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Comment le yoga trouve sa place dans la prépa physique
Observées d’un œil méfiant il y a encore quelques années en France, les techniques de relaxation sont aujourd’hui régulièrement utilisées dans la préparation mentale au plus haut niveau et se mettent au service de la performance dans le foot. Alors, simple effet de mode ou nouvel outil incontournable pour les clubs français ?
Buteur en série sur tous les terrains d’Europe depuis trois ans avec Salzbourg, Dortmund puis Manchester City, Erling Haaland a tout d’une superstar : un alliage de puissance physique et de vitesse, une adresse glaciale devant le but… et une célébration signature. Au fil de ses réalisations et malgré le chambrage des Parisiens en 2020, le Norvégien a pris l’habitude de venir s’asseoir en tailleur sur la pelouse, les yeux fermés et les mains ouvertes vers le ciel. Cette position est inspirée de sa pratique de la méditation, un rituel sur lequel le sosie de Paul Mirabel est revenu dans un entretien pour GQ en janvier dernier : « La méditation est une très bonne chose pour se détendre, pour essayer de ne pas trop penser. Je déteste être stressé et j’essaie de ne pas l’être […]. Le concept de la méditation consiste à essayer de se débarrasser de ce genre de pensées. C’est vraiment individuel, mais pour moi, ça a très bien marché. » Haaland n’est ni le seul, ni le premier à intégrer ce genre d’activités à son quotidien. Nombreux sont les sportifs de très haut niveau à utiliser des exercices empruntés à la méditation, à la sophrologie ou encore au yoga. Mobilisant à la fois le physique et le mental, cette dernière pratique a par exemple accompagné Mohamed Salah, Cristiano Ronaldo ou encore Sergio Ramos au fil de leur carrière. Aux États-Unis, l’utilisation de ces exercices de conditionnement mental et physique est aussi répandue dans le sport de haut niveau. C’est encore loin d’être le cas en France où leur développement a longtemps été freiné par l’image de ces techniques, souvent réduites à des pratiques obscures utilisées par des « gourous ». Malgré cette mauvaise réputation, certains clubs ont brisé le tabou et investi dans ce type de préparation mentale depuis quelques années.
Un investissement en pleine conscience
L’Olympique lyonnais est sans doute le pionnier en la matière. Reconnu pour la qualité de son centre de formation, le club a rapidement intégré certaines techniques de relaxation au cursus de ses jeunes footballeurs. « Depuis une petite dizaine d’années, la dimension mentale a pris toute sa place comme un facteur de performance à part entière, qui a une influence dans la formation des joueurs vers le haut niveau, explique Nadi Derran, responsable de la cellule d’optimisation de l’acuité mentale à l’OL. On a commencé par mettre en place du yoga par petites touches, de manière ponctuelle, puis nous avons apporté d’autres techniques comme la sophrologie ou l’hypnose. » Plus récemment, le RC Lens s’est également lancé dans le domaine. Encore en reconstruction en Ligue 2 en 2017, le club lensois a sollicité Anne Lejot, enseignante en STAPS à l’université d’Artois et professeure de yoga. Après être intervenue auprès du centre de formation, la spécialiste a intégré l’encadrement de l’équipe professionnelle en 2020. Une volonté du nouveau coach Franck Haise, lui-même pratiquant et ouvert à l’arrivée de concepts qui sortent des sentiers battus concernant la préparation de son groupe.
REPORTAGE – Au RC Lens, une séance de yoga hebdomadaire pour relâcher les tensionshttps://t.co/cSZb9c2MnI pic.twitter.com/KGKlweVt9a
— franceinfo (@franceinfo) January 8, 2022
Cette nouveauté s’inscrit pleinement dans le projet lensois et peut expliquer en partie la progression d’une équipe passée de la Ligue 2 au top 5 de Ligue 1 en quelques années. « Quand un club n’a pas beaucoup de moyens, investir sur des techniques comme le yoga peut être intéressant. La pratique du yoga permet de mettre en place des séances complètes, car cette discipline combine à la fois des éléments de méditation, de sophrologie ou encore de relaxation », détaille-t-elle. Après quelques réticences logiques face à l’inconnu, les joueurs semblent également adhérer à ces nouvelles méthodes. « Sur la première année, certains arrivaient peut-être un peu à reculons. Maintenant, ils constatent que cela leur amène quelque chose de plus. Certains ont besoin de venir toutes les semaines, d’autres espacent un peu plus les séances. Mais je n’ai jamais eu de joueur complètement réfractaire », reprend Anne Lejot. Petit à petit, les pratiques de relaxation ont trouvé leur place dans le quotidien du groupe lensois en fonction des besoins constatés sans jamais interférer avec d’autres domaines de la préparation : « J’interviens sur plusieurs thèmes bien précis : la récupération, la concentration, le développement de la confiance en soi, mais aussi l’accompagnement en tant que personne tout au long de l’année pour garder un bon état d’esprit. Par contre, j’interviens très peu sur le travail physique pour ne pas interférer avec le programme du préparateur physique. Je me concentre sur le mental, la gestion des émotions. »
À différents niveaux, certains footballeurs commencent même à prendre l’initiative d’intégrer des séances individuelles à leur quotidien. Arrière droit de l’US Boulogne-sur-Mer (N2), Sonny Duflos accorde une importance toute particulière à la préparation mentale depuis le début de sa carrière. « Comme certains coachs me l’ont répété, le foot, c’est 20% technique, 20% tactique, 60% mental. Au départ, je n’en étais pas vraiment un adepte, mais j’ai compris que c’était pour mon bien. Je m’y suis mis à fond. Ça peut permettre de gérer la pression, gagner en confiance en soi individuellement et en ses partenaires collectivement. Ça apporte également de la fraîcheur mentale dans ce métier spécial qui use notre physique, dans lequel on doit se battre au quotidien pour réussir », explique le joueur de 27 ans. Un quotidien pas toujours facile comme le prouvent les témoignages de plus en plus nombreux de footballeurs qui se confient sur les troubles mentaux dont ils souffrent et sur la difficulté de maintenir un équilibre entre leurs vies sportives et personnelles. Sans être des solutions miracles, les pratiques comme le yoga et la méditation peuvent se révéler utiles dans ces cas pour aider les sportifs à sortir la tête de l’eau.
Une légitimité à gagner auprès de l’ensemble du foot français
Avec maintenant plusieurs années de recul, les techniques de relaxation semblent s’imposer comme le présent et l’avenir de la préparation mentale dans le football. Quels que soient le niveau et la catégorie, les méthodes ont donné satisfaction et se sont bien intégrées dans les clubs qui les ont mises en place, comme le confirme Nadi Derran : « Aujourd’hui, les jeunes de notre académie utilisent ces disciplines comme ils font de la préparation athlétique, comme ils vont à l’école. C’est devenu un élément normal de leur quotidien. Vous avez des jeunes qui s’inscrivent au tableau ou vont voir le préparateur mental à la cantine pour programmer une séance. C’est complètement rentré dans les habitudes. » Malgré la tendance, la pratique des techniques de relaxation est encore loin de s’implanter dans tous les clubs. Selon Anne Lejot, il reste un peu de chemin à parcourir pour les voir être reconnues à leur juste valeur dans l’Hexagone : « En France, on a un certain retard concernant ces disciplines, qui ne sont vraiment devenues populaires que depuis cinq ans. Il faut que cela pénètre le milieu du sport du haut niveau, que l’on arrive à prouver que ces disciplines ont un réel apport pour les sportifs ». Peut-être qu’en voyant une machine adepte du yoga et capable de claquer des quintuplés en Ligue des champions finira de les convaincre.
Par Valentin Perrot
Tous propos recueillis par VP, sauf mentions.
Illustrations générées par Midjourney.