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Wild Grass
Annoncé partant depuis plusieurs semaines et alors qu’un départ pour Burnley semble se préciser, Robert Snodgrass est aujourd’hui à la croisée des chemins de sa vie. Tout simplement car, à vingt-neuf ans, Hull City tourne essentiellement grâce à lui et ses inspirations géniales, un peu plus de deux ans après que le club l’a accompagné à la suite d'une sale blessure au genou. Chronique d’une bombe à retardement.
Une scène permet de mesurer le poids de l’homme. Il faut l’imaginer et la replacer dans le contexte d’un été où l’angoisse avait enveloppé le KC Stadium de Kingston-upon-Hull. Au fond, les supporters d’Hull City pouvaient-ils imaginer pire préparation alors que les retrouvailles du club avec la Premier League devaient avant tout être un motif d’espoir ? Habituellement, Mill House Woods Lane, le centre d’entraînement des Tigers, est plutôt calme, sauf que ce matin de juillet 2016, l’inquiétude est totale. Pour plusieurs raisons : personne ne sait encore si Steve Bruce, en poste depuis juin 2012, sera présent pour l’ouverture de la saison le 13 août contre Leicester, mais dans le même temps, aucune information ne filtre sur l’absence de Robert Snodgrass à l’entraînement. Sur les réseaux sociaux, les rumeurs fusent. Snodgrass serait en route pour Newcastle pour rejoindre Mohamed Diamé, dont le départ chez les Magpies est déjà acté sans être officialisé. Mieux, son nom circule à côté de celui du FC Barcelone qui l’avait scouté au début des années 2000, alors que l’international écossais cavalait sous les couleurs de Livingston.
Great team performance from us @HullCity ⚽️👍⚽️👍 pic.twitter.com/79KWhZVmJo
— Robert snodgrass (@robsnodgrass7) 20 août 2016
En réalité, Robert Snodgrass est à côté de sa compagne, Denise, qui donne naissance à leur troisième fille. Pas d’inquiétude, l’Écossais n’a pas l’intention de bouger et encore moins à un moment où le club qu’il a rejoint deux ans plus tôt est un plein bordel. Car pour l’ouverture de la saison au KC Stadium face aux Foxes, Mike Phelan, débarqué pour compenser le départ de Bruce, ne peut compter que sur treize joueurs valides alors que les supporters des Tigers en profitent pour gueuler contre la famille Allam, à la tête du club et accusée de flinguer les ambitions du promu. Sur le terrain, Hull City cabosse pourtant le champion en titre (2-1). L’artisan principal du succès ? Robert Snodgrass, évidemment. C’était il y a maintenant cinq mois. Avant que Hull ne retrouve l’angoisse – le club est actuellement dix-neuvième de Premier League – et ne change une nouvelle fois d’entraîneur il y a quelques semaines avec l’arrivée de Marco Silva. Mais aussi avant que l’avenir de Snodgrass ne revienne dans l’actualité. En pleine gueule.
L’anti-système
Après le succès contre Leicester, Snodgrass avait pourtant prévenu ses potes. Dans le vestiaire, Mike Phelan avait affirmé ceci : « Super les gars, il reste maintenant 34 points à prendre pour se sauver. » Une voix dissidente : « Non, il reste 80 points à gagner. » Oui, l’international écossais est comme ça, il ne peut se contenter de peu. Alors, sur un terrain, le bonhomme donne tout, tout le temps, et ne court pas pour les gros chèques. Début janvier, il a commencé par refuser des offres venues de Chine et de Turquie. Puis West Ham, Middlesbrough, Crystal Palace et Burnley ont débarqué pour saisir la porte ouverte par un joueur qui a refusé de prolonger son contrat chez les Tigers en décembre. Actuellement, les Clarets tiendraient la corde dans les négociations, mais rien n’a été signé. Ce qui est sûr, c’est que Snodgrass vit au pire ses derniers jours à Hull, au mieux ses derniers mois. Avec lui, c’est une constante : se battre pour exister, tout en refusant l’excès de lumière, avec respect. Comme lorsqu’il refusa de rejoindre le Celtic, son club de cœur, pour rejoindre Livingston alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années, histoire de ne pas se perdre dans la lessiveuse du système. La carrière de Robert Snodgrass aurait probablement pu être meilleure sur le CV, mais voilà comment elle s’est dessinée : une formation tranquille à Livingston, marquée par une finale de championnat d’Europe des moins de dix-neuf ans avec l’Écosse et Steven Fletcher contre l’Espagne en 2006 ; une explosion à Leeds United ; une confirmation à Norwich ; et une suite logique à Hull City, donc. Snodgrass est ce que le foot moderne appelle un héros de l’ombre, décisif, mais souvent oublié. Sauf que lui ne peut oublier.
L’angoisse et l’investissement
Il ne peut oublier son enfance compliquée à Glasgow, où de son aveu la violence et la drogue rythmaient le quotidien, les nombreuses tragédies qui ont accompagné son ascension – les morts consécutives de son oncle, de deux de ses amis d’enfance et de son jeune cousin –, mais aussi les blessures, forcément. Comme celle qui l’a privé de sa première saison à Hull City : une rupture des ligaments croisés dès la première journée de championnat contre QPR à l’été 2014. Pendant sa convalescence, Robert Snodgrass avait alors été accompagné par le club et utilisé par Steve Bruce comme partie prenante dans le staff des Tigers. Avant de définitivement confirmer l’investissement massif qui avait été placé sur lui. Cette saison, comme la saison dernière, Hull ne serait rien sans lui, ses crochets courts, son état d’esprit et sa faculté à porter un groupe limité mais volontaire. Longtemps, le KC Stadium a attendu des recrues, et elles commencent enfin à arriver au moment où Snodgrass pourrait se barrer. La situation est complexe ; le club tente de sauver sa peau avec Marco Silva, qui a décidé de se battre pour conserver son meilleur joueur et meilleur buteur. Reste que le flou est total et l’avenir des Tigers en Premier League y est aussi suspendu. Les prochains jours devraient être décisifs. Histoire d’éviter que l’angoisse ne revienne au KC Stadium.
Par Maxime Brigand