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Yohan Bocognano : « On voit que les gens se retrouvent en nous »
L’an dernier, en misant sur ses jeunes, Bastia loupait la montée de peu, écrasant ses espoirs fous de retrouver la Ligue 1 d’une traite. Cette saison, le Sporting a décidé de s’appuyer sur ce que la Corse fait de mieux : des joueurs de caractère, passés par la Ligue 2, les meilleures équipes amateurs de l’île ou des destinations exotiques. Taulier d’une défense imperméable, leader avec huit points d’avance, Yohan Bocognano est prêt pour la cerise sur le fiadone : un 16e de finale contre Noisy-le-Grand, dans un Furiani extatique à l'idée de retrouver les ambiances de l’ère du professionnalisme.
Tu vas jouer un 16e de finale de Coupe de France, plutôt à votre portée. Comment te sens-tu ?
Quand les résultats vont bien et que le groupe vit bien, on ne peut être que bien. On est un noyau de joueurs composé presque uniquement de Corses. On est une équipe de copains, voire même d’amis. J’espère que ça va être une très belle fête. Ça fait dix ans que le Sporting n’a pas atteint les huitièmes de finale. On sait qu’on affronte une équipe athlétique, première de sa DH parisienne. Par rapport à la division d’écart, on sait que c’est à notre portée. On est déjà passé contre Le Mans et Concarneau, qui sont deux divisions au-dessus. Forcément, il y a des attentes. Mais, honnêtement, on n’a pas de pression. La Coupe de France, c’est du bonus.
Tu as signé cet été. C’est comment, pour toi, l’Ajaccien, ces premiers mois au Sporting ?J’ai fait les trois clubs phares de l’île. J’ai été formé à l’ACA, mais je n’y ai joué qu’un match en professionnel. Après, j’ai joué au Gaz en National et en Ligue 2. C’est vrai que le Sporting, c’est impressionnant. Je ne m’imaginais pas ça. C’est un engouement qui est complètement différent. On sent des gens qui crèveraient pour leur club. En National 3, on a entre 4000 et 5000 supporters à domicile à tous les matchs. Il n’y a pas beaucoup de clubs de Ligue 2 aussi suivis. À l’ACA et au Gaz, ils ne font que 3000. Pour notre premier déplacement, à Aubagne, toute la tribune était bleu et blanc. On a toujours 200 supporters à l’extérieur. On a vraiment l’impression d’être chez nous partout. Il n’y a qu’au Sporting qu’on voit ça.
Dans l’émission en ligne Minenfootu, tu as évoqué un passage à Furiani compliqué avec Nîmes. Tu l’avais vécu comment ? Ça m’a fait mal, à l’époque. On en avait pris 6, mais au-delà de la défaite, tous mes amis et toute ma famille étaient montés à Furiani. Entendre en tribunes « o Ajaccien de merde » , ça m’a affecté. J’étais plus jeune. Aujourd’hui, je ferais abstraction, mais je ne m’y attendais pas. Je pensais me faire insulter personnellement, ça ouais. Mais pas par rapport à mes origines, sur mon île. Pour moi, il n’y a pas d’Ajacciens ou de Bastiais. Il n’y a que des Corses. Et je me sens partout chez moi en Corse.
En 2016, tu jouais en DH. Comment es-tu descendu si bas ?Après le Gaz, je suis allé à Istres. Ça ne s’est pas bien passé. Je suis parti en Azerbaïdjan. Le club a eu des problèmes financiers et j’ai signé en D1 roumaine où, là, ça s’est très mal passé. Au bout d’un mois, le club a décidé de ne pas homologuer le contrat. Le mercato était fermé, alors je n’avais pas de club.
Je suis rentré m’entraîner avec l’ACA. Je devais signer, puis ils sont passés devant la DNCG et ont été interdits de recrutement. J’arrive à rebondir en D2 en Belgique, à Tubize. Je fais 10 matchs sur 12, je marque, on finit troisièmes. Je m’attendais à avoir des propositions, mais je me retrouve sans rien. Je n’avais pas envie de repasser un été sans club, à m’entraîner seul. Moralement, c’est dur. J’ai bien réfléchi et j’ai décidé de revenir aux sources, au football plaisir et j’ai signé à Propriano. Il n’y avait plus aucune prise de tête. J’allais à l’entraînement juste pour être avec des copains. Les avant-matchs, tu es tranquille, tu rigoles, tu chambres. Après les victoires, tu vas te boire un coup. Je sortais de la douche et j’allais à la buvette, qui était en travaux, me boire juste une petite Heineken, avec un sandwich. Puis on allait au restaurant. Ça m’a fait vraiment du bien. Ça a été une superbe expérience, et en décembre, j’ai pu repartir loin à Mulhouse, en National 2. J’avais retrouvé le plaisir de jouer au ballon.
On disait que le Sporting avait perdu l’amour de son public. Ou du moins d’une grande partie. On en est où, dans cette relation ?
L’engouement parle tout seul. La relation va bien. L’an dernier, je n’étais pas là, mais le groupe manquait peut-être un peu de maturité, voire d’envie. Ça arrivait qu’on siffle les joueurs. Cette année, non. Pas parce qu’on gagne, mais parce qu’on propose des choses auxquelles les gens adhèrent. Tant dans le jeu que dans l’engagement. On a un groupe qui n’a peur de personne. On sait où on va et de toute façon, on est chez nous de partout. Si on nous met la pression, on répond. Quand j’ai mis mon tir au but (en 32e de finale, qui scelle la victoire face à Concarneau, N.D.L.R.), j’ai ressenti beaucoup de joie. Je ne vais pas dire qu’on voyait des larmes en tribunes, parce que ce n’était qu’un 32e, mais on voit qu’ils se retrouvent en nous. Parce qu’on est des lions. Si on bat Noisy, j’ai envie de passer encore un tour, mais en même temps, je prendrais bien un gros. Même le PSG, ça ne me dérangerait pas. Ce serait une belle fête.
Propos recueillis par Thomas Andrei