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Wilfried Nancy : « Stéphane Moulin était avant-gardiste »

Propos recueillis par Léo Tourbe

Toujours en course pour remporter la MLS, Columbus Crew peut remercier les ingéniosités tactiques de Wilfried Nancy. Exilé en Amérique du Nord depuis plus de 15 ans, le coach français vit l'american dream, mais n'oublie pas ce qu'il doit à Stéphane Moulin et au CFA 2.

Wilfried Nancy : « Stéphane Moulin était avant-gardiste »

C’est la première fois en trois ans que Columbus dispute les play-off. C’est déjà une saison réussie ?

Pour le club et l’institution, oui, c’est bien. On a un nouveau stade et c’est la première fois qu’on y joue les play-off. Donc c’est un beau moment pour les fans. Le but, c’est d’écrire une histoire avec cette équipe. (Le Crew de Colombus affrontera Orlando City en demi-finales de conférence à partir de samedi, NDLR.)

Les play-off, ça rend la compétition plus intéressante ?

Cette année, ils ont changé le format. C’est plus américain, au meilleur des trois matchs pour le premier tour. Je ne suis pas trop fan… Des équipes ont gagné 5-2 le premier match, et la deuxième rencontre, c’était comme si rien ne s’était passé. Mais en tant que coach, je l’aime bien, car ça m’aide à m’améliorer. Jouer trois fois la même équipe, ce n’est pas facile. Ça nous force à trouver de nouvelles animations et des effets de surprise.

Y a-t-il des particularités de la MLS dont la Ligue 1 devrait s’inspirer ?

Le salary cap, c’est quelque chose d’intéressant. Après, il faut le niveler. Mais cette idée est super importante.

Le gros évènement de l’année en MLS, c’était l’arrivée de Messi. Comment l’avez-vous vécue de l’intérieur ?

Je suis un fanatique de Messi ! Il faut rappeler le contexte qu’il y a avec l’Arabie saoudite et donc avec Cristiano Ronaldo. Je pense qu’il y a une compétition qui s’est mise en place par rapport à ça. L’arrivée de Messi, ce n’est que du bonheur pour le football ici. En matière de culture, c’est important qu’il soit là. Les gens peuvent entendre des choses, mais les voir, c’est totalement différent. Et ça met la pression sur la MLS, qui est encore plus sur la map.

Par mes parents, j’ai beaucoup de métissage, et grâce à eux j’ai pu voir plein de choses. Je respecte les cultures et ma façon d’être entraîneur ne se dissocie pas du côté humain.

Maintenant, vous êtes aux USA, mais vous avez passé votre vie à voyager. Dès votre enfance notamment.

Mon père était marin d’État. Je suis né au Havre, et tous les deux ans, on voyageait dans de nouveaux pays. On l’a fait jusqu’à mes 12 ou 13 ans. On s’est installés à Toulon ensuite parce qu’il y avait la Marine là-bas. J’étais au centre de formation toulonnais, puis j’ai commencé à faire des matchs de seconde division, mais, malheureusement, Toulon, c’est toujours la même chose. On a été rétrogradés à cause de problèmes financiers.

Où avez-vous commencé le foot ?

Vers 7 ou 8 ans, je me rappelle que j’aimais bien aller à la boulangerie avec un ballon dans les pieds. Ça devait être à La Réunion. J’ai pu jouer avec des personnes que je ne connaissais pas, on ne parlait pas la même langue, mais on jouait au foot pareil. Dans mon coaching, ça me sert énormément en matière d’empathie et pour comprendre la culture des gens.

À Châtellerault en 2002, votre entraîneur était Stéphane Moulin. Ça vous a poussé à être coach ?

J’entraînais déjà à Toulon, l’UNSS le mercredi. Et dans mes autres clubs, j’ai continué. Avec Stéphane Moulin, c’est là où j’ai passé mon BE1 (brevet d’État d’éducateur sportif 1er degré, NDLR). Je savais que j’allais devenir entraîneur. Lui était avant-gardiste. Il était super intéressant en tant que coach dans la manière de jouer, dans ses idées. Ça m’a plu et ça s’est fait comme ça. Sur le jeu collectif, il m’a ouvert les yeux. Il m’a aidé à être constant aussi, j’avais des faiblesses sur ça. Il était très minutieux, et aux entraînements, il y avait toujours de la recherche.

Il y a un entraînement qui vous a marqué ?

Déjà, je n’aimais pas quand on allait courir en forêt. (Rires.) Mais j’adorais un exercice qu’il faisait. C’était des 2 contre 2, et on devait dézoner pour amener un 3 contre 2. C’était super intéressant.

 

Vos joueurs s’intéressent-ils à votre parcours et vous demandent ce que sont Raon-l’Étape, Châtellerault, Beaucaire, où vous avez joué ?

(Rires.) Ils s’intéressent ! Mais c’est parce que j’aime raconter des faits, donc je prends des exemples qui sont vrais. Je raconte des anecdotes que j’ai vécues et qui m’ont servi. Forcément, on a parlé d’endroits où je suis allé.

C’est quoi l’anecdote que vous ressortez le plus ?

Que je n’étais pas très rapide. J’étais défenseur central, je jouais comme un libéro. Je me suis rendu compte que la chose la plus importante, c’était d’avoir une vision. Ma philosophie, c’est de courir ensemble. Et c’est donc venu du fait que je n’étais pas rapide.

Comment vous êtes-vous retrouvé en Amérique du Nord ?

J’étais en fin de contrat à Orléans, et j’avais une opportunité dans le sud de la France. J’ai de la famille un peu partout dans le monde et j’avais envie de voir quelque chose de différent. Un ami d’enfance m’a dit de venir à Montréal, alors que ma mère vivait à New York. Je suis allé à New York en vacances, puis à Montréal deux semaines. J’ai eu envie de tenter et je me suis donné un an pour réussir. Mais en trois semaines, j’ai su que j’allais y rester. J’ai rencontré l’entraîneur d’une université à Montréal qui voulait que je joue pour lui. Je lui ai dit : « OK, mais tu me mets en contact avec des gens parce que je veux entraîner. » Et il était d’accord, donc ça s’est fait comme ça.

Vous vous définiriez comme un coach à la française ou à la canadienne ?

Sincèrement, je me définis comme un coach international. Déjà, par mes parents, j’ai beaucoup de métissage et grâce à eux, j’ai pu voir plein de choses. Je respecte les cultures, et ma façon d’être entraîneur ne se dissocie pas du côté humain. L’humain est très important pour que le joueur progresse.

Thierry Henry est toujours en train de sortir de sa zone de confort, à la limite du chaos pour progresser.

Quelle est l’image des coachs français en MLS ?

Ils ne connaissent pas énormément les coachs français, mais ils connaissent le championnat. Les propriétaires, puisque c’est eux qui gèrent ça ici, sont ouverts à tout. Ce sont les compétences qui comptent. Et ensuite, c’est à nous de nous adapter à la culture.

Vous avez été adjoint de Thierry Henry à Montréal. En tant qu’ancien joueur des années 2000, était-ce spécial pour vous ?

Je le connaissais quand j’étais à Toulon. On a déjà joué l’un contre l’autre en Gambardella. C’était un bonheur de se retrouver et de se remémorer ces bons moments. Thierry, il est amoureux du football. Il transmet, il a des idées, il est brillant dans ce qu’il fait.

Vous avez été plus impressionné par Thierry Henry ou Stéphane Moulin ?

(Rires.) Les deux ont leurs caractéristiques. Auprès de Thierry, j’ai compris pourquoi ça a été un champion. Parce que c’est un compétiteur né. J’étais compétiteur déjà, mais j’ai compris pourquoi il n’y avait eu qu’un Thierry Henry. Il est toujours en train de sortir de sa zone de confort, à la limite du chaos pour progresser. Il est très fort sur ça. C’est un putain de compétiteur.

Ça vous intéresserait de venir coacher en France ?

Je suis ouvert à tout ! Avant de me marier, j’ai dit à ma femme que le football, c’était ma vie, ma passion et donc qu’on sera peut-être sujets à voyager. Elle était d’accord, donc on pouvait faire notre vie ensemble ! Je suis sans limites. J’aurais pu rester en France, mais je suis allé à l’étranger voir comment ça se passait. Je suis fier de ça parce que j’ai été courageux. Si demain il y a une opportunité, on verra. Notre métier, ça dure un an ou deux et ensuite on est viré ou on part. Je suis très content d’être à Columbus, il y a des installations et des fans extraordinaires. Je suis très bien ici, mais on verra pour le futur !

Dans cet article :
Pourquoi le foot n’arrive pas à faire plus de place aux entraîneurs noirs
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Propos recueillis par Léo Tourbe

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