Willy Sagnol : «La L1 a un problème depuis 5 ans»

Willy, comment se passent tes premiers pas en tant que commentateur ?

J’avais déjà commenté un ou deux matchs l’année dernière pour Canal+ mais on n’était que deux, donc ça allait. Là, il y avait Philippe Doucet, Dominique Armand… ça faisait du monde. En première mi-temps, je n’osais pas trop intervenir, ça c’est mieux passé en seconde.

Tu arrives sur Canal + l’année où ils perdent les droits de la Bundesliga. Un comble pour toi qui a soutenu ce championnat pendant tant d’années…

Je ne sais pas de combien était l’enveloppe allouée à la Bundesliga mais si Canal + a laissé tomber, c’est qu’il y avait forcément une raison. C’est vrai que je me suis souvent battu pour qu’en France on considère le championnat allemand à sa juste valeur mais je sais pourquoi j’ai perdu le combat : ce n’est pas une question de football, c’est une question de culture. C’est le championnat le plus prolifique, les stades sont toujours pleins, mais les français ne l’aiment pas. C’est un choix que je respecte.

Un combat que tu as gagné en revanche, c’est la venue de Ribéry au Bayern. Comment as-tu vécu le feuilleton de l’été quant à son éventuel départ pour le Real ?

C’est vrai que ça n’avait pas été une mince affaire que de le faire venir à l’époque ! Franck, personne ne lui tient rigueur de ce qui s’est passé cet été, vu les deux énormes saisons qu’il a réalisé. Je me suis tenu à l’écart de tout ça, j’ai juste eu le manager du club au téléphone car nous sommes amis. Dans l’histoire, le seul perdant, c’est Franck. Le Bayern a montré qu’il ne cède que s’il en a envie. Je pense que Franck aurait du s’exprimer. « Je pars » ou « je reste » , quelque chose de clair. Là, ça a toujours été à demi-mot. Son entourage a aussi commis des erreurs de communication. Et puis le Real ne peut pas tout acheter. Leurs démarches sont répréhensibles. Le Bayern est un des clubs les plus titrés au monde, avec une autre gestion, l’issue aurait pu être différente. Mais là, ça a pris des proportions ingérables.

De retour en France, que penses-tu de la Ligue 1 ?

La Ligue 1 a un problème qui date depuis 5 ans. On sait que les joueurs vont jouer chez le plus offrant, les écarts se creusent… En France, il faut que les clubs continuent sur leurs forces, à savoir la formation. Avec des lois pour protéger les jeunes joueurs, ils peuvent s’en sortir.

La Ligue 1 est peut-être en train de changer. Tu as commenté Marseille-Lille. Sur le terrain, il y avait Mandanda, Heinze, Rami, Mavuba. C’est bien qu’ils soient en France, non ?

Mavuba est parti à Villareal mais il n’a pas pu s’imposer. A l’étranger, on ne laisse pas le temps, c’est comme ça. Je pense qu’avec du temps, Rio se serait imposé mais pour lui, c’était dur. Chaque année, la Ligue fait des efforts pour promouvoir le championnat. C’est bien mais quand on voit la vétusté des stades français, on se dit qu’il y a un problème. Notamment pour les sponsors. Pourtant, un sponsor content va continuer à investir. J’ai vu que l’Etat avait débloqué 200 millions d’euros pour améliorer la qualité des stades. Il y a dix stades, ça fait donc 20 millions d’euros par stade, c’est trop peu.

En Ligue 1, il y a aussi Monaco et Saint Etienne, tes deux anciens clubs, qui vont plutôt mal…

Pour Monaco, ça m’attriste mais c’est une suite logique. Depuis le départ de Campora, il n’y a pas eu un seul dirigeant digne de ce nom. Lui, il arrivait à maintenir le club à flot. Tous ceux qui sont passés derrière, ils ont plus servi leurs poches que celles du club. Quant à Saint Etienne, pour connaître le président Romeyer, et je sais qu’il donnerait sa vie pour le club, je trouve ça triste. Mais sans entrer dans les détails, ce n’est pas vraiment une surprise.

Récemment, tu as déclaré que tu souhaitais entraîner. La réussite de Laurent Blanc t’inspire ?

C’est vrai qu’il a fait certaines choses et ça a pu me donner envie. Un grand entraîneur, ce n’est pas forcément un grand joueur, c’est quelqu’un qui sait fédérer. Il a mis longtemps avant d’entraîner, pas forcément par choix. Sa réussite doit surtout changer le regard des dirigeants. Il fait partie de ces footballeurs qui ont écrit les plus belles pages du football français. On fait plus attention à eux et certains dirigeants n’étaient pas prêts à partager la lumière.

En ce qui concerne l’Equipe de France, tu n’as toujours pas de successeur attitré…

Et ça ne veut rien dire ! C’est souvent une question d’expérience, alors prenons notre temps. Sagna s’est installé durablement donc il a les meilleures cartes. Mais attention car en Equipe de France on ne peut pas se contenter de bien faire, il faut très bien faire, tout le temps.

Maintenant que tu es consultant sur Canal +, tu vas recroiser Marcel Dessailly…

Depuis la Coupe du Monde 2006, les choses se sont aplanies. Ca ne sert à rien d’entretenir les rancœurs. Et puis ce que je combattais, ce n’était pas la critique, c’était la forme. Une critique est toujours bonne à prendre. Qu’elle vienne d’un joueur, d’un entraîneur, d’un consultant… Dire que quelqu’un n’est pas bon, ok. Mais il faut aussi dire pourquoi, dans quelle mesure il aurait pu mieux faire.