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Willian, le remplaçant différent
Sur le banc cette année, mais utilisé à chaque match, le Brésilien est régulièrement décisif lorsqu'il a du temps de jeu. Auteur d’un doublé ce week-end contre Tottenham en demi-finale de la FA Cup, il fait finalement et paradoxalement partie de l’équipe titulaire. Grâce à son investissement et à la gestion d’Antonio Conte.
Il est le douzième homme. Dans les statistiques comme dans les esprits. Celui dont on couche le nom en premier sur la feuille de match, même si c’est pour l’inscrire dans la catégorie « Substitute » . Il ne s’agit pas d’un supersub. Non, il est bien davantage que cela. Depuis quelques mois, Willian a inventé un nouveau statut : le remplaçant qui termine tous les matchs. Même s’il se déguise parfois en titulaire qui n’en finit aucun. Paradoxalement, cela ferait presque de lui un membre à part entière de l’équipe type. Parce qu’aux yeux d’Antonio Conte, il est aussi important qu’un joueur du onze. Très clairement.
Remplaçant parfait
Cette saison, le Brésilien a donc joué 1310 minutes en Premier League. Moins que onze éléments de Chelsea, mais plus que tous les autres (Cesc Fàbregas suit avec seulement 962 minutes). Il est aussi le remplaçant qui a connu le plus de titularisations (quinze), le deuxième à être entré le plus en cours de jeu (quinze fois également) et le quatrième homme à être le plus sorti (treize fois). Bref, malgré une absence due au décès de sa maman en octobre, le Sud-Américain a participé à 28 journées sur 33 (soit plus que Marcos Alonso, indéboulonnable à gauche). Jamais il ne s’est assis sur le banc sans s’en lever en cours de rencontre et sans avoir déversé un peu de sueur sur le terrain avant de filer à la douche. En gros, depuis le passage des Blues en 3-4-3, le schéma classique est le suivant : quand le onze type est présent, la touffe entre en fin de partie pour cinq, quinze ou trente minutes. Sans jamais se plaindre ni rien revendiquer.
Et c’est là que le monsieur est intéressant : si certains ragent contre sa tendance réelle à ralentir le jeu, Willian démontre un investissement sans faille dans son rôle de suppléant alors qu’il était considéré comme le principal atout de son équipe il n’y a pas si longtemps (quand José Mourinho était encore là). D’autres remettent en cause son apport dans le jeu et devant les buts. Pourtant, l’ancien du Shakhtar Donetsk n’a jamais marqué autant de buts sur une saison en championnat (six contre cinq lors de l’édition précédente ou en Ukraine). Dans ces conditions, normal que Conte l’utilise d’entrée lorsqu’il faut faire souffler Eden Hazard ou quand il faut pallier des absences. En coupes nationales, par exemple. Ce fut le cas samedi, dans une demi-finale de FA Cup tendue face à Tottenham. Résultat ? Un doublé (coup franc direct + penalty) et une prestation somme toute très satisfaisante pour lui. Au tour précédent contre Manchester United, c’était déjà l’ailier qui avait servi N’Golo Kanté pour le seul pion du match. En huitièmes, il avait également réalisé une passe décisive pour l’ouverture du score de Pedro (0-2 à Wolverhampton). Autant dire qu’il ne rechigne pas à mettre son talent au service des siens.
La méthode Conte
Mais si Willian représente un remplaçant modèle, Chelsea ne le doit pas qu’au bon état d’esprit du joueur. Car Conte n’est pas étranger à la fabrication de ce fauteuil si spécifique. Pedro Kamata, qui a connu exactement la même situation à Bari en 2008-2009 sous les ordres de l’Italien, décrit son contexte personnel et la méthode globale : « Quand je suis arrivé, j’étais joker de luxe, j’entrais systématiquement lors des 20-25 dernières minutes. Et je savais que ça allait se passer comme ça. Quoi qu’il arrive. Avant les matchs, Conte me demandait donc d’observer chaque détail de la partie. Il me prévenait :« C’est important, car je vais te faire entrer sur la fin. » Dans tous les cas, je participais. J’entrais soit pour aller chercher un résultat, soit pour le conserver et provoquer des fautes. Dans cette situation, tu te sens hyper concerné. Et tu sais exactement ce que tu dois faire. »
D’accord, mais comment se débrouille le coach pour éviter la lassitude ? « Moi, il me valorisait à fond. Il me disait :« Tu n’es pas un remplaçant, mais un super remplaçant. » Et je te garantis que je me sentais très important. Du coup, ce statut m’allait très bien. En fait, il te fait comprendre la notion de collectif. Une fois, il m’avait raconté la finale de Ligue des champions 1997 perdue contre Dortmund avec la Juve. Il n’était même pas dans le groupe. Sur le coup, il était presque content, car les journaux pointaient son absence le lendemain. Mais il s’est vite rendu compte qu’il avait une ligne de moins à son palmarès. Et que le collectif devait primer sur tout le reste. » Peut-être a-t-il sorti la même anecdote à Willian. En tout cas, ce dernier s’est désormais transformé en une sorte de remplaçant titulaire. Une nouvelle espèce dans le football.
Par Florian Cadu