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William Foulke, le gros’llkeeper
Quand on pense aux gardiens anglais emblématiques, on pense obligatoirement à Gordon Banks, Peter Shilton ou Ray Clemence. Les plus anciens, ou les plus curieux, se souviennent eux de William « Fatty » Foulke, un gardien de but aux dimensions gargantuesques qui officiait au début du siècle dernier.
Thibaut Courtois, Hugo Lloris, David de Gea, Kevin Trapp ou encore Marc-André ter Stegen et Manuel Neuer, tous ces gardiens de but le prouvent : on a aujourd’hui tendance à préférer des portiers grands par la taille. Mais l’autre point commun de ces joueurs, c’est qu’aucun d’eux n’est en surpoids. Car le foot moderne ne le tolère pas, ni pour les joueurs de champ ni pour les gardiens de but. Nouvelle preuve qu’en un siècle à peine, le football a bien évolué. Au début du siècle dernier, il n’était effectivement pas si rare de trouver dans les buts des clubs récemment créés des gardiens de but énormes. Énormes par le talent, parfois, mais surtout énormes par le poids. Le plus célèbre d’entre eux s’appelait William Foulke et était logiquement surnommé « Fatty Foulke » . Il mesurait au bas mot 1,93 mètre (les rapports varient) et pesait 152 kilogrammes. Il était surtout connu pour son comportement imprévisible et son amour démesuré de l’alcool. Un homme pas comme les autres, qui est malgré tout devenu la première star de l’histoire du football.
Who ate all the pies ?
Né en 1874 à Dawley, dans le Shropshire, William Foulke commence le football dans le petit village de Blackwell Pit au début des années 1890. Il est très rapidement repéré et recruté par Sheffield United, en 1894. À l’époque, il est recruté pour vingt livres, une véritable petite fortune. Jusqu’en 1905, il devient le meilleur gardien du championnat, permettant aux Blades de remporter un titre de champions (en 1898) et de ramener la Coupe d’Angleterre à Bramall Lane (1899 et 1902). En 1895, déjà, Scottish Sport vantait ses mérites : « Avec Foulke, Sheffield a trouvé un gardien qui ne sera pas battu facilement. Il fait partie de ces gros joueurs qui peuvent s’asseoir sur la barre transversale quand ils le veulent, mais il n’est pas pataud comme les autres. » Lors de la saison 1895-1896, il empocha trois livres par semaine, devenant le footballeur le mieux payé du championnat, loin devant la moyenne des joueurs, qui touchaient une petite livre par semaine, deux dans le meilleur des cas.
De par son poids, sa taille et son statut, William Foulke devient le footballeur le plus médiatisé de son temps. « Fatty » commence alors à se permettre quelques écarts de conduite. Il lui arrive par exemple régulièrement de quitter son poste quand il juge sa défense pas assez concentrée. Lors de la finale aller de la FA Cup face à Southampton, en 1902, William Foulke réalise sa plus belle sortie de route. Alors que Sheffield mène un but à zéro, les Saints égalisent. Mais ce but est entaché d’une position de hors-jeu. Furieux, Foulke ne décolère pas dans les vestiaires. Nu, il se met à courir après l’arbitre de la rencontre, Mr. T. Kirkham, qui est obligé de se réfugier dans un placard. Cette scène cocasse est détaillée dans Match of the Millennium de David Bull & Bob Brunskell. Lors du match retour, Foulke réalise un match plein et permet aux Blades de s’imposer deux buts à un et de remporter la coupe. Malheureusement, William boit un peu trop, à tel point qu’il va au clash avec tous ses coéquipiers et ses dirigeants. Il ne peut pas rester à Sheffield.
Un gros à Chelsea
À l’été 1905, « Fatty » est recruté par Chelsea pour cinquante livres. Plus qu’une fortune, c’est une somme démesurée qu’investit le club de la capitale dans le gardien de buts. Mais l’enjeu est de taille : à l’époque, rien n’empêchait un joueur de pousser le gardien de but dans ses cages alors qu’il tenait le ballon dans les mains. Mais trouver un attaquant capable de faire bouger ne serait-ce que d’un iota William Foulke s’avère impossible. Commence alors une vaste campagne de propagande des Blues, qui veulent semer la terreur avec leur recrue. Sur chaque photo de match, il est au centre, entre deux minuscules joueurs. De plus, le club prend l’habitude de poster deux petits garçons de part et d’autre des cages de Foulke pour déstabiliser les attaquants adverses. Quand les ballons partaient au loin, les garçons partaient souvent les chercher. Et c’est ainsi que sont nés les ball boys. La vie à la capitale ne plaisait pas à l’énorme de gardien de but, qui ne passa qu’une saison à Chelsea avant de rejoindre Bradford City.
Jusqu’à la fin de sa carrière, en 1907, un chant le suivait dans tous les stades où il se déplaçait. D’après la légende, c’est effectivement pour lui qu’aurait été inventé le célèbre « Who ate all the pies ? » Ce à quoi il aurait un jour répondu : « Je m’en fous de comment ils m’appellent, du moment qu’ils n’oublient pas de m’appeler pour le déjeuner. » Les informations sur la fin de la vie du gros gardien de but diffèrent d’une source à l’autre. Certaines affirment qu’il aurait vécu ses derniers jours en tant qu’attraction dans une fête foraine de Blackpool. Il meurt à 42 ans d’une cirrhose après une vie et un ventre bien remplis. Son nom et son image continuent d’alimenter les légendes, et il n’est pas rare que dans les pubs de la perfide Albion, ses frasques fassent encore rire gros et moins gros partageant une pinte.
Par Gabriel Cnudde