- Pays-Bas
- Mort de Wim Suurbier
Wim Suurbier, à la droite du Seigneur…
Wim Suurbier est mort hier à 75 ans d’une hémorragie cérébrale. Héros de l’Ajax des années 1970, le défenseur classieux au physique hollywoodien était tout simplement le plus grand latéral droit de l’histoire du football néerlandais.
Wim Suurbier est né en janvier 1945 à Eindhoven, région du Brabant. Dans ce coin-là des Pays-Bas, le foot est plus porté sur le physique que sur l’esthétisme. Tant mieux pour Rinus Michels, coach de l’Ajax depuis 1965, qui repère Wim pour ses qualités athlétiques (1,80m, un colosse pour l’époque) et ses facilités balle au pied. Intégré un an plus tôt dans la maison ajacide, Wim va se fixer au poste inamovible de défenseur latéral droit et participer de façon décisive à l’élaboration du Football total. Rapide et doté d’une bonne conduite de balle, il combinera dans le système de coulissage vertical (le « position switching » du foot total) avec les deux ailiers historiques de l’Ajax, Sjaak Swart, puis Johnny Rep. « Quand je voyais Suurbier partir devant, je savais que je devais décrocher pour le couvrir derrière. On n’avait pas à me le dire », racontait Swart aux beaux temps de l’Ajax triomphant. C’est carrément en tant qu’ailier droit-bis que Wim Suurbier s’est souvent mis au service de Swart et de Rep qui passaient alors avants-centres et redoutables buteurs. Les deux latéraux Suurbier et Ruud Krol placés haut étaient les composantes indispensables des fameuses attaques « par vagues » de l’Ajax qui étiraient les défenses adverses. Mais si on a souvent vanté les qualités offensives de Suurbier, il faut rappeler qu’il était d’abord un solide défenseur, tenace et dur sur l’homme. Rinus Michels exigeait de tous ses joueurs qu’ils se fassent respecter, et au besoin, qu’ils mettent la semelle.
À l’Ajax, les porte-flingues Neeskens et Suurbier étaient donc les préposés aux « tacles appuyés » , ce qui leur vaudra d’être les chouchous du public d’Amsterdam pour leur engagement athlétique et leur côté « protecteur » des créateurs de l’équipe. Dans un système en 4-3-3 qui fait la part belle aux joueurs de couloir (ailiers et latéraux), Suurbier fera parler sa pointe de vitesse, ses appels de latéral constamment en mouvement et surtout, sa qualité de centre qui deviendra une des marques de fabrique de l’Ajax. Il n’y a qu’à se souvenir des centres millimétrés de Van der Viel sur Zlatan avec le PSG…
Défenseur total et déconneur total
Une fois, le Football total bien mis sur les rails, Rinus Michels a encouragé ses deux latéraux, Suurbier et Ruud Krol (à gauche), à tenter de marquer des buts, une petite dizaine par saison, si possible. Michels avait innové en élargissant le registre de ses latéraux en les faisant jouer en « pieds inversés » . Droitier, Ruud Krol était ainsi incité à entrer intérieur et frapper au but. Wim Suurbier, droitier également, possédait néanmoins une belle frappe du gauche dont il usait parfois en entrant intérieur lui aussi. À ce petit jeu des buts marqués, Rudy se montrera un peu plus efficace que Wim, auteur toutefois d’un but important en demi-finale de Ligue des champions 1971 face à l’Atlético de Madrid (3-0 après le 0-1 à l’aller). C’est ce but du deux à zéro qui envoyait l’Ajax pour sa deuxième finale de C1, avec une première victoire à la clé contre le Panathinaïkos à Wembley. Lors de la finale de C1 de 1972 contre l’Inter (2-0), c’est lui qui avait centré de la droite vers Cruyff, auteur esseulé du premier but du match ! Wim Suurbier sera à jamais l’un des héros de l’épopée des trois titres européens 1971-1972-1973, remportant également les deux Supercoupes d’Europe 1972 et 1973, ainsi que la Coupe intercontinentale 1972. Sur le plan national, il a été sept fois champion des Pays-Bas et quadruple vainqueur de la Coupe.
Un palmarès hors du commun qu’il aurait pu enrichir avec les Oranje s’il avait gagné la Coupe du monde en 1974 et en 1978. Le double finaliste malheureux passa si près de la consécration suprême… En Allemagne, il faisait partie des stars de l’Ajax, charismatiques, sexy et décontractées. En club et en sélection, sa méticulosité professionnelle se doublait étonnamment d’un tempérament de gros déconneur ! Le « Roi de l’humour du football hollandais », comme l’a surnommé le club de l’Ajax, hier, en guise d’hommage affectueux. Avec son acolyte Ruud Krol, ils sévissaient joyeusement avec leurs farces dignes d’un Franck Ribéry.
Wim Suurbier sera l’un des derniers Chevaliers à quitter la Table ronde ajacide, après les départs successifs qui avaient suivi celui de Cruyff au Barça en 1973. Il part en 1977 à Schalke 04 pour une saison, puis au FC Metz avant de s’envoler en 1979 aux Los Angeles Aztecs. C’est aux USA qu’il se fixera pour longtemps au poste de coach dans divers clubs tout au long des années 1980. Il s’occupera brièvement des U20 de Heerenveen en 2002 avant de décrocher pour de bon. Depuis mai 2020, il avait été placé en soins intensifs à la suite d’une hémorragie vasculaire cérébrale qui l’aura finalement emporté ce dimanche à Amsterdam. Il a rejoint au ciel ses potes ajacides, Johan Cruyff, Piet Keizer, Gerrie Mühen, Barry Hulshoff…
Par Chérif Ghemmour