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Yannick Bolasie, le roi du Palace

Par Quentin Müller
4 minutes
Yannick Bolasie, le roi du Palace

Son hat-trick contre Sunderland début avril a fait le tour du Congo et de l'Afrique. En seulement onze minutes, Yala a planté trois buts alors qu'il restait sur une vilaine série de 56 matchs de Premier League pour seulement un but. Repositionné dans l'axe par Pardew, le natif de Lyon est en train de devenir, petit à petit, un tueur. Une sacrée transformation pour cet amateur du geste fou.

Transféré de Bristol City depuis 2012 pour une bouchée de pain (35 0000 livres, ndlr), Yannick Bolasie débarque dans un certain anonymat du côté de Londres. Les Eagles lorgnaient à l’époque sur les deux attaquants des Robins, Albert Adomah et lui. Si Adomah était évalué comme le meilleur des deux, Crystal Palace ne pouvait allonger la monnnaie pour la doublette et prend alors le risque congolais. « On a quand même très vite déchanté en le voyant jouer » , tempère Norman Paice, supporter de la première heure chez les Eagles.

Frappes gradins et gestes brésiliens

Il faut dire que Bolasie n’est jamais passé par la case « centre de formation » . Du coup, le garçon donne parfois l’impression de jouer un cinq-contre-cinq dans la street, ou de mélanger le chaud et le froid. Le Congolais offre quelques incroyables chevauchées, agrémentées de gestes techniques pour une finalité très pauvre en but, au point d’effrayer les spectateurs derrière le but. Heureusement, ses coachs voient en lui un ailier plein de promesses, parfois un peu juste pour rentabiliser ses énormes fulgurances, notamment par des frappes au but, bien plus rares qu’avec le Congo. Distel Zola, joueur de Châteauroux, est arrivé en même temps que Yannick en sélection. Pour lui, le fait que Bolasie ne soit jamais passé par un centre de formation a ses avantages et ses inconvénients. « Il a parfois des lacunes tactiques. Il y a des moments où il fait des choses… tu comprends pas quoi, parce que pour toi, c’est tellement la base. » Chaque petit pas de replacement est un supplice, un mouvement totalement étranger à une réflexion davantage instinctive. « Il est du coup capable du meilleur comme du pire » , affirme Zola. « Comme lors de la demi-finale contre la Côte d’Ivoire, pour la dernière CAN. Il y a trois joueurs sur lui et il veut continuer à dribbler. On ne peut pas lui enlever ça, mais il y a des petites choses qu’il a à gommer. »

Les fans des Eagles ne lui en tiennent pas franchement rigueur, contents d’apprécier sa facilité balle au pied. Un après-midi froid de décembre, Yannick fait lever tout White Hart Lane sur un dribble dont lui seul a le secret. Un truc que bien des rosbeefs amassés dans les tribunes n’avaient certainement jamais vu. Collé à la ligne entre Soldado et Eriksen, « Yala » se défait des deux joueurs de Tottenham d’un somptueux geste qui fera le tour des chaumières anglaises et de la BBC One qui élève Bolasie au rang de star de la Premier League. Pour Oualembo, qui l’a côtoyé en sélection pendant la CAN et eu à de nombreuses reprises au marquage à l’entraînement, « l’ailier des Eagles n’est vraiment pas loin des plus grands, surtout au niveau de l’audace » .

« Bolasie l’a envoyé valdinguer au sol »

Pour comprendre de telles bribes de folie technique, il faut remonter à un commencement tout sauf conventionnel. Natif de Lyon, le mec part très jeune s’aguerrir à Malte où on lui propose un contrat de joueur quasi pro. L’aubaine est trop bonne, mais tandis que ses camarades révisent leurs gammes dans des CFA de clubs de Ligue 1 ou Ligue 2, Yannick est forcé de se faire une place au milieu de bûcherons trentenaires. Après Malte, direction les bas-fonds du football anglais. Plymouth Argyle, davantage connu pour ses belles étudiantes que pour son attrait du beau jeu, Rushden & Diamonds, en passant par Barnet et enfin Bristol. « Ce parcours l’a formé. On en a souvent discuté. Il a galéré, c’est vrai » , révèle Zola. En dehors des terrains, Bolasie n’a pas la même prétention que certains de ses dribbles brésiliens. « Il a grandi à Londres. Il adore la musique, il aime chanter. Il rappe un peu même. Yannick Bolasie, c’est la mentalité des jeunes Londoniens. »

« C’est quelqu’un de très tranquille qui ne cherche pas à se faire remarquer » , confirme Christopher Oualembo. Le type tempéré en dehors des terrains ne correspond pourtant pas vraiment au numéro 7 des Eagles. Norman Paice en sait un rayon. Après la déception, il se souvient surtout d’un soir de décembre 2012 où Yannick est définitivement entré dans son cœur. Sa mémoire aussi. Posé dans les tribunes du très hostile Selhurst Park, Norman éclabousse toute la rangée de sa bière après une intervention très (très) musclée de Bolasie sur le pauvre Espagnol Bruno Saltor, de l’ennemi juré Brighton. « Yannick s’était auto-proclamé avant le derby comme le futur héros du match et de la foule. Il a visé juste, puisque ce jour-là, il avait été élu homme du match. Et donc, ce qui nous a fait lever, c’est cette charge de l’arrière droit de Brighton. Le mec arrive à toute vitesse, mais Bolasie l’envoie valser au sol et continue sa course… Le tout sans qu’aucune faute ne soit sifflée. On en parle encore entre nous, pour te dire. » À la fois tendre et brutal.

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