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Yoric Ravet : « J’ai fait le choix de jouer près de chez moi »
La saison dernière, Yoric Ravet était l’un des cadres du vestiaire du Grenoble Foot 38 stabilisé en Ligue 2 depuis cinq ans. Un an plus tard, le milieu offensif passé par l’AS Saint-Étienne, les Young Boys de Berne ou le SC Fribourg est devenu la recrue phare de l’ES Manival Saint-Ismier, pensionnaire de Régional 2. Un grand écart que l’intéressé justifie par son désir de revenir aux plaisirs simples.
Salut Yoric ! Pour ton premier match de championnat à domicile sous le maillot de l’ES Manival contre l’Olympique Saint-Marcellin (4-0), tu as marqué grâce à un corner rentrant et fait une passe décisive. Quelles étaient tes sensations ? Ça allait ! En ce moment, je prends du plaisir. Je vais même te dire que j’ai toujours joué dans cet objectif parce que dans le fond, c’est ce qui me rend encore meilleur. Chez les professionnels, tu essaies aussi de donner ce plaisir aux passionnés de foot. Bien sûr, il faut chercher à être efficace, mais ça reste du football. Pour le corner rentrant, j’ai l’habitude de le tenter de temps en temps ! (Rires.) J’en avais déjà mis un ou deux…
Pourquoi ce changement de la L2 à la R2 à seulement 33 ans ? Je ne pensais pas jouer en R2 cette saison. Avec Grenoble, on m’a envoyé un mail cinq jours avant la reprise pour me dire que je n’étais pas convié à l’entraînement, alors que j’avais signé une prolongation de contrat. C’est une pilule qui n’est pas facile à avaler, mais c’est comme ça. Après, il y a des raisons familiales dans cette décision. J’ai trois enfants, et mon objectif était de rester à Grenoble parce que j’y suis bien implanté. À mon âge, je n’ai pas envie de tout remettre en cause. Je pense avoir fait la chose la plus raisonnable pour ma famille.
Tu es entré en procédure judiciaire avec le GF38. Tu peux nous en dire un peu plus ? Je laisse cela dans les mains de mon avocat. De mon côté, je peux juste dire que je suis allé signer mon contrat et que nous avons fait les vidéos de présentation et les photos avec mes filles. Elles étaient toutes contentes. Et puis après, il faut finalement leur dire que papa ne va pas jouer à Grenoble parce qu’on lui a interdit. Bref, ce genre de méthode, c’est pas réglo. C’est trop facile de proposer des contrats à tout le monde et à la fin, choisir selon la tête du client, dire oui à l’un et non à l’autre.
Est-ce qu’il y a une forme de déception par rapport à cette fin d’aventure avec ton club formateur ?Ah bah c’est clair ! Ce n’est pas du tout comme ça que j’avais imaginé ma fin de carrière à Grenoble. J’avais vu la suite et je sentais que je pouvais encore largement jouer à ce niveau pendant quelques années. Mais ils ont fait un choix, c’est comme ça. Il y a de la déception, car je sais que je ne méritais pas ça. À titre personnel, j’avais pour ambition d’aider le club à se structurer dans la formation pour que les jeunes grenoblois puissent avoir le même parcours que Brice (Maubleu, gardien du GF38, NDLR) ou moi avons pu connaître. À Grenoble, mis à part les U17, il n’y a pas grand-chose au club. Une reconversion au club m’aurait plu. C’est dommage.
Avec 5 buts et 5 passes décisives en 25 matchs au GF38, tu étais le meilleur buteur et passeur du GF38 la saison passée. Est-ce que tu as refusé des propositions concrètes de clubs en France ou à l’étranger ? Il y a eu des propositions, mais rien de concret comme Grenoble l’a fait. Mon but, ce n’était pas de repartir à l’étranger parce que ça impliquait de partir tout seul et de laisser ma famille ici. Je voulais finir à Grenoble, tout simplement.
Tu as joué en Ligue 1, en Super League suisse et même en Bundesliga. Est-ce que ton frère Julien, également à Manival, t’a convaincu de venir jouer avec lui ? Non, il aurait préféré que je ne vienne pas à Manival et que je continue ma carrière professionnelle. Cela dit, ma carrière n’est pas encore terminée, on ne sait jamais ce que l’avenir réserve. Mais en l’occurrence, j’ai fait le choix de jouer près de chez moi. J’habite à côté du stade, je n’ai pas envie de faire soixante bornes pour jouer en N1 ou en N2… Aujourd’hui, j’ai une vie de famille, je pense différemment. J’ai fait une belle carrière, j’en ai profité, mais à un moment, il ne faut pas être égoïste et penser aux autres.
Du coup, ta préparation d’avant-saison est restée sérieuse ou c’était plutôt des vacances chipolatas-merguez autour du barbecue ? (Rires.) Non, je me suis bien entretenu parce que je voulais essayer de rebondir. Il y avait toujours cet orgueil. Dès que j’ai compris que je ne reprendrais pas à Grenoble, j’ai appelé mon meilleur pote qui est préparateur physique. Pendant un gros mois, je me suis entraîné seul avec lui avant de décider d’aller à Manival. Là, je me suis entraîné et j’ai vu que ça se passait super bien, donc j’ai pris ma licence pour la saison. Nous avons deux entraînements par semaine et un match le week-end. Maintenant, si un club m’appelle, que l’offre me plaît et qu’il me dit que je dois m’entraîner tous les jours, je m’entraînerai tous les jours. Ce n’est pas en l’espace de trois mois qu’on perd tout, et la technique ne part pas. Je m’adapte au niveau dans lequel je suis. Dans le même temps, je cherche à passer mes diplômes d’entraîneur parce que je dois transmettre ce que j’ai pu vivre et faire dans ma carrière.
À quoi t’attendais-tu en débarquant dans ce championnat amateur ? C’était nouveau, je n’avais jamais connu ça. Dès la fin de ma formation en 18 ans nationaux, j’ai signé mon premier contrat pro au GF38 et je ne suis quasiment pas passé par la CFA. Mais en vrai, je me régale ! C’est la vraie vie. Je partage le vestiaire avec des mecs qui se lèvent et vont charbonner toute la journée pour se détendre avec un ballon le soir. C’est complètement différent du football professionnel où les trois quarts du temps, les gars sont assistés. Ils sont brossés dans le sens du poil et ils n’ont qu’à se concentrer sur le terrain. Après, il y a une raison à cela, car on cherche à optimiser la performance du joueur. Mais personnellement, je pense qu’on est entré dans un système où les chaussures des jeunes sont cirées bien trop facilement.
Est-ce que tu sens que tes adversaires te surveillent plus parce que tu es Yoric Ravet ? (Il réfléchit.) Ouais, on va dire que c’est normal. Mais le football, je le vois comme un rectangle vert où je veux prendre le maximum de plaisir. Si je peux aider les jeunes et gagner les matchs, je vais tout faire pour. Je reste un compétiteur malgré tout. L’intox des adversaires, je m’en fous. Je sais d’où je viens, et peut-être qu’eux aussi savent d’où je viens. Ce n’est pas ça qui me fait peur en tout cas.
Quels sont les objectifs que tu te fixes pour cette saison sur le plan collectif et individuel ? Les buts et les passes décisives, je vais être honnête avec toi, j’en ai strictement rien à foutre. Collectivement en revanche, j’aimerais réaliser le meilleur championnat possible et pourquoi pas emmener Manival en R1, un niveau que le club n’a jamais atteint dans son histoire. C’est un beau challenge ! Je réfléchis même à la suite parce que je pense que Manival peut être encore mieux structuré pour faire partie des clubs qui pèsent dans le football isérois.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix, à Saint-Ismier