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Yeni Ngbakoto : « Partir à l’étranger est un risque, mais un bon risque »
En période de mercato, beaucoup de joueurs français pensent partir à l’étranger, dont des jeunes, qui n’ont pas encore forcément encore signé leur premier contrat professionnel. L'attaquant guingampais Yeni Ngbakoto (27 ans), transféré en Angleterre en 2016 après son éclosion à Metz, nous éclaire sur les enjeux d’un départ.
Tenter sa chance à l’étranger lorsqu’on n’est pas encore professionnel, c’est une bonne idée ?Pas pour tout le monde. Enfin, c’est rarement le cas… J’ai vu peu de jeunes partir très tôt et réussir. Il y a Paul Pogba, mais il a pu percer en passant par une étape supplémentaire à la Juventus. Faire une formation en France, signer professionnel dans ton club formateur et ensuite viser l’étranger me paraît le mieux.
Quel profil peut tenter malgré tout sa chance ?Il y a différents types de joueurs et beaucoup de paramètres à prendre en compte. Ça dépend aussi de sa force mentale. Sera-t-il lucide, assez fort ? Surtout quand on a l’habitude d’entendre qu’on est le meilleur dans notre club. Quand la difficulté arrive, les vrais joueurs se révèlent, ceux qui ont la capacité de surmonter ces épreuves. Le football, c’est beaucoup de mental, surtout quand il faut passer ce cap.
Et pour un jeune recalé des centres de formation français comme Antoine Griezmann ? Pourquoi pas. Je pense que si un jeune fait cette démarche, c’est qu’il est assez fort mentalement pour envisager la possibilité d’être aussi recalé à l’étranger. Il faut savoir prendre sur soi, faire des sacrifices pour pouvoir atteindre ces objectifs-là, être conscient et avoir confiance en ses propres qualités, ne pas lâcher, continuer à travailler. Même s’il y a un ou deux échecs, ça finira par payer, et même si ce n’est pas le cas, le joueur se dira mentalement qu’il a tout essayé, que ce n’était pas son destin.
Et pour un joueur proche d’intégrer le groupe professionnel ? Tu peux éventuellement sauter le cap et aller à l’étranger, mais c’est un peu se brûler les ailes. Kimpembe, qui a fait sa formation à Paris, a d’abord gratté un peu de temps de jeu alors qu’il y avait de grands joueurs face à lui. Aujourd’hui, il est titulaire, ou on peut considérer qu’il titille les titulaires. Mais dans le Paris avant l’arrivée des Qataris, avec les qualités qu’il a, après une saison complète de Ligue 1 et des matchs de haut niveau, il aurait pu tenter sa chance à l’étranger.
Comment bien préparer son départ ? Les qualités, les joueurs les ont.
Moi qui ai vécu une expérience en Angleterre d’une saison et demie, le plus dur, c’est mentalement. Accepter les choix, accepter de ne plus jouer alors qu’avant tu disputais 30 matchs par saison… C’est là où il faut être très, très costaud. Tu ne parles pas la même langue, ce n’est pas ta culture, tu dois t’adapter à un nouveau pays, à un nouveau football. Il faut être très fort mentalement pour passer haut dessus de ça et s’imposer dans un championnat que tu ne connais pas. Tu dois te réadapter et apprendre.
Comment se préparer mentalement ? Il faut savoir accepter les critiques, c’est un travail sur soi. C’est aussi une question d’entourage. Il est très important. Il est là pour t’encourager, te pousser, mais sur le terrain, tu es seul. C’est là qu’il faut être très fort mentalement. Il ne faut pas douter. Le doute peut tuer la confiance d’un joueur. Il faut être très confiant, sûr de ses qualités, avoir une confiance extrême en soi. C’est un travail de tous les jours, de remise en question, à l’entraînement, en match. Bon ou pas, il faut toujours te remettre en question. C’est ce que font les joueurs de très haut niveau.
Se remettre en question, ce n’est pas douter ? Non. Je prends un cas extrême : regarde Cristiano Ronaldo. Il peut ne pas marquer pendant quatre ou cinq matchs, mais il va rester calme. Il a vécu cela et il est resté calme malgré un changement de championnat. Il est aujourd’hui à la Juventus. Les gens le pensaient fini, mais il est resté dans son coin, il a fait le dos rond, il a travaillé. Je pense que la clé de son succès et celle de nombreuses personnes, c’est le travail à l’entraînement. Ne pas lâcher même dans les moments un peu moins bien. Toujours avoir confiance en ses qualités et travailler, cela reste le plus important. Ce sont des remises en question permanentes, essayer de gommer les petites erreurs et s’appuyer aussi sur tout ce qui a marché. C’est un travail de tous les jours.
Des précautions à prendre tout de même avant de partir ? Te lancer, c’est déjà prendre un gros risque, mais un bon risque. Ça veut dire que tu t’es déjà préparé mentalement à vouloir percer dans le championnat où tu veux aller. Il n’y a pas de questions à se poser, ni de précautions à prendre. Tu fonces, tu y vas avec tes qualités, le sourire et la volonté de montrer aux personnes que tu veux réussir dans ce championnat. Tous les joueurs partis à l’étranger et qui n’ont pas réussi n’ont pas de regrets. Ils ont essayé, puis sont rentrés en France ensuite. Le football est tellement aléatoire, on ne sait jamais ce qui peut se passer.
Comment s’intégrer à l’étranger ? Ce n’est pas évident.
Nous Français, au niveau des langues étrangères, notamment l’anglais, on n’est pas forcément bons. À partir du moment où tu commences à parler la langue du pays, c’est déjà une très bonne base, une belle preuve d’intégration. Tes coéquipiers vont voir que tu es prêt, prêt à les aider, prêt dans la communication et dans la vie de tous les jours. Après, c’est le terrain qui parle, il faut faire les efforts pour les coéquipiers. Moi qui suis allé en Angleterre, ils sont directement attentifs à ça. Si tu cours partout, si tu es prêt à donner le meilleur de toi-même, les joueurs, le staff, le public, tout le monde le voit.
Si tu devais repartir à l’étranger, que ferais-tu différemment ? Rien. J’ai eu une superbe expérience aux Queens Park Rangers, même si je n’ai pas eu le temps de jeu que j’espérais. Je me suis adapté très vite, j’ai parlé la langue très vite, je me suis fait rapidement des potes là-bas. C’est sûr que je n’ai peut-être pas assez insisté, travaillé dur pour m’imposer. Je ne regrette pas d’avoir tenté. S’il fallait le refaire, je le referais. Ça s’est bien passé les six premiers mois, puis le nouveau coach est arrivé, mais ça fait partie du football, il faut l’accepter et savoir rebondir.
La différence entre le Yeni parti en Angleterre et celui d’aujourd’hui ? Il n’y a pas forcément de différence, mais j’ai changé en tant qu’homme. Je suis père de famille, j’ai deux enfants, je suis plus lucide dans mes choix. Je jouais beaucoup à Metz, j’étais un cadre. Donc quand ça n’allait pas, je me renfermais sur moi-même. Avoir des enfants, une famille te fait relativiser, tu avances. Aujourd’hui, que je joue ou pas, je travaille, je bosse dur pour atteindre mes objectifs et j’essaie de ne plus m’énerver. Si je ne joue pas, c’est qu’il y a bien une raison et c’est uniquement de mon ressort. Je me concentre alors un peu plus sur moi, sur mes performances. Il ne faut pas viser le coach ou les choix d’untel, mais se regarder dans une glace, voir ce qui n’a pas été et rebondir.
Propos recueillis par Flavien Bories