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Willkommen im Zentralstadion

Par Julien Duez
5 minutes
Willkommen im Zentralstadion

Presque trois décennies après sa dernière apparition, la ville de Leipzig est de retour sur la scène européenne. Orpheline d’un pensionnaire au sein l’élite depuis 1994, la métropole saxonne – un temps capitale du football en RDA – doit son retour sous le feu des projecteurs à l’ascension fulgurante d’un club né il y a seulement huit ans : le RB Leipzig, héritier malgré lui d’un morceau de patrimoine du ballon rond allemand.

Le 26 octobre 1988, après quatre-vingt-dix minutes d’une intensité rare, René Müller quitte le terrain du Zentralstadion, épuisé, mais l’air satisfait. Pour ce match aller du deuxième tour de la Coupe de l’UEFA, le portier du Lokomotive Leipzig est parvenu à tenir tête au Napoli de Diego Maradona, avec l’aide de 80 100 spectateurs. « Il faudra probablement attendre plusieurs décennies pour revoir un tel match à Leipzig » , déclare Müller après la rencontre. Il ne croyait pas si bien dire : vingt-neuf ans très exactement.

Le stade des cent mille

À l’image du Stade de France, le Zentralstadion de Leipzig est une arène omnisport qui n’est pas directement promise à un club. Au contraire, lorsqu’elle est inaugurée en 1956, elle sert immédiatement à des fins de propagande. Le régime de RDA y organise en effet sa fête bisannuelle de la gymnastique, au cours de laquelle une centaine de milliers de spectateurs se régalent des tableaux humains célébrant la grandeur du socialisme à travers le sport. D’une hauteur totale de vingt-trois mètres, le Zentralstadion a la particularité d’être construit sur une base d’un million et demi de mètres cubes de débris de la Seconde Guerre mondiale. Son architecte, Karl Souradny, est également à l’origine de la célèbre Karl-Marx-Allee de Berlin, construite dans le plus pur style stalinien. À Leipzig, son nom rime avec une arène restée longtemps la deuxième plus grande du monde, derrière le Strahovský stadion de Prague et devant le Camp Nou.

Très vite, le « stade des cent mille » , comme on le surnomme en référence à sa capacité totale, accueille des matchs phare du football est-allemand. Que ce soit lors de derbys de première division ou de rencontres de l’équipe nationale, il est chaque fois comble et devient un temple du ballon rond derrière le Rideau de fer. Pour ses rencontres européennes, le Lokomotive Leipzig quitte exceptionnellement son stade Bruno-Plache et affiche souvent complet face à des équipes comme Benfica, le Fortuna Düsseldorf ou Tottenham.

Mais la rencontre qui restera à jamais dans l’histoire implique une défaite de Bordeaux aux tirs au but en demi-finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes. « Certains parlent de 93 000 spectateurs présents ce soir-là, se rappelle Heiko Scholz, à l’époque milieu de terrain du Lok. Mais je sais qu’au total, ils étaient 110 000. On ne voyait plus une seule marche de libre dans les escaliers. » Un an plus tard, face à Naples, ils sont plus de 80 000 à se masser pour voir Diego Maradona danser sur le gazon lipsien. « Nous étions une équipe de quartier face à une équipe mondiale » , poursuit Heiko Scholz, dernier joueur en date à marquer lors d’une rencontre européenne au Zentralstadion. « C’était un but contre son camp, mais qu’importe, il a quand même sa place dans les livres d’histoire » , ironise-t-il.

Zizou et la porte cassée

Dans le football comme dans d’autres domaines de la société, la réunification allemande a sonné le glas de la région saxonne et, plus généralement, de toute l’ex-RDA. Tombée en disgrâce, l’ancien État se retrouve en grande difficulté financière, et le Zentralstadion dépérit. De son côté, le Lokomotive Leipzig enchaîne relégations et faillites et stagne aujourd’hui en quatrième division. Entre-temps, de nouvelles normes de sécurité apparaissent et il n’est désormais plus possible de jouer une rencontre de football moderne dans une enceinte vétuste de cent mille places. En prévision du Mondial 2006 et pour éviter que tous les stades-hôtes ne se situent en ex-RFA, des travaux de rénovation sont entamés, et le Zentralstadion est amputé de soixante mille sièges. Le résultat final donne un modèle réduit de l’original, placé au centre du terrain qui faisait jadis la gloire du football à la sauce socialiste. Pour accéder aux tribunes, le spectateur doit traverser des ponts qui relient le sommet de la cuvette à celui des tribunes. Comme un lien entre passé et présent, symbolisé par le RB Leipzig, dont les propriétaires avaient prévu dès 2009 d’en faire le jardin.

Avec ses quarante-deux mille places, le Zentralstadion fait petite mine face aux enceintes historiques de Berlin, Munich, Dortmund ou même Nuremberg. Lors du Mondial allemand, il se contente des miettes : un huitième de finale qui fait suite à quatre matchs de poule, dont un France-Corée du Sud passé à la postérité après que Zinédine Zidane a massacré une porte du stade pour expulser la frustration d’avoir écopé d’un deuxième carton jaune. Le propriétaire de l’époque avait un temps pensé à attaquer la FFF pour obtenir réparation, avant de se raviser. Il choisira finalement de conserver la porte en l’état, « en souvenir d’un des plus grands footballeurs de l’histoire » .

Entre-temps, l’eau a coulé sous les ponts de l’Elbe. Depuis le rachat de son nom par la marque au taureau rouge en 2010, le Zentralstadion se fait désormais appeler Red Bull Arena. Un temps exploitante des lieux jusqu’en 2020, la firme autrichienne vient de trouver un accord de principe avec la municipalité pour en devenir l’unique propriétaire. Le projet de faire passer la capacité de 42 000 à 57 000 sièges est proche de devenir réalité. De quoi être en phase avec une région en pleine renaissance.

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Propos de Heiko Scholz recueillis par Kicker.

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