- Ligue Europa – 3e tour de qualification retour – Lyon/Mladá Boleslav
Yattara, la vraie fausse recrue de l’OL
Toujours pas mal limité financièrement, l'OL doit compter sur le système D et sur ses jeunes issus du centre de formation pour continuer à performer. Mohamed Yattara, double buteur à l'aller en République tchèque (match retour demain jeudi à Lyon), se situe à la frontière entre ces deux stratégies : un jeune au profil atypique, formé sur le tard et très vite trimbalé de prêt en prêt, qui pourrait finir par rendre bien des services au club rhodanien.
Lorsque Mohamed Yattara sera vieux et que la teinture blonde de ses cheveux aura cédé sa place à un blanc naturel, lorsqu’il jettera un œil au déroulé de sa vie pour en dresser le bilan, il se pourrait bien que le mois de juillet 2014 figure en tête de gondole au rayon de ses plus grands souvenirs. Le 8, il s’engage sur la durée avec l’Olympique lyonnais en signant une prolongation de contrat jusque 2018. Le 31, il inscrit un doublé en République tchèque, pour permettre à la formation rhodanienne de valider quasi définitivement son accession au prochain tour de la Ligue Europa. Entre ces deux dates, des prestations convaincantes lors des matchs de préparation lui ont valu nombre de commentaires laudateurs. Juillet 2014, ou comment un ancien paria indésirable et boudeur s’est soudainement mué en homme providentiel. Il y a encore quelques semaines, ce scénario pouvait paraître invraisemblable. L’intéressé venait alors d’achever son prêt à Angers et il n’était plus question pour lui de revenir dans son club formateur. « Je ne voulais pas retourner à Lyon parce qu’ils n’ont jamais eu confiance en moi » , expliquait-il dans une interview récente accordée au site guinéen foot224.net. Il faut dire que le jeune attaquant avait de quoi être échaudé, lui qui a été prêté trois fois en trois saisons et qui n’avait jusqu’alors jamais semblé dans les plans de l’OL.
Chez les jeunes de l’OL, 37 buts en une saison
Arrivé de Guinée à l’âge de 15 ans en 2008, c’est à Périgueux qu’il débarque, échouant d’abord chez un cousin, avant de partir vivre prématurément une vie d’adulte dans des foyers de la ville. Onzième d’une famille de quatorze enfants, Mohamed est un obstiné avec une idée en tête : suivre les traces de l’un de ses frangins, Ibrahima Yattara, de 13 ans son aîné, qui a connu une très honnête carrière en Europe, avec notamment près d’une décennie à évoluer en Turquie sous les couleurs de Trabzonspor. Mohamed en est persuadé, il peut prendre la suite et continuer à faire briller les Yattara dans le monde du foot pro. Pour l’anecdote, c’est d’ailleurs en hommage au frangin qu’il a opté pour cette douteuse teinture blonde. En 2009, alors qu’il a pris une licence dans un club amateur de Périgueux, la légende lyonnaise Fleury Di Nallo le repère par hasard et croit tout de suite dans son potentiel. Il convainc l’OL de le prendre à l’essai pour quelques jours, puis de le tester au tournoi international de Montaigu, en Vendée. Le Guinéen y inscrit 4 buts et signe dans la foulée un premier contrat d’aspirant pro de 2 ans. Intégré à l’équipe U17 la première saison, il inscrit 37 buts. Du jamais vu depuis un certain Karim Benzema. Surclassé en CFA la saison suivante, il ne parvient pas à séduire Rémi Garde lorsque celui-ci est nommé à la tête de l’équipe première en 2011. Jugé encore trop tendre pour l’élite, Yattara part pour un premier prêt en L2 avec Arles-Avignon en janvier 2012. En 19 rencontres et une demi-saison, il inscrit 5 buts et contribue grandement au renouveau de l’équipe, qui termine la phase retour avec une seule défaite au compteur. Yattara est pourtant prié de repartir en prêt la saison suivante, en L1 cette fois avec Troyes. Si statistiquement, son bilan n’est pas fameux (23 apparitions en championnat pour 3 buts), il continue son apprentissage auprès d’un maître en la matière, Jean-Marc Furlan. Mais Rémi Garde continue d’être sceptique et décide de le laisser filer l’été dernier pour un troisième prêt, à Angers cette fois-ci, avec pour le coup un bilan statistique très intéressant : 11 buts en 30 matchs de L2, 3 buts en 4 matchs de Coupe de France.
Hubert Fournier, convaincu de longue date
C’est là qu’il refuse dans un premier temps de revenir à Lyon, lassé, dégouté même, comme il l’expliquait récemment àFrance Football : « J’avais la rage parce qu’on ne m’avait pas donné ma chance. (…) Être prêté à droite, à gauche, ce n’est pas du tout évident. » Fleury Di Nallo parvient néanmoins à le raisonner, persuadé que son protégé finira par avoir sa chance. Et c’est chose faite grâce à l’arrivée d’un nouvel entraîneur : Hubert Fournier, un convaincu de longue date du potentiel de Yattara. L’été dernier, alors qu’il était en poste à Reims, il avait voulu se le faire prêter, mais le club champenois s’était fait doubler par le SCO d’Angers. « J’ai eu un entretien avec lui, a expliqué le joueur à foot224.net. Il m’a dit qu’il comptait énormément sur moi. » Des paroles rapidement mises en acte, avec un Yattara titulaire et décisif à la pointe de l’attaque, lors des matchs de préparation, puis jeudi dernier sur la pelouse de Mladá Boleslav pour l’ouverture de la saison des Lyonnais. Auteur d’un doublé (4-1 score final pour les Lyonnais), il a livré une prestation d’ensemble convaincante, se montrant souvent bien placé et proposant d’intéressants appels dans la profondeur. S’il n’est pas techniquement le joueur du siècle, c’est un opportuniste qui pourrait bien s’entendre avec Alexandre Lacazette, de deux ans son aîné, même si l’association reste à peaufiner. Ils ont tout le début de saison pour ça.
Par Régis Delanoë