- Euro 2016
- Gr. C
- Pologne-Ukraine
Wingardium Lewyosa
Il reste muet devant les buts, mais son sélectionneur en est satisfait. Qui ? Robert Lewandowski. Un type dont le rendement en phase finale d'Euro est famélique pour son statut, mais qui impressionne depuis deux matchs par sa capacité à se mettre au service d'un collectif d'inspiration défensive. Cependant, pour que la Pologne perce, il va falloir enfin décoller, Robert...
Redford. De Niro. Downey Jr. Pattinson. Hue. Lewandowski. Où qu’il soit, le Robert est un premier rôle. Un homme qui attire la lumière au moins autant que les femmes, les amis au moins autant que les ennemis. Pour le dernier de la liste, c’est même plus souvent le second cas. Car Robert Lewandowski est pour l’instant un homme en difficulté apparente. Depuis le début de l’Euro, c’est-à-dire deux matchs, le 4e au Ballon d’or 2015 n’a pas troué les filets une seule fois pour la Pologne. Une anomalie lorsque l’on sait que le bonhomme était attendu comme Karol Wojtyla dans son pays, buteur providentiel et rampe de lancement divine d’une sélection annoncée comme outsider de la compétition. Pire, si « Lewy » le magicien du Bayern reste muet en équipe nationale, c’est son fidèle compagnon Milik qui en profite. Comme si Harry se faisait bananer par Ron dans la course à choper Hermione. Problème, si c’est le cas dans les bouquins, l’Hermione est dans la vraie vie un navire de guerre vieux de 230 ans et Ron un attaquant qui sort de sa première saison complète aux Pays-Bas. Mais Robert peut-il réellement faire mieux ?
Sa présence profite aux partenaires
Contre l’Allemagne, « Lewy » aura pris sa chance deux fois : à la 21e, sur un tir contré par Höwedes, puis cette fameuse frappe à l’heure de jeu repoussée in extremis par la cuisse de Jérôme Boateng, élu homme du match. D’ailleurs, si le Polonais n’a pas marqué, c’est sûrement grâce au match de patron réalisé par une défense 100% deutsche qualität Boateng / Hummels qui le connaît par cœur. Le premier a gagné 100% de ses duels aériens et récupéré 18 ballons, en se gratifiant d’une course vers l’avant digne de Nesta Carter sous stéroïdes pour mettre son coéquipier munichois hors jeu. Pourtant, à la fin du match, le sélectionneur des Aigles blancs Adam Nawałka se montrait plutôt satisfait du rendement de son capitaine : « Il y a eu des moments durant lesquels l’Allemagne a contrôlé le match, mais on leur avait laissé l’initiative pour pouvoir contre-attaquer. On s’est d’ailleurs créé plusieurs occasions comme ça en seconde période. Même si Robert Lewandowski n’a pas marqué, il a beaucoup travaillé pour l’équipe. Il attire constamment l’attention des défenseurs et c’est aussi pour ça que d’autres joueurs ont pu avoir des occasions. Il est très important pour nous. » Car oui, pour comprendre le rendement du Robert, il convient d’aller un peu plus loin qu’une simple stat : très peu en vue lors du premier match face à l’Irlande du Nord, sa simple présence vampirise les défenses et avait permis à Arkadiusz Milik de réceptionner seul un centre en retrait pour offrir à la Pologne la première victoire de son histoire à Euro. Mieux, face à l’Allemagne, il a brillé en deuxième période par son activité en attaque, tantôt prenant la profondeur, tantôt laissant la pointe à Milik en redescendant en 9 et demi. À l’inverse d’un Cristiano Ronaldo obnubilé par son statut de sauveur de la nation, Lewy s’efface, réapparaît à dessein, et offre même un coup franc à Milik sur une combinaison qui aurait pu tromper Neuer (58e)…
Seul, trop seul
De fait pour l’instant, à adopter un schéma de jeu prioritairement défensif, ce sont surtout les acteurs de la première moitié de terrain qui se démarquent : Grzegorz Krychowiak évidemment au milieu, mais aussi le joueur du Wisła Cracovie Krzysztof Maczyński à la récupération. Encore plus bas, c’est la charnière incarnée par la doublette Kamil Glik – Michał Pazdan qui s’en sort le mieux, impeccable face à l’Allemagne. Bilan provisoire : la Pologne c’est sympa, ça défend bien, mais ça manque de tueurs pour réellement lui faire prendre figure d’épouvantail. La preuve que Milik n’est pas Lewandowski, cette tête plongeante manquée devant Neuer au retour des vestiaires qui aurait pu faire basculer le destin du groupe C. Mais à la décharge de super Robert, son jeu convient pour l’instant parfaitement aux forces en présence. L’équipe défend et lui… se démerde, comme il le confiait à la sortie du 0-0 face à la Nationalmannschaft : « J’aurais aimé marquer, mais je n’en ai pas beaucoup eu la possibilité, j’étais parfois seul devant. Mais les statistiques sont moins importantes que l’équipe : il faut gagner contre l’Ukraine et se qualifier. C’est tout ce qui compte. » En parlant de comptes, tiens : avant cette dernière rencontre de poules, Lewandowski n’a marqué qu’un seul but en phase finale d’un Euro, pour le match d’ouverture 2012 face à la Grèce. Il serait donc peut-être temps que l’homme aux 30 buts cette saison agite son pied magique pour transformer la Pologne en machine à gagner, et enfin influer sur le sort de son équipe. En bref, que Robert s’envole, enfin.
Par Theo Denmat