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Yohan Cabaye, le Steven Gerrard du 59
Aussi discret dans les médias qu'omniprésent dans le rond central, Yohan Cabaye est actuellement un pion essentiel dans la tactique de Didier Deschamps. Pour en savoir plus sur le joueur, mais aussi sur l'homme, on est donc reparti sur ses traces, à Lille et à Tourcoing, là où dirigeants et formateurs l'ont côtoyé pendant des années.
« La première fois que je l’ai vu, il est devait avoir quatre ans. Il était toujours avec son père, qui jouait avec moi à l’époque. Il avait toujours un ballon noir et blanc avec lui. Petit, il avait déjà des facilités techniques, toujours très bien placé, à l’aise avec le ballon, habile devant le but et toujours le premier pour tirer les coups francs et les penaltys. Si bien que, lorsqu’il a intégré les U10, on l’a surclassé pour voir comment il allait évoluer. » À entendre Saïd Demdoum, son premier entraîneur au FC Tourcoing, Yohan Cabaye n’a pas beaucoup changé et semble avoir toujours été un garçon appliqué, aussi discret qu’essentiel.
C’est sans doute ces qualités qui vont attirer le regard de Jean-Michel Vandamme, directeur du centre de formation au LOSC, et qui repéra Yohan Cabaye lors d’une journée de détection. Le coup de foudre est immédiat : « Lorsque je l’ai vu, je me suis tout de suite dit qu’il fallait le recruter. Il avait déjà tout ce que j’aimais dans le football moderne : de la technique, un sens de la passe et une bonne capacité physique. » Bien sûr, personne n’aurait pu prévoir quel joueur il allait devenir, qu’il serait une dizaine d’années plus tard un des maillons essentiels de l’équipe de France. Pas même Jean-Michel Vandamme : « Quand je choisis de recruter un joueur, je n’ai jamais de doute sur ses capacités techniques à réussir, uniquement sur sa capacité à s’impliquer, à travailler et à perpétuellement chercher à progresser. Dans sa catégorie, de même que dans celle de Debuchy, des dizaines de jeunes étaient du même niveau, voire meilleurs que lui. Pourtant, c’est lui qui a fini par percer, parce qu’il cherche en permanence à s’améliorer, parce qu’il a reçu une éducation qui lui permet de prendre en considération chaque conseil. Malgré ça, je ne m’imaginais pas la carrière qu’il réaliste actuellement. »
Une maturité précoce
Pour son premier match professionnel, Yohan Cabaye annonce déjà de belles promesses face à Istres, lorsqu’il amortit un ballon de la cuisse aux trente mètres avant de tenter la reprise de volée. « Claude Puel m’avait dit avant le match qu’il voulait le titulariser. Je crois qu’il n’avait même pas encore joué un match avec l’équipe pro. Après le match, on s’est tout de suite dit que ce gamin avait du caractère, » raconte aujourd’hui celui qui a signé son premier contrat professionnel, Xavier Thuilot, l’ancien directeur général du LOSC. De ces négociations financières avec Yohan Cabaye, Xavier Thuilot se souvient surtout d’un garçon à l’écoute, privilégiant l’aspect sportif aux gros sous : « Ce qui primait, c’était le projet. Yohan ne voulait pas acquérir un statut, mais franchir les étapes. »
Jean-Michel Vandamme avoue toutefois avoir été déçu lorsqu’il a appris son départ à Newcastle. « Ça m’a un peu chagriné parce que j’avais un rêve : faire de Cabaye le Steven Gerrard du LOSC. Je comprenais parfaitement qu’il souhaite changer de pays, mais je m’étais imaginé mieux que Newcastle pour lui. Il pouvait déjà viser les clubs comme Manchester ou Chelsea. » Car Yohan Cabaye a longtemps été sous-coté, ce que regrette Xavier Thuilot encore aujourd’hui : « Je n’ai pas reçu souvent d’offres pour Yohan. Ce n’était pas un joueur très demandé, même si l’on connaissait sa valeur. Il était peut-être trop discret, pas du genre à aller au clash ou à montrer sa tête dans les journaux. La preuve, son transfert à Newcastle s’est fait dans un relatif anonymat, ce n’était pas un joueur de premier plan. Même le LOSC le considérait comme tel, sinon les dirigeants ne l’auraient pas laissé partir pour seulement 5 millions d’euros. »
La ruée vers le Nord
Depuis Newcastle, Yohan Cabaye a en effet pris une toute autre dimension, enchaînant les bonnes prestations, que ce soit en club ou en équipe de France. La moindre des récompenses pour un joueur en tout point irréprochable. Saïd Demdoum : « Petit, c’était déjà un gamin hyper charmant. C’était le premier arrivé à l’entraînement et le dernier à partir. Je le rouspétais d’ailleurs parfois parce que, même malade, il voulait venir s’entraîner. Le foot, c’est sa véritable passion. D’ailleurs, il n’a jamais aimé être remplaçant. C’est son principal défaut : il n’aime pas perdre. » Son autre défaut, Xavier Thuilot le rappelle, c’est aussi d’être un peu sanguin par instant. « Je me souviens d’un derby contre Lens. Il entre en jeu et se prend un rouge la minute suivante. Je sens que ce genre de comportement affleure encore parfois, mais avec l’âge et l’expérience, il semble mieux le maîtriser. »
Devenu un titulaire indiscutable avec les Bleus, Cabaye n’a pas oublié ses années nordiste comme le souligne Xavier Thuilot : « Il est resté humble. Lors du dernier match de la France avant le Mondial, contre la Jamaïque, je lui envoyé un message pour lui dire de se faire plaisir et de réaliser un beau parcours. Il prend encore le temps de répondre, alors que ça fait plusieurs années que l’on ne s’est pas vraiment vu. Je trouve ça normal et sain. » Ce à quoi Saïd Demdoum enchérit et conclut : « Malgré sa belle réussite, il reste modeste et s’exprime très bien. Jamais un mot plus haut que l’autre. C’est vraiment un grand joueur, que ce soit dans le jeu ou dans le comportement. C’est le représentant parfait de l’équipe de France. » Et du 59.
Par Maxime Delcourt