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Wissam Ben Yedder à Montpellier : ni fait, ni affaire
Rien n’est finalisé, mais Wissam Ben Yedder serait bien dans le viseur d’un Montpellier en grande difficulté. Pourtant, le joueur traîne derrière lui de lourdes affaires de violences et d’agressions sexuelles, et quelques procès en cours ou à venir. Preuve que l’impératif sportif et la bonne affaire financière l’emporteront toujours sur les fameuses « valeurs ».
En crise existentielle en ce début d’année 2025, le Montpellier Hérault Sport Club est donc prêt à tout pour se sauver, mais pas à n’importe quel prix. Interrogé par DAZN au sujet de la possible venue de Wissam Ben Yedder, l’entraîneur Jean-Louis Gasset a clairement exposé les seules embûches, et ce ne sont certainement pas, sans surprise, la justice ou la cause des femmes. « C’est ce type de joueur que l’on ambitionne pour Montpellier. Un joueur confirmé, qui est un buteur. […] Il y en a d’autres, mais pour cela, il faut qu’on vende des joueurs. Je l’ai toujours dit, on prendra là où on vendra. » Bref, à part un défaut de trésorerie, l’ex-Monégasque est le bienvenu.
On pourra légitimement s’amuser de la gestion à géométrie variable des questions d’exemplarité du côté de la Mosson. Laurent Nicollin a ainsi sanctionné Téji Savanier, son capitaine, pour avoir en toute franchise expliqué qu’il vivait bien la situation avec ses « 210 000 euros par mois », après une élimination peu glorieuse en 32es de finale de la Coupe de France. Apparemment, la gravité des comportements ne se mesure pas sur un terrain de foot comme dans le reste de la société.
La justice est aveugle, le foot aussi
Wissam Ben Yedder est donc aux yeux du MHSC une bonne affaire potentielle. Son actualité depuis des mois se résume à ses déboires devant les tribunaux, tout juste occultés par l’écho médiatique du procès Pogba. Il est de la sorte poursuivi pour « viol, tentative de viol et agression sexuelle ». Il a été condamné en novembre à deux ans de prison avec sursis, cette fois pour agression sexuelle en état d’ivresse. Il a fait appel, bien qu’il ait reconnu une partie des faits. Au printemps, il sera de retour à la barre pour répondre des accusations de violences psychologiques envers son épouse – le divorce est en cours.
Or, loin de représenter un handicap, cet historique peu reluisant est considéré comme une opportunité inespérée lors du mercato. La chance de recruter à moindre coût un grand attaquant de dimension internationale, sinon hors de portée d’un possible relégable (il touchait 600 000 euros mensuels sur le Rocher et y disputait les coupes d’Europe). Les seules inquiétudes se focalisaient finalement autour de son contrôle judiciaire (double pointage hebdomadaire, interdiction de fréquenter des débits de boissons et de sortir de chez lui entre 20 heures et 6 heures du matin, obligation de soins). Toutefois, son avocate, Maître Hasna Louzé, a rassuré tout le monde : « Il ne l’empêche pas de quitter le territoire national et il n’oppose aucun obstacle à ce qu’il poursuive sa carrière professionnelle. »
Il prendrait de la sorte, en cas d’accord, la suite de Benjamin Mendy (acquitté de six viols), débarqué à Lorient, et de Mason Greenwood (plainte pour violences physiques et sexuelles retirée), devenu un héros à Marseille. Le cynisme reste absolu en France. Les calculs aussi. Entre la lenteur de la justice, les procédures d’appel et la présomption d’innocence, l’ancien Bleu ne sera plus le problème pour le MSHC quand la sentence définitive tombera, et les cas de conscience ne se poseront plus qu’au passé.
Le dilemme des supporters
Si sur les réseaux sociaux, quelques supporters se sont émus de son recrutement, en rappelant notamment les prises de position du club en faveur du foot féminin (là même où Laurent Nicollin a annoncé en avril dernier une baisse drastique du budget), d’autres voix expriment leur lâche soulagement. Cité par L’Équipe, un des fidèles de la Mosson confesse que « si Ben Yedder a le même niveau que Greenwood, je connais peu de supporters de la Paillade qui s’en plaindront dans deux mois, la morale et l’honneur, c’est un luxe qu’on ne peut pas se permettre en ce moment. » Il faut séparer le joueur de l’homme, comme pour Depardieu ou Matzneff ? Sébastien, également supporter montpelliérain, toujours dans le quotidien, s’avère juste davantage sceptique sur la dimension strictement sportive : « On est là à critiquer les joueurs, leur mentalité, et on va s’intéresser à ce mec ? Ça m’inspire du dégoût. Ben Yedder ne doit plus avoir la tête au foot, avec des problèmes d’alcool, de violences, ça n’a pas de sens. » Cette séquence déprécie encore une fois notre Ligue 1, avec l’amère certitude qu’à moins d’être incarcéré, à l’instar de Dani Alves en Espagne, rien ne pourrait empêcher, éthiquement, un tel recrutement. Et même dans ce dernier cas, le club serait capable de demander au juge d’application des peines qu’il puisse évoluer sous bracelet électronique…
Par Nicolas Kssis-Martov