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Wiltord, une étoile à l’hôtel

Par Antoine Donnarieix
6 minutes
Wiltord, une étoile à l’hôtel

Connu pour sa sincérité, Sylvain Wiltord n’a jamais caché son goût pour la vie de plaisir. Une franchise à laquelle l’hypocrisie du monde du foot n’était pas réceptive en cas de mauvais résultats. De son côté, Nino gardait le cap et faisait de l’hôtel sa maison.

Les sourires sont de mise côté lyonnais, et ce, depuis un bon moment déjà. À défaut de concurrence dans le championnat de France, les Gones dominent cette saison de Ligue 1 2006/2007 de la tête et des épaules. Ils sont au-dessus, tout simplement. À la veille de recevoir le Stade rennais à Gerland donc, le 17 avril 2007, un groupe d’une dizaine de joueurs décide de prendre un peu de bon temps lors d’une mise au vert organisée à l’hôtel Sofitel du centre de la capitale des Gaules. La réunion a lieu dans la chambre de Sylvain Wiltord, avec de la musique et sans doute de la compagnie. Une soirée sympa, quoi. Problème, le voisinage du joueur se plaint de nuisances sonores à la réception, et l’affaire commence à prendre de l’ampleur. Jean-Michel Aulas parle d’une affaire qui cause du « tort à l’image du club » , tandis que son entraîneur Alain Perrin estime que son joueur « a peut-être fait son temps ici » . Parti de l’OL à l’intersaison pour… le Stade rennais, Nino en avait profité pour vider son sac sur cette fameuse affaire de l’hôtel dans L’Équipe. « Ils ont essayé de me licencier. C’est grave. Tout ça à cause de l’histoire avant le match contre Rennes. Je plaide coupable. Mais ils savaient très bien que je n’étais pas seul, qu’on était une équipe. Ils ont voulu que je sois le bouc émissaire. Un an plus tôt à Paris, dans les mêmes circonstances, on mangeait des Mc Do à 5 heures du matin avec le coach, et ça ne nous avait pas empêchés de gagner au Parc. » Ou comment jeter son vieux pantalon à la poubelle sans le moindre remord.

« Il aurait préféré jouer à Paris »

Moyennant 1,5 million d’euros, Wiltord débarque donc à Rennes pour la nouvelle saison 2007/2008. Le retour de l’enfant prodigue en Bretagne prend un certain temps, notamment concernant son installation définitive en ville. Là encore, le joueur choisit l’hôtel pour ses débuts au club. Sur le terrain pourtant, Wiltord démarre plutôt bien son expérience avec trois buts en huit matchs. Hélas, Rennes subit une série noire de six défaites consécutives en championnat. Pierre Dréossi quitte le poste d’entraîneur pour celui de manager général et laisse la place d’entraîneur vacante. Le 17 décembre 2007, Guy Lacombe devient le nouvel entraîneur du SRFC. « Avec Wiltord, on s’était déjà rencontrés, bien entendu, explique l’ancien entraîneur du PSG. Il avait été un adversaire dans les années précédentes, donc je le connaissais de vue. Quand j’ai pris l’équipe du Stade rennais, on entendait de tout… Mais je n’ai pas trop fait cas de ça. En tant que coach, je n’avais pas à m’immiscer dans la vie privée des joueurs. Dans la mesure où il était professionnel et bon joueur, il n’y avait pas de problème. » Les deux hommes apprennent à se connaître et doivent aussi faire avec la situation sportive du club. Avec Wiltord titulaire, Lacombe ne gagne qu’un seul match sur ses six premières journées, rapprochant le club de la zone de relégation. Le début d’un clash peut commencer.

Poussés vers la touche, Wiltord et ses 33 printemps s’apprêtent à connaître des heures plus sombres. « Le Stade rennais était dans une période très compliquée, dans la zone de relégation en février, analyse Lacombe. Il fallait prendre des décisions fortes, et je pense qu’il n’a pas compris ma gestion… Le fait qu’il soit sur la pente descendante n’arrangeait pas les choses. » Rennes redresse la barre en cours de saison avec son moustachu à la manœuvre, mais Wiltord ne joue plus. Une situation qui agace le principal intéressé, désireux de le faire savoir dans la presse. « Lacombe parle trop, lâche le buteur dans L’Équipe du 7 août 2008. Le coach veut faire croire que c’est mon conseiller et moi qui avons demandé à ce que je puisse partir. C’est complètement faux. La situation est très simple : le coach m’a dit la semaine dernière qu’il ne comptait plus sur moi. Je suis dans l’obligation de partir. Là où ça commence à m’énerver, c’est que ce n’est plus une question de foot. C’est devenu personnel. Briand ou Pagis sont fatigués, il ne me fait pas entrer. » Si Wiltord estime que ses velléités de départ sont infondées, Lacombe possède encore le souvenir de ce passage délicat. « Je sais qu’il aurait préféré jouer à Paris. Il avait envie d’y aller, et Paul Le Guen le voulait, mais ça n’avait pas fonctionné. Dans cette intersaison, c’est vrai aussi que je n’avais pas compté sur Nino parce que je savais qu’il voulait partir. » Paris, c’est une ville que Wiltord apprécie régulièrement, même sans jouer au PSG.

Besoin de liberté

Écarté du groupe professionnel à la suite de paroles « graves » selon Pierre Dréossi, Wiltord reste fidèle à lui-même. Il séjourne depuis un an à l’hôtel, et passe du temps hors de l’atmosphère bretonne. « Je sais qu’il partait souvent sur Paris, je le savais, explique Lacombe. Mais changer les habitudes de Nino à ce moment-là, ça aurait été peine perdue. Wiltord, c’est un garçon célibataire… Qu’il vive à l’hôtel, ça ne me posait pas de réel problème. C’est vrai qu’on peut penser qu’il va manger ce qu’il veut, mais être à l’hôtel et suivre une alimentation saine, c’est aussi possible. » Forcément moins véloce que lors de ses grandes années à Arsenal ou à Lyon, les sorties médiatiques de Wiltord et son absence de performances sur le terrain l’éloignent des projecteurs du stade de la route de Lorient. Laissé libre en janvier 2009, Wiltord va trouver refuge à l’OM et ne s’achètera pas de maison sur Rennes. « Le fait qu’il soit à l’hôtel pendant un an et demi, c’est vrai, ça prouve qu’il n’envisageait pas d’être rennais, raisonne Lacombe. Mais Wiltord, c’était aussi un joueur particulier, il avait besoin de cette liberté. Quand il était énorme avec Lyon, personne ne parlait de ses sorties… Mais quand ça ne va pas, ça se retourne toujours contre le joueur. » Wiltord aura suivi de bout en bout la même philosophie, celle du plaisir. Et pour être franc, comment lui en vouloir ?

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