. J’étais pleinement concentré sur la CAN à ce moment, donc je refusais de parler d’avenir avec mon agent… Sauf qu’il fallait quand même prendre une décision. À une semaine de la fin du mercato en Turquie, des propositions me sont parvenues d’Adana, mais aussi de Trabzonspor et Galatasaray. Adana a été très correct avec moi, puis des joueurs comme Sofiane Feghouli, Rachid Ghezzal ou Mario Balotelli m’ont poussé à venir ici.

Quel rôle a joué Balotelli dans ta signature, justement ?

Mario a insisté pour que je signe, il m’a dit qu’ils avaient un bon groupe et que je pouvais beaucoup apporter pour bien finir la saison. C’est le même Mario que j’ai connu à Nice, toujours à rigoler et à faire des blagues. Il a beaucoup fait pour mon adaptation, c’est un vrai bon gars.

J’ai été soutenu par toute l’Algérie et par énormément de gens à travers le monde entier, je les remercie. Je m’attendais aussi à du soutien d’autres personnes qui ne me l’ont pas donné, c’est comme ça.

Tu as l’air très heureux, en Turquie.

Je le suis parce que je suis avec ma famille dans un pays musulman en plein ramadan, donc que demander de plus ? Pour moi, le football est synonyme de bonheur. Si tu me l’enlèves, c’est très compliqué pour moi, et je me réveille le matin sans sourire. J’ai retrouvé ça, à Adana. En plus, les ambiances dans les stades sont chaudes comme en Algérie, et j’adore ça.

En janvier dernier, tu as été condamné à huit mois de prison avec sursis pour provocation à la haine et 45 000 euros d’amende. Après cette décision de justice, tu t’es senti poussé vers la sortie par Nice ?

Nice ne m’a pas poussé vers la sortie, mais je ne me suis pas senti soutenu. Le discours changeait à chaque fois… J’ai payé cher mon erreur : sportivement, juridiquement et financièrement. Je sentais que j’allais être mis de côté. Ce n’est pas une question d’argent, sinon je serais resté. J’ai besoin de jouer au football. À Adana, on m’a donné de l’amour dès le départ. Donc j’ai envie de les rendre heureux, ça me motive.

Tu as aussi été entendu par la justice dans l’affaire Galtier. Pourquoi ne pas éclairer le grand public sur ce qu’il s’est passé ?

Il y a beaucoup de joueurs de Nice qui ont parlé, cette affaire a mis du temps à arriver devant la justice. Je n’ai pas envie de remettre une pièce dans la machine en évoquant cette histoire, même si je suis conscient que beaucoup attendent des réponses.

Dans la même période, il y a eu cette CAN ratée avec l’Algérie. Comment as-tu réussi à gérer tout ça, mentalement ?

C’était très dur parce que tout s’enchaînait, j’ai eu du mal tant mentalement que physiquement. Je m’accrochais à la CAN pour retrouver goût au football en m’entraînant plus, pour venir aider la sélection et Djamel Belmadi qui me faisait tant confiance. Je ne voulais pas me rater, je voulais tout donner pour mon pays et pour lui. Je suis croyant, donc ça m’a permis de relativiser : derrière chaque malheur se cache un bonheur. J’ai été soutenu par toute l’Algérie et par énormément de gens à travers le monde entier, je les remercie. Je m’attendais aussi à du soutien d’autres personnes qui ne me l’ont pas donné, c’est comme ça.

Quelles sont les raisons d’un tel échec ?

C’est très compliqué de répondre, j’essaye encore aujourd’hui d’y trouver des réponses. On s’était très bien préparés en allant au Togo pour s’habituer à la chaleur, tout se passait bien. On était tellement confiants, le groupe vivait bien, et tout était réuni pour réaliser une grande CAN. Lors du premier match face à l’Angola, nous avons fait une belle première mi-temps en ouvrant le score et en déployant un beau football. En deuxième mi-temps, nous avons reculé sans raison. Tous les pires scénarios nous arrivaient, c’était inexplicable… La balle ne rentrait pas, on faisait beaucoup d’erreurs.

Jouer en club ou pour l’Algérie, ce n’est pas du tout pareil. Il faut que l’on soit capable de transformer cette pression et cette ferveur en positif, pas en négatif.

Youcef Atal

Malgré tout cela, un simple match nul suffisait pour se qualifier face à la Mauritanie et on a vu l’Algérie déjouer face à un adversaire libéré.

Il y a 45 millions de personnes devant leur télévision à attendre que tu gagnes, donc peut-être que certains joueurs avaient de la pression à ce niveau-là, je ne sais pas. Jouer en club ou pour l’Algérie, ce n’est pas du tout pareil. Il faut que l’on soit capables de transformer cette pression et cette ferveur en positif, pas en négatif. Le nul nous suffisait, mais on était sur le terrain pour gagner. Il nous manquait beaucoup de choses, il fallait plus de concentration… Encore aujourd’hui, j’ai du mal à en parler, ça me laisse un goût trop amer. Il y a la CAN au Maroc et les qualifications pour la prochaine Coupe du monde qui approchent, donc il faut vite aller de l’avant.

Cette défaite a été le dernier match de Djamel Belmadi sur le banc algérien, comment as-tu vécu son départ ?

C’est très compliqué d’y mettre des mots, Djamel a tout donné pour ses joueurs et son pays. Il a l’Algérie dans le sang, et il a toujours pris ses responsabilités. Quoi que l’on dise, c’est un entraîneur qui a rendu heureux des millions d’Algériens à travers le monde en ramenant une Coupe d’Afrique en 2019 et en étant à la tête d’une équipe invaincue pendant presque trois ans. Je l’ai vu comme un grand frère, il a toujours été là pour moi quand c’était difficile.

 

Ton nom circulait ces dernières saisons dans les petits papiers de grands clubs, comme le PSG par exemple. Qu’est-ce qui t’a manqué pour franchir un palier ?

J’avais fait une première grosse saison à Nice, et il y avait l’opportunité de quitter le club au bout d’un an, mais ça ne s’était pas fait. Après la victoire en Coupe d’Afrique 2019, j’aurais dû partir et passer une étape. Nice ne voulait pas me lâcher, mais les blessures ne m’ont pas permis de refaire une belle saison. J’ai aussi ma part de responsabilités, j’aurais dû faire certaines choses différemment. J’ai adoré jouer à Nice, j’en garde des bons souvenirs.

Avant de jouer pour Nice, tu as quitté l’Algérie pour Courtrai et la Belgique à 18 ans. As-tu souffert de l’adaptation dans un nouveau pays ?

C’était la première fois de ma vie que je quittais ma famille et me retrouvais seul, dans un pays dans lequel je ne parlais même pas la langue. Il faisait froid, j’étais jeune et sans expérience. C’était dur, mais je savais pour quelles raisons je faisais ces sacrifices. Je n’avais que le football en tête et ce qui m’avait aidé, c’était de ramener au bout d’un certain temps un pote d’Algérie. Finalement, je n’ai pas beaucoup joué à cause de mes blessures, mais un match a tout changé. Des recruteurs de Nice s’étaient déplacés pour observer un coéquipier face au Club Brugge, et finalement, c’est moi qu’ils ont repéré. Ce qui est incroyable dans cette histoire, c’est que je ne devais pas jouer. Le latéral droit titulaire avait mal au ventre, et j’avais dû le remplacer au dernier moment.

Sans mon père, j’aurais lâché depuis longtemps.

Tu es formé au Paradou, une académie qui est devenue un vivier pour la sélection algérienne. Quel est son secret ?

Paradou, c’est spécial et ça n’a rien à envier aux autres académies. Les meilleurs joueurs algériens sont présents, tout est réuni pour que tu puisses réussir. Il y a les meilleurs terrains, les meilleurs entraîneurs, un parcours scolaire à côté du football… En tant que joueur, tu n’as pas d’excuse. Il y a tellement de talents dans notre pays, ils ont juste besoin de moyens, et Paradou l’a compris. Combien de pépites ont lâché parce qu’elles n’avaient pas de quoi se payer une paire de crampons ?

Enfant, c’était évident pour le petit Youcef d’être un jour footballeur professionnel ?

Mon père a joué un rôle essentiel dans ma vie, les gens allaient le voir pour lui dire que j’étais bon au football, donc il s’est dit qu’il fallait m’accompagner pour que j’y arrive. Je jouais dans le quartier jusque très tard après l’école, je respirais le football : c’était ma vie. Sans mon père, j’aurais lâché depuis longtemps. Tout cela demandait de la motivation, et surtout de l’argent. Il y avait plus d’une heure de route à faire de Mechtras jusqu’à Tizi Ouzou pour aller m’entraîner. Aujourd’hui, j’ai réussi à rendre à mes parents tout ce qu’ils m’ont apporté, et c’est ma plus grande fierté. Sans le football, je ne sais pas ce que j’aurais fait de ma vie.

Qu’envisages-tu, pour la suite de ta carrière ?

Avec tout ce qu’il s’est passé, c’est très compliqué d’imaginer un retour en France, même s’il ne faut jamais dire jamais. J’aimerais goûter à l’avenir à la Liga ou à la Premier League, on verra bien.

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