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Yann Lorence, le procès d’une époque

Par Nicolas Kssis-Martov
Yann Lorence, le procès d’une époque

Le procès de Yann Lorence, qui a débuté hier, ne survient pas dans n'importe quel contexte. Si la machine judiciaire suit son propre rythme, elle ne choisit pas forcément le meilleur moment pour aboutir. Six ans après la mort du supporter parisien, l'affaire a pris une résonance singulière bien au-delà de la triste affaire judiciaire, et de la volonté de la famille, dont la dignité force le respect, de connaître la vérité. De fait, cette ambiance particulière risque forcément de peser lourdement sur les débats et, plus largement, sur la perception du jugement final. Car les choses ont évolué depuis 2010, et pas forcément pour le meilleur. De quoi secouer le football, voire le pays...

Derrière le drame individuel se cache un longue et terrible histoire. Ce tragique événement résultait en effet de la montée en puissance de la rivalité violente entre les deux tribunes historiques du PSG, avec un arrière fond politique que plus personne ne veut assumer désormais, mais qui a laissé des traînées de cendres et de molaires jusqu’à aujourd’hui. En outre, et contrairement au décès de Julien Quemener il y a dix ans presque jour pour jour, les conséquences de la mort de ce membre de la Casual Firm transformèrent radicalement le visage du Parc des Princes (avec le fameux plan Leproux), un stade et un club donc épuré de ses ultras. Cela modifia même sensiblement la situation des associations de supporters dans toute la France, avec un durcissement législatif accompagné d’une accentuation de la pression des pouvoirs publics via la généralisation des interdictions de déplacement. Or, justement, la mort de Yann Lorence, qui avait justifié cette bascule dans le mode de gestion du monde des tribunes, revient sur le devant de la scène, alors même que la direction du PSG tente timidement, malgré les réticences de la préfecture, de rameuter certains de ses anciens supporters afin de ressusciter, si cela est possible, l’ancien chaudron bleu et rouge. Cette démarche choqua d’ailleurs l’avocat de la famille de la victime, Maître Paul Le Fèvre, qui avait d’ailleurs regretté ouvertement ce timing indélicat, voire contre-productif selon lui : « La concomitance entre ce sujet, qu’on remet sur la table, et le procès est très malheureuse. On aurait pu attendre six mois pour s’interroger sur la réintégration des ultras. Ça pourrait être très intéressant pour tous ces gens qui réfléchissent à leur réintégration au Parc d’attendre le fruit de ce procès pour avoir un regard un peu plus fin sur ce dossier. »

L’opposition des extrêmes

Le passage par la case tribunal ravive en tout cas de mauvais souvenirs, et redonne un second souffle aux tenants d’une ligne intransigeante. D’autant plus que la presse a abondement diffusé une photo montrant l’un des accusés posant fièrement devant le Parc des Princes aux côtés du CUP. Il est vrai que certaines « forces militantes » du parc n’ont pas disparu du paysage, ou des fantasmes. Lorsque l’hypothèse d’un retour partiel des ultras au Parc commença à s’affermir, des services de police avaient alerté sur l’existence d’éléments « pro-palestiniens » en leur sein qui pourraient poser problème. De fait, l’éclatement des tribunes ne laissa pas que des orphelins. Côté VAG, l’AFA (Anti-Fasciste Action Paris-Banlieue) fit régulièrement parler d’elle, du décès de Clément Méric, l’un de ses membres, tué par des skinheads d’extrême droite, aux récentes violences autour des manifestations contre la loi travail. À l’opposé, la « gaza firm » , désormais en sommeil, composée d’anciens K-soce et parfois Karsud, avait clairement affiché une autre orientation avec ses fameux tee-shirts très soraliens « Goy » . En face, des membres du défunt KOB se sont aussi reconvertis dans la politique, au GUD ou ailleurs, prouvant que c’est parfois les gradins qui débordent sur la politique et non l’inverse.

La cause et l’effet

Toutefois, au-delà des évolutions individuelles ou de groupes, c’est la persistance du hooliganisme, parfois avec d’étranges alliances entre ex-VAG, K-soce notamment, et ex-KOB (par exemple en 2012 autour de la Bastille contre leurs homologues croates), qui peut s’inviter dans les débats, peut-être même dans les couloirs du palais de justice. Il n’est pas inutile de rappeler que l’un des prévenus est déjà incarcéré à la suite d’affrontements avec des supporters de Malmö. Loin de s’être complètement éteinte, cette tradition a perduré en filigrane. Derrière ces échauffourées éparses se dissimule l’autre inconnue de ce procès et de son impact éventuel : comment sera abordé la lutte anti-hooligan et son efficacité, au regard du déroulé de la soirée et des prémices de la journée ? Car malgré un attirail judiciaire toujours plus lourd, nos forces de l’ordre passent encore souvent à côté. La bataille rangée de Marseille entre Russes et Anglais durant l’Euro 2016 en fut la démonstration flagrante, du moins s’agissant d’un match à risque. De même, le soir de ce triste PSG-Marseille, la gestion policière pour le moins étonnante, dans une période où la montée des tensions était connue de tous, laisse un grand nombre de questions en suspens, entre complaisance ou incompétence. Quant au club, qui a depuis changé de direction comme d’identité, il ne risque pas de devoir s’expliquer, notamment à propos de sa mansuétude envers des factions violentes et extrémistes du KOB, même si Robin Leproux viendra, semble-t-il, témoigner ce vendredi après-midi.

Le dernier point qui va survoler ce procès restera silencieux tout en s’avérant omniprésent. La mort de Yann Lorence a des coupables qu’il appartient à la justice de juger. Les causes de cette « guerre » ont des raisons d’interpeller toute la société et, finalement, anticipent la phase politique que nous vivons depuis 2010, avec la banalisation du discours identitaire ou encore le flou artistique des lignes de fracture partisanes. Si les magistrats et avocats prétendent s’en extraire pour ne rechercher que les auteurs des coups mortels, cette nouvelle configuration repositionnera inévitablement les débats. Le ton de la presse hier était un signe avant-coureur de cette nouvelle tectonique des rapports de force idéologiques.

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