- Ligue 1 – J30 – Rennes/Lyon
Yann M’Vila mauvaise
Talent précoce, indispensable dans l’entrejeu rennais depuis l’âge de 19 ans, cadre de l’équipe de France à 20 ans, Yann M’Vila, bientôt 22 ans, achève une saison délicate. Sa dernière en Bretagne, avant de connaître sa première compétition internationale et un départ programmé vers un grand club européen. Mais même s’il a des circonstances atténuantes, sa baisse de forme des derniers mois pose question, à quelques semaines du début de l’Euro et de l’ouverture du marché des transferts.
Depuis que Laurent Blanc est le big boss des Bleus, s’il est un poste qui ne subit pas la concurrence, c’est celui de premier récupérateur : Yann M’Vila in da place. De même à Rennes, où les tâches ingrates de grattage de balle dans les pieds adverses et de première relance vers l’avant sont systématiquement confiées au même gazier depuis trois saisons : Yann M’Vila, toujours. Tandis qu’à côté de lui, le turn-over fonctionne à plein (Alou Diarra, Cabaye, Gonalons, Matuidi, Diaby en sélection, Tettey, Doumbia, Pajot et anciennement Mandjeck en club), la place de titulaire de l’Amiénois de naissance n’est jamais contestée. Est-elle pour autant incontestable ?
Un corps élastique jamais blesséJusqu’à la saison dernière, la question ne se posait pas. M’Vila, né en 1990, passé pro dans son club formateur à 18 ans, a vite été imposé à raison comme un incontournable du système tactique mis en place par Fred Antonetti, et ce dès l’arrivée du technicien corse en Bretagne en 2009. Pour ses premiers pas dans l’élite, le gamin précoce impressionne par sa maturité. Façonné dans l’un des meilleurs centres de formation de France, il a dès l’âge de la majorité acquis la panoplie complète du milieu de terrain récupérateur-relayeur. Un poste qui a pris une importance croissante dans le football moderne, et qui n’est pas le moins évident à gérer pour un jeune joueur inexpérimenté.
Sans peur ni complexe, M’Vila déboule dans le monde pro en toute confiance. Le physique aidant (un corps élastique quasi jamais blessé), il peut laisser à loisir parler son intelligence de placement, de récupération, ainsi que sa technique, excellente à ce poste et qui lui permet des relances propres, puissantes, dans les pieds, aptes à transpercer le premier rideau défensif adverse. Dès sa première saison avec l’équipe première, il dispute 49 matchs officiels, entre les prestations en club et les sélections de jeunes, 19 ans et espoirs. Présélectionné pour disputer la Coupe du monde 2010, il ne sera finalement pas du fiasco sud-africain. Homme neuf, symbole de l’émergence d’une nouvelle génération, le gosse beau aux lobes de diamants séduit tout de suite Laurent Blanc.
« Je ne peux pas tout faire tout seul »
M’Vila est depuis de toutes les campagnes en bleu, blanc et marinière, de même qu’il est une des têtes de gondole de la marque à la virgule, enchaînant la saison dernière avec une remarquable régularité les belles prestations en sélection comme en club. A Rennes, loin de la pression médiatique de Paris, Marseille et même Lyon (sans parler de l’étranger), M’Vila est le pacha du milieu de terrain, le gars qui n’a pas à regarder la compo concoctée chaque fin de semaine pour savoir qu’il en est, forcément. Logique, il rayonne, joue à merveille son rôle, règle les situations chaudes sans se livrer, pour toujours permettre à son équipe d’enclencher la marche avant dans de bonne conditions.
Voilà, ça c’était avant. Cette saison en revanche, c’est nettement plus délicat. Moins décisif, plus brouillon, le protégé de Blanc et d’Antonetti confond ses programmes de lavage. De blanchisseur de l’entrejeu, il passe trop souvent en mode transparent. Comme lors du dernier amical des Bleus en Allemagne, ou avec Rennes face à Etienne Capoue, le nettoyeur vapeur de Toulouse. Clairement, Yann M’Vila est actuellement moins précis, moins influent. « Je ne peux pas tout faire tout seul, s’est-il défendu après le match face au TFC. Le problème, c’est que les adversaires s’organisent pour faire un gros pressing sur moi et que je suis obligé de jouer plus bas. » Vrai, s’il semble moins avoir le dessus physiquement sur ses adversaires, c’est aussi qu’il doit désormais composer avec un statut d’international à (ab)battre. D’où un traitement de défaveur et une moins grande latitude pour s’exprimer.
Les jambes lourdes et la tête embrouilléeLui qui dispute ce soir son 149e match officiel en moins de trois saisons ne peut pas éternellement jouer les super héros. Faute de remplaçants valables en club, son entraîneur continue de le titulariser systématiquement, estimant certainement qu’un M’Vila proche du burn-out fait tout de même le boulot. Mais en plus de la fatigue physique, il lui faut aussi gérer l’usure mentale. La tête forcément déjà un peu tournée vers de nouveaux objectifs (son départ de Rennes vers « un top 8 européen » a été récemment acté par Antonetti), il doit faire face à des péripéties extra-sportives. Deux jeunes filles viennent d’être condamnées pour avoir volé plusieurs de ses objets personnels (ordi, téléphones, montre…) en août dernier, lors d’une soirée agitée en marge de l’amical disputé par l’équipe de France face au Chili à Montpellier.
Les jambes lourdes et la tête embrouillée, M’Vila aborde donc le printemps dans de biens mauvaises conditions. Avec une fin de carrière rennaise à assurer (objectifs place d’honneur en championnat et Coupe de France), l’Euro à disputer et un transfert à bien négocier, les semaines à venir s’annoncent pourtant décisives pour le jeune espoir qui doit, dans l’adversité, franchir un palier.
Par Régis Delanoë