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Will Still on fire

Par Adrien Hémard-Dohain
7 minutes
Will Still on fire

Et si vous lâchiez votre souris pour prendre en main un vrai club ? Mordu de Football Manager depuis son enfance, Will Still est aujourd’hui, à 30 ans, l’entraîneur le plus jeune de Ligue 1. Nommé en intérim sur le banc de Reims après le départ d’Óscar García, le technicien belge a cinq matchs pour faire ses preuves, avant de retourner apprendre au cœur du staff du prochain entraîneur rémois. Un nouvel épisode fidèle à un début de carrière précoce, qui le voit alterner entre ombre et lumière. Pour le moment.

Le Stade de Reims avait déjà l’effectif le plus jeune de Ligue 1, il en a maintenant l’entraîneur. Pour fêter ses 30 ans, qu’il a eu la semaine dernière, Will Still a eu un sacré cadeau. Après avoir écarté l’énigmatique Óscar García, Jean-Pierre Caillot a en effet confié les clés du camion Stade de Reims au Belge, jusque-là adjoint, et appelé à le redevenir après la Coupe du monde. Pas encore diplômé par l’UEFA, l’entraîneur belge des Champenois se voit confier une mission d’intérim à 30 balais à peine, de quoi faire passer Julian Nagelsmann (35 ans) pour un vieux croûton. Mais devinez quoi ? À lui non plus, on ne lui parle pas d’âge. Car Will Still a beau être plus jeune que son capitaine Yunis Abdelhamid (35 ans), ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve dans une telle situation.

François Damiens, Standard et jeunisme

En vérité, le trentenaire traîne déjà un sacré bagage. Fils de parents anglais venus s’installer dans le Plat Pays deux ans avant sa naissance, le petit Will en a toujours pincé pour la gonfle. Alors, à l’heure de choisir son avenir, celui qui a frôlé le monde professionnel balle au pied (joueur de 4e division) force le destin. Après trois mois à Louvain, il lâche ses études de kiné. À 17 ans, monsieur quitte la bourgade familiale de Braine-l’Alleud – patrie de François Damiens, Enzo Scifo et dont le hameau Sart-Moulin en inspira un autre à Hergé – et s’envole pour le Lancashire. Le sosie de Tintin y rejoint le Myerscough College de Preston, où il va pouvoir laisser son ordinateur de côté pour apprendre à jouer à Football Manager dans la vraie vie. Dans cette université du football, il se forme au coaching du ballon rond et se fait la main sur les U14 de Preston North End. Le diplôme en poche, Will Still quitte l’Angleterre pour revenir sur sa terre natale. Au culot, il décroche un poste d’analyste vidéo à Saint-Trond, en D2 belge, à l’été 2014, dans le staff de Yannick Ferrera. Bingo : le club est promu, et le technicien file au Standard de Liège. Will Still, alors âgé de 22 ans, le suit.

Il faut regarder les années passées dans le football ! Il y est depuis ses 17 ans, il est très expérimenté. Quand on additionne tout ça, l’âge n’a plus d’importance.

La première aventure liégeoise ne dure qu’une saison. Malgré une victoire en Coupe de Belgique, Ferrera et son staff sont remerciés en septembre 2016. Will Still se retrouve sur le carreau. Mais il rebondit du côté de Lierse, où il devient adjoint en plus de son rôle d’analyste vidéo. En juin, il pense faire son retour au Standard, mais il ne reste que deux jours sur les bords de la Meuse, déçu du peu d’attention qu’on lui porte. Still n’hésite pas à rappeler Lierse qui, pas rancunier, l’engage de nouveau. Puis les choses s’accélèrent : après avoir limogé Frederik Vanderbiest, Lierse nomme Will Still entraîneur. Le gamin de Braine-l’Alleud devient alors le plus jeune coach de D2 belge. Mieux : avec 7 victoires de rang, il marque les esprits. Toutes les planètes sont alignées pour voir sa carrière décoller. À part le diplôme nécessaire. Pour éviter de payer les amendes, le club lui flanque un numéro 1 fantoche dans les pattes. Mais la belle histoire se termine en banqueroute générale. Will Still rebondit alors au Beerschot, et rebelote : Stijn Vreven est écarté, l’analyste vidéo prend la suite. Cette fois, à 28 piges, il devient le plus jeune entraîneur de Belgique. Malgré une honnête 9e place, il est écarté en fin de saison au profit d’un coach plus âgé. Foutu jeunisme.

Will est bien plus qu’un entraîneur-ingénieur, collé à son ordinateur. Les datas, il les maîtrise et s’en sert, mais c’est avant tout un homme de terrain.

C’est alors que démarre sa première aventure rémoise, en juin 2021. Elle sera courte. Quatre mois plus tard, Will Still surprend tout le microcosme local en claquant la porte du staff d’Óscar García. Le Belge est alors en réalité en train de passer ses diplômes UEFA, et les allers-retours entre la Marne et le Plat Pays ne l’y aident pas. De retour à la maison, il en profite pour rejoindre le Standard de Liège, repris en main par Luka Elsner, tombé sous le charme du technicien roux. « Quand j’étais à l’US saint-gilloise en D2, j’ai affronté son Beerschot. Puis on s’est rencontré lors d’un séminaire, on a beaucoup parlé de l’analyse vidéo. On a bien accrochés », raconte le coach du HAC. « On n’est pas éloigné en matière d’âge, on a la même vision du football… Quand je l’ai retrouvé au Standard, c’était un plaisir. On a eu une super entente, même si ça ne s’est pas traduit en résultats. » Le Slovène est écarté à la fin de la saison, après le rachat du club, tout comme Will Still.

En première ligne à Reims

Depuis, Luka Elsner a pris la route du Havre, et Will Still est revenu à Reims, dans le staff d’Óscar García. Et comme souvent dans sa carrière, le Belge se retrouve propulsé en première ligne. « C’est son plus grand défi : en tant qu’adjoint, il a une relation de confiance incroyable avec les joueurs. Son relationnel est l’un de ses principaux atouts. Mais maintenant, il va devoir transposer ça à un rôle d’entraîneur principal », analyse son ancien numéro 1, pas surpris de voir Reims lui faire confiance. « Will est très bon dans l’animation et la préparation des séances, il a beaucoup d’idées novatrices. Il transmet bien l’énergie au groupe », décrit Elsner, pour qui « Will est bien plus qu’un entraîneur-ingénieur collé à son ordinateur. Les datas, il les maîtrise et s’en sert, mais c’est avant tout un homme de terrain. » Quant à sa jeunesse, Luka Elsner – bien placé pour savoir du haut de ses 40 ans – balaye : « Il faut regarder les années passées dans le football ! Il y est depuis ses 17 ans, il est très expérimenté. Quand on additionne tout ça, l’âge n’a plus d’importance. » Le Slovène glisse toutefois un conseil : « Parfois, on a tendance à être plus autoritaire parce qu’on est plus jeune, pour imposer une distance. Ça m’est arrivé, mais pour Will, pas besoin. Son relationnel est naturel. »

Je ne vais pas changer ou me prendre pour un autre. Je suis Will, c’est très bien comme ça. J’ai juste envie de gagner des matchs.

Une question de génétique, peut-être, puisque ses deux frères tournent aussi autour du ballon rond, dans le staff de Charleroi, après avoir pris sa suite à Saint-Trond. Ce qui explique sûrement le choix du Stade de Reims, qui croit beaucoup en son entraîneur belge, même s’il est appelé à intégrer le staff du futur technicien nommé après le Mondial. Will Still n’a en effet toujours pas ses diplômes, et le club champenois préfère polir son diamant belge dans l’ombre plutôt que de payer des amendes. Mais pour l’heure, Will Still se retrouve bien en pleine lumière. Après un nul sur la pelouse du dauphin lorientais, il a 4 matchs à orchestrer pour enfin lancer la saison rémoise. « La situation est particulière, mais elle m’inspire seulement l’envie de gagner les cinq prochains matchs. J’ai déjà connu cette situation par le passé en Belgique, alors que je n’ai que 30 ans », a tempéré le Belge en conférence de presse. Je ne vais pas changer ou me prendre pour un autre. Je suis Will, c’est très bien comme ça. J’ai juste envie de gagner des matchs. Certaines choses vont changer, mais le maître-mot devra être la sérénité. » Après tout, battre l’AJ Auxerre ce dimanche, ça ne doit pas être beaucoup plus dur que de gagner la C1 dans Football Manager avec West Ham et Saint-Trond. Et puis, si le nouvel opus de la saga vient de sortir, Will Still n’en a plus besoin : il joue maintenant en réalité très augmentée.

Dans cet article :
Reims freine Monaco
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Par Adrien Hémard-Dohain

Propos de Luka Elsner recueillis par AHD.

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