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Yannis Salibur : « Je ne recherche pas de street credibility »
À 27 ans, Yannis Salibur s’est imposé comme une valeur sûre du championnat de France. Après un début d’exercice compliqué, le Guingampais peut permettre au club breton de réaliser une bonne fin de saison. L'occasion de revenir sur sa jeunesse à Saint-Denis, ses valeurs, Ronaldinho, Amara Diané et le Paris Saint-Germain, son club de cœur.
Avec ta blessure au psoas, tu n’as disputé que treize matchs de championnat.La blessure est arrivée au mauvais moment, j’ai eu quelques mois très compliqués, mais, à l’image de l’équipe, j’ai mieux fini l’année.
En début de saison, on pouvait s’attendre à ce que tu franchisses un palier et que tu t’installes définitivement comme le leader technique de l’équipe.C’est vrai que j’ai un peu ce rôle, mais tout part des performances. Ce sont elles qui t’amènent à être un leader technique. Sur les six derniers mois, avec ce passage à vide, ça a été compliqué.
Quel est ton meilleur poste ?J’ai joué à pas mal de postes donc je m’adapte, mais j’ai quand même une petite préférence pour le côté droit et le poste de numéro 10. Mais de toute façon, je bouge beaucoup sur le terrain, je ne reste jamais statique.
Quelles différences dans ton jeu lorsque tu évolues à droite ou dans l’axe ?Au poste de numéro 10, il y a un peu plus de monde, c’est parfois verrouillé. Mais ça dépend aussi du système de jeu. Dans un match où l’équipe adverse joue en 4-4-2 à plat, c’est un peu plus facile. Face à un 4-4-2 en losange, c’est plus difficile parce qu’il y a beaucoup de monde au milieu. Sur le côté ça change, on est souvent en un contre un.
Quels joueurs t’ont inspiré ?Ronaldinho et Robinho. C’étaient des dribbleurs, des joueurs spectaculaires et puis il y a aussi Ronaldo, El Fenomeno. Mais Ronaldinho avait un peu tout ce que j’aimais : puissance, spectacle, efficacité. Il a mal fini, mais c’est un joueur qui m’a toujours plu. J’aurais aimé qu’il donne plus, mais bon c’est quelqu’un qui a tout gagné et qui a quand même beaucoup fait pour le football.
En parlant de Ronaldinho, le PSG est ton club de cœur.Oui, depuis tout jeune. Je suis parisien et j’aime ce qu’ils font depuis quelques années.
Ton plus beau souvenir en tant que supporter ?Le but d’Amara Diané qui a permis au club de se sauver.
Affronter son club de cœur, c’est particulier. Je ne me dis pas que je joue contre mon club de cœur, mais contre un adversaire. Je les suis avant et après le match.
Tu récupères des maillots après les matchs face à Paris ?Rarement. J’ai demandé une fois à Serge Aurier le maillot de Maxwell pour un ami, mais je me vois mal courir après quelqu’un à la fin du match.
Ton pronostic pour Real-PSG ?2-0 pour Paris.
Parle-moi de toi.Je suis quelqu’un de discret. J’ai grandi dans le 93, mais je ne vais pas le revendiquer tous les jours pour autant.
Tu n’as pas besoin de street credibility. Non, je ne suis pas ce genre de mec. On est toujours content quand quelqu’un de banlieue, même qu’on ne connaît pas, réussit. On sait ce qu’il a traversé pour en arriver là, mais je ne suis pas le genre à dire tous les jours : « Ouais, je viens de la banlieue, j’ai réussi, c’est super. » Dans la famille, on est des gens très simples. On n’est pas trop dans le « m’as-tu vu » . C’est vrai que certains viennent de la banlieue et aiment flamber, chacun son truc.
Comme tout microcosme, le monde du foot a ses codes : belles voitures, soirée, vacances de rêves…Je me fais plaisir, mais je ne vais jamais le crier sur tous les toits ou prendre des photos pour montrer ce que j’ai. Comme je l’ai dit, je ne suis pas à la recherche de street credibility. Après, je sais, ça fait kiffer un peu les jeunes. Quand je vois Karim Benzema que beaucoup de personnes apprécient, dont moi, il aime montrer sa réussite. Ça ne veut pas dire pour autant que c’est quelqu’un de mauvais, et puis voir la réussite de certains donnent parfois de la force aux jeunes. Ils se disent : « Si je veux avoir ça, il va falloir que je travaille beaucoup plus. »
Les footballeurs sont-ils des boucs émissaires dans notre société ?Je pense que oui. Quand je vois ce qu’il se passe dans certains sports et la façon dont on tape sur Benzema… c’est une question de mentalité. Je pense que c’est aussi de la jalousie. Le mec a de l’argent, il est connu et joue dans le plus grand club du monde. Lorsqu’il dit qu’il est un grand joueur, ça ne passe pas en France, alors que si Cristiano le dit… Alors oui, ils n’appartiennent pas à la même catégorie, mais ça ne dérange personne. Peut-être que les mentalités devraient évoluer un peu en France. C’est vrai que nous, les footballeurs, avons moins le droit à l’erreur que les autres.
Tu as quitté la banlieue pour Clairefontaine, un changement d’environnement.C’était un peu plus strict. On apprenait les valeurs de la vie. J’ai passé de merveilleuses années là-bas durant ma jeunesse, je m’y suis fait des amis. Clairefontaine, c’est surtout une famille et quand on se recroise entre anciens, ça fait toujours plaisir. Clairefontaine, c’est une éducation sportive et surtout humaine. On était très solidaires. On a appris aussi le respect. Nos parents n’étaient pas là et le coach nous a donc aussi plus ou moins éduqués.
Pas trop difficile de se plier à l’autorité ?Plus jeune, j’avais un problème avec ça, donc ça a été un peu plus compliqué que pour les autres. Quand tu es plus jeune, tu ne comprends pas forcément pourquoi on te crie dessus, alors qu’en grandissant tu te dis : « Ah oui, en fait il avait raison. » Mes années à Clairefontaine ont été les plus belles de ma jeunesse. Les soirées Ligue des champions étaient sympas. Ça regroupait les trois générations. On regardait les matchs comme de vrais passionnés.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui rencontre des problèmes de comportement ?Je n’ai pas vraiment de conseils parce que quand tu es plus jeune, tu ne penses pas forcément pareil. Même si tu lui dis quelque chose, il ne va pas forcément y réfléchir. Il va plutôt miser sur son instinct. Mais ce que je dis aux jeunes, c’est qu’entre quinze et vingt ans, il faut essayer d’être patient. Je parle par expérience.
Pas facile.Oui, mais tu dois l’être et continuer à travailler car ton heure viendra. Ça peut prendre un, deux, trois ou quatre ans. J’étais très bien parti à Lille et puis je me suis peut-être un peu endormi. Il m’a fallu du temps pour comprendre que le travail ne payait pas au bout de quelques mois, mais sur plusieurs années. Quand tu es jeune, c’est difficile à intégrer parce que tu es parfois anxieux. Ça n’a jamais été mon cas, heureusement, mais parfois je me disais quand même : « Pourquoi ça n’arrive pas ? » Finalement, même s’il y a eu des bas, j’ai quand même pu arriver en Ligue 1, me faire un petit nom. La patience, c’est un état d’esprit.
Propos recueillis par Flavien Bories