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Yann Lachuer : « Je savais pas faire 50 000 passements de jambe »

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Yann Lachuer : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je savais pas faire 50 000 passements de jambe<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À l'occasion du numéro anniversaire des 10 ans, So Foot est allé sur les routes de France, à la rencontre des « numéros 10 de province ». Ces footballeurs français chargés d'éclaircir le jeu des équipes de D1 dans les années 80-90. Carnot, Delamontagne, Moreau, Dedebant et... Yann Lachuer. Dont voici quelques extraits de l'interview, non publiés dans le magazine. Au menu de cette 2e partie, entre autres : Bastia, le Djib' et les femmes de joueurs.

Un an à Paris, ça te suffit. Tu enchaînes avec Bastia. Bastia, c’est marrant, car quand je suis allé avec Créteil en L2, il y a eu des bombes agricoles. Je fais une interview dans Le Parisien et je dis : « En Corse, ils se croient tout permis. » Je reçois des menaces de mort, j’ai été obligé de porter plainte. Ma femme a voulu partir en vacances en Corse, j’ai dit non. J’avais un a priori négatif et, pendant la préparation de la 2e saison au PSG, j’étais tricard, je savais que j’allais pas jouer. Tous les jours, il y avait un nouveau club qui se présentait. Je m’en rappellerai toujours, j’étais dans la salle de soins : « S’il y a bien un club où je veux pas aller, c’est Bastia. » Antonetti m’appelle 15 jours après. Il y avait Nancy ou Bastia, les deux me plaisaient pas.

Pourquoi pas Nancy ? T’es à Paris, Nancy quoi ! C’était Bölöni l’entraîneur, ils étaient promus. Il y a un an, j’étais au bord de l’équipe de France, tous les clubs à mes pieds. Et là, t’as Nancy ou Bastia. Bref, je vais à Bastia et j’ai un super feeling avec Antonetti et je me suis éclaté là-bas. Avec lui, je me suis toujours senti protégé.

Passer du PSG à Bastia, un monde…Deux mondes complètement différents, mais ça veut pas dire que Bastia est en retard. Au contraire. J’arrive blessé, car à Paris, j’ai jamais vraiment guéri ma tendinite contractée à Auxerre. Et pourquoi ? Tenez-vous bien. Premier truc que je fais à Bastia, c’est un test pour savoir s’il y a un déséquilibre entre la jambe droite et la gauche. Le mec me dit : « Vous avez un déséquilibre de 33% entre la jambe droite et la jambe gauche. Moi, je vous interdis de jouer. » Alors qu’à Paris, cette machine-là, je la voyais tous les jours. Je suis jamais monté dessus une seule fois. C’est Lama qui l’avait fait acheter quand il s’est fait opérer : « C’est anormal qu’on ait pas ça. » À l’époque, le docteur, ça le faisait chier. C’est sur ordinateur, y a des protocoles, faut savoir s’en servir. Il n’avait pas envie. Les anomalies de Paris, je peux t’en donner des dizaines.

Alors qu’à Bastia…À Bastia, t’avais l’impression de jouer pour une histoire, une région. Je l’ai ressenti dans les relations avec les commerçants. Encore aujourd’hui, j’y vais en vacances. Je vais prendre l’essence, je me retrouve avec du Coca, des sandwichs, des gâteaux. Tu prends, bien sûr. (Rires)

Y avait une bonne ambiance dans l’équipe, contrairement au PSG ? Très bonne, ouais. Pour te dire, lors des matchs à l’extérieur, les femmes de joueurs se donnaient rendez-vous. Certaines amenaient les entrées, d’autres les plats, etc. On appelait ça le « pay-per-view » . Elles regardaient pas le match, mais discutaient entre elles. Ça a duré 6 mois-1 an, mais après, c’est parti en couilles car elles ont commencé à parler des maris. « Pourquoi lui il joue et pas lui ? » Donc ça s’est arrêté. À Châteauroux aussi, comme on est champions, on avait un bon groupe. On avait même un resto-bar qui servait de QG. C’est parce que ça gagne qu’il y a une bonne ambiance ou parce qu’il y a une bonne ambiance que ça gagne ? C’est comme l’œuf ou la poule. Simone te dit : « J’ai pas besoin d’avoir un bon feeling en dehors du terrain à partir du moment où tout le monde assume et fait le travail. » Moi, j’étais plus à penser que si t’es une bande de copains, ça marche. Avec les 9, t’avais quelle relation ? Les 9, c’était pas forcément des copains, mais j’ai toujours eu les meilleurs buteurs. Cissé, s’il a fait sa carrière, voilà quoi… Il le sait et il me le dit. Dufresne meilleur buteur à Châteauroux, né à Bastia, il est pas meilleur buteur, mais il est meilleur buteur français, Guivarch meilleur buteur, Cissé. Voilà quoi. En dehors du terrain, j’ai pas développé l’esprit de copain, car dès que je l’ai fait, au bout d’un an, on change de club. On se voit deux fois, trois fois, puis on se voit plus et ça me saoulait. Avec ma femme, on accrochait bien avec les gens et on se voyait plus.

« Je sais pas si les Allemands ont des sirops particuliers… Parce que bon, pour mettre 6-0 à Barcelone… »

Ça te saoulait car tu es fidèle en amitié ? Ouais, j’ai les mêmes potes depuis l’adolescence. J’ai un pote dans le social, éducateur spécialisé et un autre dans le droit. Ils sont partis de Paris depuis. Dans le monde du foot, j’en ai pas beaucoup. Je voulais me sortir de ce milieu-là. Quand tu as une femme qui aime pas le foot… Je l’ai rencontrée à Auxerre. Elle travaillait dans les assurances. Elle a arrêté. Maintenant, elle a son cabinet de psychologue sur Orléans et Auxerre.

T’as toujours eu les meilleurs buteurs. T’étais dans la passe décisive ? Je prenais plus de plaisir à faire marquer qu’à marquer. La passe, c’est une relation entre le passeur et le buteur. C’est moi qui m’adaptais. Je savais qu’il fallait mettre le ballon là et je savais qu’il allait me demander le ballon là. Cissé, c’est simple de jouer avec lui. Il prenait la profondeur. Je faisais des choses simples. Pas 50 000 passements de jambe, d’ailleurs je ne savais pas les faire. J’étais un accélérateur de jeu en une passe, une touche de balle.

En tant que coach, c’est pas difficile de transmettre ça à des mecs moins bons que toi ? Je fais beaucoup de vidéos, ça évite de faire des grands discours. Faut mettre les joueurs dans ces situations-là, car tu peux pas expliquer un feeling. Tu travailles beaucoup sur des déplacements. Quand ça va moins vite, ça voit moins vite. Donc il y a plus de duels. Dans les grandes équipes, ils se replacent, ils attendent. Ils savent que s’ils vont à ce niveau-là, ils vont s’épuiser. Tactiquement, ils vont se faire éliminer. Bloc médian, ils vont protéger l’axe.

Tu dis que ta femme est pas foot. Quand tu es à la maison, c’est quoi ta vie ? Quand tu es entraîneur, le foot prend beaucoup de temps. Le métier de coach, t’as 6 ou 7 métiers en même temps. C’est pas que le tacticien, c’est gérer des hommes, être bon avec les partenaires, le président, avec le staff médical, dans le recrutement. Quand tu es footballeur, tu penses qu’à toi. Moi, je m’occupais de mes gamins, de mes copains. Après quand il y a un match de foot, je regarde le match.

On a lu que tu étais assez chasse. C’est vrai ? Pas vraiment. Mon beau-père était chasseur. J’y suis allé deux-trois fois. En plus, j’avais un labrador pour la chasse aux canards, mais ça me plaisait pas. J’avais aussi un bouvier bernois. Il y en a un qui s’appelait Mars car il est né au mois de mars et l’autre Norton. Ils sont décédés.

Quelles équipes tu aimes bien aujourd’hui ? J’aime pas des équipes, j’aime des footballs. J’aime bien le football portugais, le football espagnol, le football allemand en ce moment. C’est du foot léché, d’attaque, technique, engagé, qui va vite vers l’avant. J’aime moins l’italien, car il est trop fermé tactiquement. J’ai bien aimé Benfica en C3 même s’ils ont perdu… Je pense que le foot portugais travaille bien. Les Belges travaillent bien aussi. Les Allemands, c’est fort. Je sais pas si les Allemands ont des sirops particuliers… Parce que bon pour mettre 6-0 à Barcelone…

C’est quelque chose que tu as vu, le dopage ? Non.

Et en face, quand tu jouais de la grosse équipe…C’est pas du dopage, mais à l’époque où on jouait Marseille, Guy Roux avait la hantise. Il retournait les packs d’eau pour savoir s’il y avait pas des fuites… Si on n’avait pas essayé de nous intoxiquer… Il était parano. Mais le dopage, non, j’ai pas eu affaire à ça. Je savais que dans une grande équipe du championnat, pour la récupération, ils faisaient des transfusions de glucose. Mais même ceux qui étaient en équipe de France, j’ai jamais eu d’échos de ça. Je sais qu’à la Juve, il y avait 3 médecins et une pharmacie de ouf. (Rires) Même à Paris, j’ai rien vu. Ah si, à Auxerre, on prenait des espèces de sirop aux plantes. Des trucs de grand-mère. Guy Roux, je l’ai vu faire de la tisane dans le vestiaire, quand on était malades. Il allait chercher les plantes à la pharmacie et il nous faisait un truc au miel. Il faisait les courses, comme un père. Son truc, c’était que le joueur ait à penser qu’au foot.

C’est ce que font désormais tous les clubs de foot. Et dès le centre de formation… D’ailleurs, c’est pour ça aussi que quand tu arrives à Auxerre à 15 ans, tu t’en sors pas. Quand tu es ailier gauche et qu’on te dit de manger la ligne, y a pas d’intervalles pour toi. Y a toujours des discussions autour des centres de formation. Pour moi, tu formates les joueurs, pour qu’ils jouent de telle façon. Maintenant, comme le bon jeune est piqué avant, ça pose la question de la formation. Les clubs français le font car ils ont des subventions. À la base, c’est pas pour faire joli. La formation, c’est un business. Le but, c’est surtout de les revendre lors du mercato d’été.

Propos recueillis par Michaël Simsolo, Stéphane Régy et Maxime Marchon, à Orléans

À lire, la première partie de l’interview de Yann Lachuer publiée hier mercredi

Quant aux meilleurs extraits de l’interview, ils sont à lire dans le reportage consacré à ces 10 de proximité dans le So Foot anniversaire.

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