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Yaya, Touré d’Ivoire
Depuis le début de la saison, le milieu de terrain de Manchester City (qui reçoit Wigan au 3e tour de la Coupe de la Ligue anglaise ce mardi soir) est en train de prendre une dimension encore plus grande au point d’être le joueur le plus essentiel de son équipe. Voire de Premier League.
« Pour faire ces nouvelles chaussures King, Puma a fait appel à moi. Je me sens à l’aise. J’ai un petit problème avec le plastique, mais là, avec le cuir, c’est magnifique. C’est une chaussure très confortable à l’intérieur, je me sens énormément bien avec. » Ah, mais c’est donc ça, alors, le secret des performances de Yaya Touré : une bonne paire de grolles. Évidemment, s’il n’y avait que ça, on se précipiterait tous chez l’équipementier du milieu ivoirien de 30 ans, histoire de troquer nos pieds carrés pour ses petons de velours. Et avec nous, probablement un paquet de joueurs, et pas que des tocards, hein. C’est que Touré est un footballeur proprement fascinant. Mais on ne le dit pas assez. Car à l’heure d’égrener le casting de stars qui s’ébrouent sur les pelouses d’Albion, c’est rarement un des premiers noms cités. Bien sûr, chacun y va de son Van Persie, Özil, Rooney, Eto’o, Suárez, voire Agüero, mais seuls les vrais suiveurs du barnum anglais pensent à avancer le patronyme du capitaine des Éléphants parmi les joueurs majuscules du meilleur championnat de la planète.
Pourtant, Touré est un joueur peut-être encore plus fondamental que les stars susnommées. Car le bougre compile un peu tous les rôles à lui seul. Récupérateur bien sûr, de par sa position et son abattage, même si le Citizen est sans doute moins porté sur le duel qu’un de ses mentors au centre de Carrington, Patrick Vieira, qui nous indiquait il y a quelques mois : « Il est plus fin que je ne l’étais dans le jeu, mais peut-être un peu moins dur dans les contacts et la récupération, même s’il gratte pas mal de ballons. » Parole d’expert. Mais c’est vrai, l’ancien pensionnaire de l’académie de Jean-Marc Guillou fait avant tout la différence balle au pied, sorte de box to box player, gamme premium, capable de franchir des lignes comme peu de joueurs sur de telles distances. Et pas seulement grâce à ses grands compas qui lui permettent de ne faire qu’une foulée là où d’autres doivent en faire trois. « Il a une conduite de balle et un dribble extrêmement précis, souples grâce à une qualité de cheville rarissime » , a même l’habitude de dire Patrice Ferri, ancien joueur de Lyon et Saint-Étienne (notamment), et consultant pour beIN Sports après avoir longtemps couvert la Premier League sur Canal.
Trop low profile ?
Un arsenal auquel il faut ajouter une qualité de passe là encore hors du commun. De celles qui permettent à un milieu de facturer au moins cinq passes décisives par saison depuis plusieurs années, une gageure pour un milieu relayeur qui a parfois évolué assez bas, comme à Barcelone par exemple. « Mais justement, on voit vite qu’il a joué au Barça, reprend Vieira. Sa qualité de transmission est rapide, au sol, avec le bon angle et ça fluidifie vraiment le jeu. » Un phénomène donc, que le grand Pat, encore lui, voyait pourtant capable de progresser encore, même après le titre mancunien de 2012 dont Touré fut un des principaux artisans, au point d’être couronné la même année Ballon d’or africain. « Je crois que Yaya ne nous a pas tout montré. Il peut être encore plus décisif, il peut peser encore davantage sur le jeu et le score. Je suis certain qu’il a ce potentiel. » L’ancien leader d’Arsenal en a-t-il parlé avec l’intéressé ? Toujours est-il que depuis l’été dernier, le petit frangin de Kolo fait péter les stats comme jamais par le passé. Lui qui n’avait jamais dépassé les 7 buts par saison, en a déjà inscrit 4 en 6 matchs, toutes compétitions confondues. Et notamment deux sur des coups francs ciselés à l’ancienne, pleine lulu intérieure.
Mais c’est peut-être davantage son pion de raccroc inscrit du genou à un mètre de la ligne de but lors de la ratatouille soignée administrée à United (4-1) dimanche dernier qui dit le plus cette nouvelle dimension prise par Touré. Soit un joueur qui n’hésite plus à aller au charbon dans la boîte pour faire la décision. Alors quoi ? Comment expliquer que Yaya Touré peine autant à être considéré comme une étoile planétaire ? Bien sûr, son poste quelque peu reculé ne favorise pas nécessairement la starification du bonhomme. L’absence de grandes performances de sa sélection aussi (sortie deux fois au premier tour du Mondial en 2006 et 2010). Et puis il y a ce caractère, disons réservé. Comme lorsqu’on lui demande son onze type et qu’il cite Schweinsteiger et Xavi sans se faire la moindre place. On imagine aisément la réponse d’un Cristiano Ronaldo à pareille question. Il n’empêche, derrière ce côté low profile, les dirigeants de City, eux, ne s’y trompent pas : au milieu d’un parterre de mercenaires recrutés à prix d’or, Yaya Touré est bel et bien le joueur le mieux payé de « l’autre » club de Manchester avec plus de 13 millions d’euros par an. Le prix d’un joueur très rare. Donc très précieux.
par Dave Appadoo