Vous avez été coach du Cameroun, de la Thaïlande, et maintenant de la Jamaïque. Vous considérez-vous comme un globe-trotter ?
On pourrait dire ça. Je me sens surtout privilégié. J’ai la chance de faire ce que j’adore pour gagner ma vie et d’apprendre de plus en plus sur le monde. C’est incroyable.
Vous êtes en poste depuis 2013 en Jamaïque. Ce pays est-il spécial ?
Sur beaucoup d’aspects, c’est un pays tourmenté. C’est magnifique, mais la vie n’est pas facile pour beaucoup de gens. Mais les gens ne sont pas pour autant aigris, plutôt forts mentalement, pleins de confiance et avec une exceptionnelle attitude. Cette force est celle que j’ai retrouvée dans l’équipe.
Que manquait-il à cette équipe lors de votre arrivée ?
La sélection, comme tout le football jamaïcain, manquait d’organisation et d’un plan à long terme. L’absence de moyens est évidemment un problème. Pour établir une culture footballistique solide, avec de bonnes équipes de jeunes, une bonne formation des entraîneurs, vous avez besoin d’argent. Maintenant, je travaille avec une bonne et ambitieuse équipe. Il reste beaucoup à faire, mais je suis sûr que nous allons faire de très belle choses à l’avenir.
La sélection jamaïcaine a participé au Mondial 98 avant de doucement retomber dans l’anonymat. Comment pouvez-vous l’expliquer ?
Beaucoup d’équipes dans le monde se sont développées et améliorées, quand d’autres, comme la Jamaïque, ont manqué l’opportunité d’établir des fondations solides pour progresser. Mais comme je l’expliquais, c’est avant tout une question de niveau de vie, d’argent. Les pays plus riches se développent plus vite en général – pensez à l’éducation –, le football est juste une conséquence de ça.
Quel a été votre principal chantier lors de votre prise de fonction ?
Il a fallu redonner confiance et retravailler les fondamentaux techniques, athlétiques et la discipline tactique. Après une mauvaise période, nous avions besoin de savoir que tout le monde était conscient du début de cette nouvelle ère. Alors, on a construit une nouvelle équipe avec des vétérans, et de jeunes morts-de-faim. Ensuite, c’est nécessaire de s’asseoir ensemble et de définir des objectifs à court et long terme, et de trouver les moyens raisonnables de réussir.
Vous avez gagné la Coupe des Caraïbes et restez sur une belle série de victoires. Quelle est la clé de vos récents succès ?
Beaucoup, beaucoup de travail et un entraînement strict. Analyser les adversaires, analyser votre propre équipe. Comprendre vos joueurs et leurs capacités. Parler avec les joueurs, travailler ensemble. Améliorer la moindre chose qui peut être améliorée et définir une tactique qui correspond à vos capacités. C’est l’essence du travail d’entraîneur.
Vous avez montré une grande efficacité sur coup de pied arrêtés ces derniers temps. Est-ce que ce sont des séquences que vous travaillez particulièrement à l’entraînement ?
Les fondamentaux sont de bons moyens de réussir à court terme. En tant que coach d’une sélection, vous n’avez pas beaucoup de temps avec votre équipe, donc vous devez choisir avec précaution la façon dont vous organisez les entraînements.
Tout le monde aime les petits poucets…
Vous avez aussi essayé d’installer un jeu d’attaque assez simple et rapide ?
C’est le football moderne ! Rapide, efficace, c’est ce dont vous avez besoin pour gagner.
Quelles sont les lacunes de cette équipe ?
Justement, on travaille dur pour les éliminer une par une. Mais les donner en interview serait donner un avantage à nos adversaires ! Analyser l’adversaire est l’un des parties les plus funs du job pour un coach. Je ne veux pas leur voler leur boulot !
Est-ce que le fait que beaucoup de vos joueurs évoluent en Angleterre ou en MLS influence votre jeu ?
Bien sûr. Ils arrivent avec certaines aptitudes et ce serait dommage de leur demander de faire complètement quelque chose à quoi ils ne sont pas habitués. Comme tout bon coach, j’essaie de construire à partir des forces que je peux trouver dans mon équipe.
Sur vos derniers matchs, vous avez plutôt affronté de petites nations. Comment allez-vous gérer le fait de jouer contre les grosses écuries sud-américaines ?
Beaucoup diront que nous sommes aussi une petite nation, donc nous sommes très fiers de nos récents succès. Et maintenant, jouer contre des grosses équipes est en quelque sorte plus facile, car la pression sur nous est beaucoup moins forte. Nous sommes dans la position du petit poucet et j’aime ça. Tout le monde aime les petits poucets et nous sommes convaincus que l’on va secouer le football. Au moins un peu. Nous nous adapterons à l’adversaire, tout en leur posant des problèmes avec notre jeu athlétique et direct.
Quels sont vos objectifs durant cette Copa América ?
En tant que professionnel, vous voulez toujours gagner. À chaque rencontre, à chaque compétition. C’est en tout cas ce que le peuple jamaïcain attend – nous voir nous donner à 100%. Et c’est ce que nous ferons.
Avez-vous déjà des plans pour contenir Messi que vous affronterez bientôt ?
Je préfère envisager l’équipe dans son ensemble, tout en sachant qu’il en fait partie… Bien sûr, il peut changer la partie à n’importe quel moment, mais c’est notre rôle de lui rendre la tâche la plus difficile possible.
Vous n’avez jamais encore joué de Copa América. Pouvez-vous déjà juger de l’importance de la compétition ?
Pour nous, c’est très important. La Copa América va être suivie partout dans le monde et c’est une superbe opportunité pour nous de montrer que nous sommes une nation jeune, forte et en voie de développement. Nous voulons que les gens nous suivent, que les gens nous supportent parce que nous allons jouer un football courageux et intelligent.
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