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Yannick Boli : « Comme s’ils n’avaient jamais vu de blacks »

Par Thomas Porlon
Yannick Boli : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Comme s&rsquo;ils n&rsquo;avaient jamais vu de blacks<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Des transferts ratés, des essais aux quatre coins de l'Europe et une offre du Real. À 24 ans, Yannick Boli a déjà bien vécu. Lui le neveu de Roger et de Basile, lui l'ancien espoir du Paris Saint-Germain. Désormais à Bourgas, sur « la Côte d'Azur bulgare », au bord de la Mer Noire, le natif de Saint-Maur roule sa bosse avec son club du Chernomorets Burgas. Entretien.

Tu viens de marquer ce week-end face au CSKA Sofia (1-1). Comment ça se passe pour toi ?

Pour l’instant, tout se passe bien. Ça fait bientôt plus de six mois que je suis là-bas (il est arrivé à l’hiver 2012, ndlr). C’était un pari, car j’ai eu pas mal de rebondissements dans ma carrière ces derniers temps. Mais jusqu’ici, tout s’est bien passé.

Comment t’es arrivé en Bulgarie ?

J’étais sous contrat avec Nîmes. Un jour, j’ai eu un petit clash avec l’entraîneur (Thierry Froger, ndlr) et il m’a écarté du groupe. Le club est ensuite descendu en National à la fin de la saison (2010-2011) et les dirigeants ont résilié mon contrat. Comme j’avais plutôt mauvaise réputation en France, j’ai dû chercher ailleurs. J’ai fait plusieurs essais en Angleterre, notamment aux Queens Park Rangers. Je devais même signer avec eux, mais Neil Warnock s’est fait licencier au même moment et je me suis à nouveau retrouvé sans club. Je n’avais ni la possibilité d’aller en France, ni en Angleterre, ni en Italie, donc je me suis tourné vers les pays de l’Est. J’ai fait un essai au Chernomorets Burgas pendant quelques jours. Puis j’ai signé dans la foulée.

Tu t’es adapté facilement ?

Quand je suis arrivé, il y avait déjà deux Français dans le groupe, notamment Gaël N’Lundulu qui a joué au PSG. Du coup, c’était plus facile pour moi.

En toute franchise, tu penses quoi du championnat bulgare ?

Au départ, je pensais que la Bulgarie était un bourbier pour être franc. Mais j’ai été agréablement surpris par le niveau de certaines équipes. Au premier abord, on se dit que c’est un championnat assez faible. Mais il y a de très bons joueurs ici. Il y a beaucoup de Brésiliens, de joueurs étrangers qui viennent ici, ça fait un bon mélange. C’est vrai qu’il y a un fossé entre les grosses et les moyennes équipes. Mais par rapport à ce que j’ai vu en Ligue 2 et même en Ligue 1, je peux dire que certaines équipes d’ici ont facilement le niveau français.

Et niveau salaire, c’est comment ?

Des bons comme des petits salaires. Ça dépend des clubs, mais il y a en de très bons. Les mecs qui viennent en Bulgarie se mettent assez bien. Je ne connais pas les contrats de tout le monde, mais c’est plutôt pas mal, je crois.

Qu’est-ce que tu penses de l’ambiance dans les stades ?

Lorsque l’on joue des grosses équipes comme le CSKA Sofia ou le Levski Sofia à domicile, il y a toujours une grosse ambiance. Le stade est blindé. C’est totalement différent de la France. Ici, c’est pétards et fumigènes. C’est assez impressionnant lorsque l’on n’a pas l’habitude.

Le week-end dernier, Basile De Carvalho (ancien de Brest et Sochaux) du Levski Sofia a été victime d’insultes racistes et de jets de bananes. Plus tôt, c’était l’équipe d’Angleterre. T’as déjà été confronté à ce genre de situation, toi ?

Sincèrement, j’en ai pas le souvenir. Il y a sûrement des stades en Bulgarie où cela existe, mais moi, je n’ai jamais été confronté à ce genre de choses. Je trouve ça vraiment déplorable.

Parlons vie locale. Comment est la ville de Bourgas ?

La ville est superbe. J’ai l’impression d’être dans le Sud de la France. Il y a la mer, le soleil, les gens sont torse nu. C’est un coin tranquille pour venir en famille ou avec ta femme. C’est très agréable. La vie est vraiment pas chère. Franchement, c’est top, vraiment top. Niveau tourisme, ça progresse aussi. Il y a de plus en plus d’étrangers qui viennent passer leurs vacances ici. On n’est pas dans le trou de la Bulgarie.

La première fois que t’es arrivé là-bas, qu’est-ce qui t’a sauté aux yeux ?

Vu que je suis noir et que ma femme est typée Europe de l’Est, les gens me regardaient d’une certaine façon. C’était un peu choquant au départ. J’avais l’impression qu’ils n’avaient jamais vu de blacks. Ils ont dû se dire « Qu’est-ce qu’elle fait avec un noir ? » Les gens me regardaient comme si j’étais une créature. C’était frappant. C’est pareil pour les autres gars de l’équipe.

Tu disais que ce n’était pas du racisme. C’est quoi, de la méfiance ?

Oui, c’est ça, de la méfiance. Mais bon, moi, tant que personne vient me faire chier ou m’insulter, je fais ma petite vie tranquille et il n’y a pas de problème.

Sinon, quand t’as pas match ou entraînement, tu fais quoi ?

Souvent, je reste avec ma femme. Ça m’arrive d’aller manger avec des potes. Avec les Français de l’équipe, on va à la plage ou on va boire un verre. Je suis sorti une ou deux fois après un match. En fait, on a les mêmes hobbies qu’en France. C’est juste un peu plus difficile par rapport à la langue, on peut pas aller au cinéma, par exemple.

Justement, tu t’es mis au bulgare, un peu ?

J’essaye, mais c’est très dur. Je connais juste bonjour et au revoir.

Niveau nourriture, tu as goûté les spécialités locales ?

Ici, c’est surtout connu pour les yaourts. C’est ça, la spécialité, je crois. Sinon, non, je n’ai pas vraiment goûté aux plats locaux.

Revenons un peu sur ta carrière. À l’époque du PSG (été 2008), le Real avait fait une offre pour toi (500 000 euros). C’était donc vrai, cette histoire ?

Les gens qui regardent mon parcours aujourd’hui vont peut-être douter ou se dire que c’est que de l’intox, mais c’était vrai. On s’était rencontrés au Hilton pour discuter. Mais à l’époque, Alain Roche n’était pas pour. C’était l’opportunité d’une carrière et on m’a empêché de partir. C’était difficile pour moi, car, au final, je suis resté pour ne pas jouer et j’ai été prêté au Havre pour moins d’argent.

Tu en veux au club ?

Je n’en veux pas au club, mais à certaines personnes du club, notamment Alain Roche. Parce qu’ils ne m’ont pas donné de raison valable pour me retenir, alors qu’ils ont laissé David N’Gog partir (transféré à Liverpool pour 2 millions d’euros en 2008, ndlr).

Tu suis encore la Ligue 1 ?

Je suis toujours Paris, mon club formateur. Il y a beaucoup de personnes encore là-bas que j’apprécie, que ce soit dans le staff, les kinés, les coachs que j’ai eus en équipes de jeunes. Et même des joueurs qui sont encore là, comme Chantôme ou Sakho.

Tu as encore des contacts avec eux ?

Oui. On se connaît depuis l’âge de douze ans et même si, aujourd’hui, chacun fait sa carrière de son côté, un texto de temps en temps, ça fait plaisir.

Tu te vois rester plusieurs années en Bulgarie ?

Mon objectif, c’est d’aller dans un club plus huppé, mais, après tout ce qu’il s’est passé, c’était important pour moi de rejouer, de retrouver de la confiance. Pour l’instant, c’est vrai que tout se passe bien, mais mon objectif, oui, c’est de progresser et de partir, un jour. La Bulgarie, c’est bien, mais j’aimerais évoluer autre part.

En France ?

S’il y a une opportunité en France, je suis ouvert. Même à l’étranger. Aujourd’hui, je suis en Bulgarie, ça prouve que j’ai franchi un cap dans l’envie de réussir. Je ne perds pas mon temps, je travaille bien en espérant une bonne porte de sortie.

Tu portes le numéro 94, c’est une dédicace au Val-de-Marne ?

Exactement. Dès que j’aurai l’opportunité de faire un clin d’œil à mon département, je le ferai. Que les gens sachent d’où je viens.

Tchouaméni : un brassard et après ?

Par Thomas Porlon

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